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RIDLEY :
LES CHRONIQUES D'UNE OMBRE

Chapitre 9 Succès mitigé

   Je me rappelle très peu de choses concernant ma toute petite enfance. Les souvenirs et les fantasmes s’emmêlent souvent lors de mes rêves, d’innombrables masses colorées, des sons, l’âpre odeur de la roche fumante recouvrant la surface de ma planète natale… Je n’y suis jamais retourné. Je n’en ai jamais eu envie.
   Je crois que mes premiers vrais souvenirs dataient de l’époque où Rebecca Chambers s’était chargée de mon éducation, des jeux que nous affectionnions elle et moi, de ses réprimandes lorsque je commettais un écart aux règles, ainsi que des comptines qu’elle me chantait lorsque je m’endormais, dans une petite chambre de ses quartiers.
   Et puis il y avait mes premiers pas. Les entraînements au combat qu’Isis aimait me faire passer, les sermons de Wesker, puis plus tard l’obtention de mon premier diplôme…
   Il y avait aussi ma première rencontre avec Ada Wong.

   Et il y avait mon premier meurtre.

   Je n’avais jamais prêté grande attention à l’état physique de mes adversaires. La plupart étaient des drones undercover du Consortium, ou bien des Pirates de l’Espace, dont la constitution permettait une régénération très rapide. Les autres êtres vivants que j’avais eus à neutraliser ne m’avaient en général jamais posé de problème : ils s’en tiraient presque toujours avec une ou deux fractures, voire un traumatisme pour les plus fragiles. Cependant, six mois après ma première mission et le décès de Chris, j’avais été contacté par un client bien particulier : un commissaire, répondant au nom d’Irving, plus précisément. Il m’offrait une coquette somme en l’échange d’un service non officiel, que j’avais hésité à accepter. Cependant, à l’époque, j’avais besoin de cet argent.
   Le soir même, je m’étais posté sur un toit de New Titan City, où m’attendait un fusil de sniper. Comme un automate, je l’avais épaulé et j’avais attendu. Enfin, à 23h42 précises, j’abattis ma cible, une Norionnienne d’une cinquantaine d’années, alors qu’elle attendait son amant au coin d’une rue, à 2,39km précisément. Il m’avait suffit de suivre un compteur, de stabiliser mon arme, et d’appuyer sur la gâchette pour faire apparaître un trou entre ses deux yeux. C’était si simple de tuer.
   La victime était restée debout un moment, puis avait entamé une chute au ralentit, pour finir écroulée dans une flaque de sang pourpre. La vie l’avait quittée en un instant, emportée par un humble morceau de métal.
   Je me souviens n’avoir repris ma respiration qu’au bout d’une minute, sans quitter le cadavre des yeux. Puis d’avoir lâché mon arme, qui était allée se briser 500 mètres plus bas. Et d’être parti lentement. Très lentement.
   Honnêtement, je n’ai pas vraiment envie de vous décrire ce que j’ai ressenti ce soir là. Peut-être des remords… Du dégoût sûrement… Et, par-dessus tout, la jubilation d’une virginité anéantie…
   Je me souviens que lorsque j’avais appris que ma cible avait été le témoin gênant d’une affaire sur laquelle Irving touchait des pots de vin, j’étais entré dans une fureur noire et avais dévasté son bureau, avant de le laisser dans le plâtre, puis de quitter la ville. C’était à la suite de cette mission que je m’étais désengagé de mon contrat avec l’armée et la police.
   Ada ne m’avais jamais parlé de ce qui s’était passé.
   Je me demande encore si elle le savait… 

   Bref, je pense que je vous en ai dit assez pour le moment…

       Je suivais la navette depuis un quart d’heure, plongé dans mes pensées, lorsqu’un signal résonna dans mon crâne : nous approchions de la zone de mission. Le véhicule passa en mode furtif alors que les ordres fusaient. Je dus passer en vol stationnaire.
   Le bâtiment qui nous faisait face devait bien faire une cinquantaine de mètres de haut : c’était sans doute un lieu de stockage pour véhicules, probablement de la même facture que celui qui avait attaqué la veille. Déjà, les troupes au sol se massaient devant l’entrée de l’édifice, cherchant les meilleures couvertures possibles. Nous nous postâmes derrière et attendîmes l’ordre.
   « Opérateur Friedrich à équipe bleue, mettez-vous en formation Bêta.
   - Ici Blue leader, bien reçu.
   - Equipe rouge, formation Steashner autour du point de ralliement Delta.
   - Equipe verte aéroportée demande l’autorisation de rejoindre le point Tango.
   - Autorisation accordée, équipe verte. Bonne chance.
   - Opératrice Wong à équipe verte, préparez-vous à la seconde étape.
   - Ici Red leader, snipers à 10 heures, nous passons en formation Omega.
   - Négatif, Red leader. Equipe bleue, configurez la formation Bêta en couverture pour la formation Strashner de l’équipe rouge.
   - Bien reçu, Opérateur. 
   - Equipe verte, en position pour l’étape 2. Equipe rouge, engagez l’ennemi. »

   Sans préambule, l’équipe d’intervention ouvrit le feu. Plusieurs explosions retentirent alors que les ennemis retranchés répliquaient à l’arme lourde. Des traînées bleues partaient dans les deux sens, des balles ricochaient sur les murs ou sur le sol dans une symphonie de détonations, ponctuée ça et là de cris. Je me concentrai sur le champ de bataille pour apercevoir une des deux escouades se munir de lance-missiles : ils tirèrent en même temps, envoyant une nuée de projectiles sur un point précis, l’entrée principale. Celle-ci fut complètement obstruée par l’éboulement qui en suivit, annulant toute possibilité pour nos adversaires d’effectuer une percée dans les lignes frontales.
   Ce n’était qu’une question de temps avant que nous ne soyons confrontés à eux. Soudain, sans raison apparente, je me demandai ce que ressentait Léon : avait-il peur ? N’était-ce pas sa première intervention de ce genre ? La supplication de mon amie se répercuta dans mon esprit. J’ouvris un canal privé, et entendit une voix étonnamment tremblante.
   « Qui est là ?
    - Kennedy, c’est moi.
   - R—Ridley ? Qu’est-ce que tu…
   - Stop. Soit pas nerveux. Je surveille tes arrières.
   - … Merci.
   - C’est pas moi que tu dois remercier. Terminé. »
   Bientôt, les claquements caractéristiques de tourelles automatiques résonnèrent, couvrant la retraite de l’ennemi vers le flanc droit, où mon équipe était embusquée. Je me préparai, activai mon pare-balle cinétique et débranchai la sécurité de mon arme automatique. Puis je baissai les yeux et aperçu enfin nos cibles en contrebas. La voix d’Ada retentit dans nos oreilles :
   « Operatrice Wong à équipe verte, l’ennemi est à portée. Engagez-les maintenant. Privilégiez la neutralisation non létale, bonne chance. »
   Le vaisseau largua quelques fumigènes et la troupe aéroportée plongea sur le terrain. Je leur emboitai le pas, déployant mes ailes pour freiner ma chute.
   Dès qu’ils nous aperçurent, nos agresseurs ouvrirent le feu en notre direction. Une salve frôla ma tête, une autre ricocha sur mon pare-balle, alors que le flic à ma droite fut frappé de plein fouet par un tir de plasma et alla s’écraser sur le mur du bâtiment. Pas bon du tout. Je repliai mes ailes et pointai mon nez vers le sol, accélérant d’un coup mon mouvement.
   « Ici Ridley, je me désolidarise de la formation.
   - Négatif ! Négatif ! Revenez ! BORDEL ! »
   Ignorant les cris de Friedrich, je fonçai vers le sol en poussant un hurlement sauvage, puis passai en rase-motte près des ennemis afin d’attirer leur feu. Je redressai mon vol et me mis à couvert derrière une structure métallique. Ils continuèrent à tirer, oubliant momentanément le reste de l’équipe aéroportée, qui en profita pour se répartir sous couverture.
   Alors que je cherchais une ouverture pour lancer une grenade incapacitante, je me rendis compte que nos ennemis étaient plus nombreux que ce que nous pensions : une bonne vingtaine de gars, tous des humains en armures légères. Mon attention se porta sur l’un d’entre eux. Il semblait très chétif pour un humain. Ses cheveux blancs encadraient un visage anguleux au nez aquilin et au teint terreux, dépourvu de sourcils et parsemé de légères tâches brunes. Il restait en retrait, protégé par deux types en armures lourdes. C’était de toute évidence lui qui dirigeait la troupe. Je compris ce qu’il me restait à faire.
   Je sortis de ma planque et balançai ma grenade sur deux attaquants, qui s’écroulèrent sous la décharge électrique. Je fouettai l’air de ma queue, balayant les quelques inconscients qui me barraient la route, et couru vers la cible. Cependant, je fus obligé de me trouver une nouvelle couverture lorsque je réalisai que trois autres gars s’étaient dirigés vers moi avec des lance-missiles. La première ogive explosa tout près de moi. La seconde aurait pu me décapiter si je n’avais pas eu le réflexe de me baisser, et la troisième….. Explosa en vol ! Je jetai un coup d’œil de l’autre côté du champ de bataille et vit Léon me sourire, son fusil de précision à l’épaule. Sans perdre une seconde, je me ruai vers les trois adversaires et, d’un enchaînement bien placé, les neutralisai, puis me retournai juste à temps pour éviter une salve de plasma tirée à quelques mètres. Je repris mon envol et armai mon fusil d’assaut : je n’avais pas le choix. Esquivant le plasma brûlant, à droite, à gauche, encore à droite, puis en haut, je visai et finalement, déchaînai un déluge de plasma en direction de mon adversaire. Celui-ci s’écroula, le corps criblé de projectiles, les impacts noircis encore fumants. Je retombai au sol, et me relevai, serrant la mâchoire avec amertume, déçu d’avoir cédé à la facilité.
   Il fallait en finir au plus vite.
   « Ici Ridley. Demande un soutien tactique, je m’approche du point 4.
   - Reçu Ridley, on vous couvre. »
   Une salve de tirs alliés m’ouvrit une voie. Je sautai par-dessus un obstacle, descendis un type embusqué, et arrivai enfin devant le trio. Ceux-ci m’accueillirent avec une rafale de rayons divers, que mon pare-balle cinétique dévia, pour la plupart. Un rayon à vagues traversa mes défenses et me grilla quelques écailles, tandis qu’un autre érafla une partie de mon corps non protégé. Ignorant les impacts, je me préparai à riposter, quand soudain…

   La galaxie explosa.
   L’univers entier s’embrasa en une tempête de flammes et de hurlements.
   Des profondeurs de mes entrailles, jaillit une douleur indescriptible, atroce, qui se répandit en moi, m’empêchant d’effectuer un seul mouvement. La souffrance était telle que je me recroquevillai, incapable de pousser ne serait-ce qu’un cri. Tous mes muscles se contractèrent et mes membres furent secoués de spasmes d’une violence inouïe. Je ne parvins plus à respirer. Ma vision se brouillait, alors qu’un ignoble sifflement retentit au fin fond de mon cerveau… Je tentai de me relever mais en vain.
   J’avais tellement mal, je ne désirais plus qu’une chose : crever. Je perçu une détonation au loin. Puis plus rien.

   La douleur s’était estompée.
   Peu à peu, je retrouvai l’usage de mon corps et ma vision se rétablit. Les claquements des mitraillettes avaient laissé place au calme urbain d’origine. C’était fini. Devant moi gisait un de mes assaillants, mortellement touché à la tête. Son coéquipier, lui, avait apparemment subit une sévère dérouillée au corps à corps, et gémissait, le bras entravé par une jeune femme très musclée.
   Il semblait que la cavalerie avait pris les choses en main.

   « Ridley ? Bordel !! Ridley, ça va ? »
   J’aperçu alors Léon, qui avait maîtrisé le leader ennemi, lequel, dépouillé de ses armes, saignait abondamment du nez. Je me rendis alors compte que dans ma crise, je m’étais complètement écroulé et, à en juger par les impacts sur les objets environnant, j’avais perdu le contrôle de ma queue.
   Je me relevai péniblement, tout en l’écume qui restait sur mes babines.
   « Heu… Oui-oui-oui… Tout va bien, le rassurai-je. J’ai… J’ai trébuché. »
   Léon me regarda avec insistance.
   « Tu te fous de moi ?
   - Non, promis, je… Arg…
   - Ridley, tu ne tiens même pas debout… !
   - T’inquiète. Ca va aller. Quelles sont les pertes ?
   - … On a quatre victimes. Et le sous-lieutenant O’Hara est salement amoché.
   - Et de l’autre côté, demandai-je ? »
   Léon me regarda d’un ai sombre, puis détourna les yeux.
   « A part ce type là bas, ils… Ils sont tous morts. »

   Je restai sans voix.

   « Comment ça se fait ? Léon, comment est-ce que vous avez pu tous les…
   - J’en sais rien, Ridley, s’écria le jeune flic ! Il s’est passé quelque chose. Pendant un petit moment il y a eu une sorte de… De panique dans l’équipe, et… Je te jure, je sais pas ce qui s’est passé… ! Un de nos gars à crié ‘A l’assaut !’ et on est sorti à découvert en dézinguant tout le monde. J’ai suivi le mouvement, c’était plus fort que moi… !
   - Mais les ennemis à terre ? Ceux qu’on avait neutralisés ? Me dit pas que vous les avez butés aussi… ! »

   Kennedy baissa les yeux.

   « Putain, Léon… Qu’est-ce qui vous a pris ? 
   - J’en sais rien. Croit moi. »

   C’est alors que le nabot que Léon avait maîtrisé eut un rire amer.
   Ayant récupéré mes forces, je le saisis brusquement, l’arrachant aux bras de mon coéquipier. Le petit homme poussa un cri mais ne proféra aucun mot. Malgré les protestations de Kennedy, j’entraînai le chef ennemi vers un mur ruiné par le combat, contre lequel je le plaquai avec violence. Mes griffes s’enfoncèrent dans le béton.
   Je hurlai :

   « TU TROUVES CA DRÔLE, ORDURE ?! QUI ES-TU ?! REPOND-MOI ESPECE DE SALE VERMINE, POUR QUI EST-CE QUE TU TRAVAILLES ?!! »

   Je recouvris ainsi l’homme d’insultes pendant deux minutes, déversant toute la rage qui découlait de ce terrible sentiment d’impuissance. La bave recommençait à jaillir de ma bouche crispée lorsque je sentis une pression sur mon bras. Je tournai la tête et vis Léon, le regard triste, secouer la tête d’un signe négatif ; l’équipe entière me regardait, consternée. Je relâchai mon étreinte, laissant le nabot rejoindre le jeune homme, qui le reprit en main.

   « Qui êtes-vous, répétai-je alors calmement non sans lui lancer un regard noir ? »
   Le type déclara alors d’une voix geignarde :
   « Je… Je ne parlerai qu’en présence de mon avocat… »
   Je me baissai, ramassai un fusil plasma à pompe sur le corps d’un des terroristes et je le pointai vers son entrejambes.
   « Je suis un chasseur de primes, dis-je posément. Je ne suis absolument pas concerné par la convention de Genève, ni par le traité de Kronus. Toute lésion non fatale m’est autorisée dans le cadre de ma mission, et je doute que vous teniez tant que ça à perdre vos…
   - SALAZAR, hurla-t-il, à bout. Pitié ! Je m’appelle Ràmon Salazar ! Je… Je n’ai fait que suivre les ordres, ne me faites pas de mal !
   - Ben voilà, on progresse, fis-je froidement.
   - Ridley, m’interrompit Léon, on l’interrogera quand on sera revenu à C1Z14, tu en as assez fait… »
   Il me parlait sans agressivité. Sa voix laissait transparaître une certaine compassion. Il comprenait ce que je ressentais. Lui non plus n’avait certainement pas souhaité ce massacre. Je soupirai et me redressai, laissant les deux hommes partir vers la navette.

   Depuis mon premier assassinat, j’avais pu compter chaque vie que j’eus prise. Douze Humains. Deux Julothiens. Trente-quatre Pirates, dont deux morts sur une table d’opération. Six Krikens. Et quinze individus d’origines non identifiées. Certains avaient été mes cibles directes, les autres avaient tenté de me tuer ou de m’arrêter dans le cadre de mes missions. Je détestais ça. Je m’étais efforcé de prendre de la distance, de me persuader que j’agissais pour une bonne cause à chaque fois. Cependant, très vite, je m’étais rendu compte d’une chose : la morale n’était qu’un luxe pour un chasseur de primes, seule la récompense importait. Il m’avait fallu une bonne dose de café pour accepter cet état de fait, mais c’était indéniable, mon boulot m’exposait sans cesse à des choix cornéliens, qu’il me fallait faire rapidement et avec discernement… L’écart entre le Bien et le Mal était tellement relatif que cela en était devenu indélicat. « Ca n’a rien de personnel », aurait dit le tueur à gages d’un mauvais film d’action. En effet, ça n’avait jamais rien eu de personnel.
   Faire le tri entre mes missions m’était apparu comme la meilleure solution. Eviter les assassinats autant que possible. Mais je savais au plus profond de moi que tôt ou tard, mes mains allaient être tâchées à nouveau.
   J’avais affectionné pendant un temps le fusil de précision : tuer sans être vu, mettre de la distance entre la cible et l’arme, me procuraient la sensation de n’avoir jamais vraiment commis le meurtre. Cependant, il m’avait fallu inévitablement passer à des armes plus rapides à manier. Le 9 mm et les différentes gammes d’armes plasma à courte et moyenne portées me permettaient de me débarrasser de mes adversaires sans forcément les éliminer, il suffisait de tirer aux bons endroits.
   C’est drôle à quel point je tenais à causer le moins de morts possible… A quel point je tenais à rester Humain envers des Humains l’étant moins que moi… D’un ridicule presque touchant.
   Je me souviens qu’un jour, Albert Wesker m’avait parlé de mon peuple. La manière dont ils se battaient, en utilisant leur corps comme une arme, à la fois rapide et terriblement meurtrière. Il m’avait parlé de Marcus James Ridley, l’anthropologue Fédéral qui avait découvert mon peuple des siècles auparavant, et à qui je devais mon nom.
   Je n’avais utilisé mon propre corps que très rarement comme arme, du moins comme arme mortelle. Le jour de la mort de Chris, je m’étais découvert l’habilité de cracher du feu, comme un dragon des anciennes légendes Terriennes. Il m’avait fallu des semaines d’entraînement pour maîtriser entièrement cette technique : sous l’effet de la pression, mon organisme semblait sécréter une substance inflammable, puis la traiter de manière à ce qu’une fois à l’air libre, elle s’embrase aussitôt. Il ne me restait plus qu’à expulser cette mixture chimique par la gueule. J’avais tenté de lui donner plusieurs formes et avec le temps, j’avais réussi à faire varier la cadence de ma nouvelle arme, en raclant ma gorge plus ou moins intensément.
   Le même jour, j’avais manqué de tuer Ada en mission à cause de cette foutue flamme.
   Je me souviens m’être juré de ne l’utiliser qu’en dernier recours, tout comme le tranchant de ma lame caudale.
   Mon corps n’avait pas à être une arme.
   Je l’avais assez salit comme ça.

   Trop épuisé pour avoir une autre conversation, je sortis mon Holopad et commençai un texto à Ada pour la rassurer.
   J’allais valider le message, lorsque j’entendis des cris provenant de l’escouade aéroportée. Ils montraient quelque chose en haut du bâtiment. Je levai les yeux et tentai de discerner quelque chose. Et c’est alors que je le vis... Sur le toit de l’entrepôt, un type était accroupi. Sa combinaison noire et rouge laissait transparaître les formes caractéristiques d’un Slabanthien, cependant je ne pouvais distinguer son visage, caché derrière une visière. Une visière reliée à fusil Imperialist modifié. Un fusil Imperialist modifié, braqué en contrebas. Je suivis du regard la trajectoire du canon, sachant par avance où celui-ci allait tirer. Je ne pris pas le temps d’établir une stratégie et fonçai vers Léon et Salazar. Trop tard.
   Le petit homme aperçut le tireur embusqué et se dégagea de l’emprise de l’agent.

   Le sniper tira. Cinq fois.

   Cinq faisceaux rougeoyants transpercèrent l’un après l’autre le corps du jeune homme. Cinq fois de suite, la silhouette de Léon Kennedy se tordit avec grâce dans un semblant de danse macabre. Cinq gerbes de sang éclaboussèrent le sol.
   Pas un seul son ne sortit de sa bouche. Son visage ne semblait pas crispé. Seule une expression de surprise s’y étalait. Ses yeux s’écarquillèrent. Et il tomba.

   Je le rattrapai in extremis.

   « LEON ! BORDEL, MEDIC’, MEEEDICCC ‘ ! »
   J’appliquai mes deux macrocaps d’énergie sur ses plaies mais les rayons avaient été poussés à leur puissance maximum. Alors que le medic de l’escouade prenait Léon en charge, je me retournai vers le toit : le tireur s’était relevé. Il resta debout un moment et, brusquement, fit volte-face et s’enfuit. Je pourrai un hurlement de rage et déployai mes ailes, m’envolant à sa poursuite. Le Slabanthien était sorti de la zone industrielle, il sautait de toit en toit tentant de me semer. Mais j’avais reconnu le sigle sur son dos, une tête de mort verte enflammée. Je savais qui c’était. Et il allait le payer.

   « KILL, SALE FILS DE PUTE ! JE VAIS TE FAIRE LA PEAU TU M’ENTENDS ? »

   Kill se retourna et dégaina son lance-grenades avec une rapidité surprenante. J’évitai ses projectiles et fonçai vers lui pour l’attraper à la volée. Il m’esquiva dans un roulé boulé, pris appui sur ses jambes de batracien et sauta sur un toit à une vingtaine de mètres plus haut. Je virai de bord et me rapprochai de lui, en slalomant entre les immeubles et en essayant de ne pas le perdre de vue. Soudain, j’entendis un vrombissement, et regardai à nouveau devant moi : un énorme vaisseau touristique me faisait face ! J’effectuai un tonneau vers la gauche pour ne pas finir écrasé, puis cherchai Kill du regard, et le trouvai enfin, plus bas, au niveau de la rue. Je poussai un cri strident et descendis en piqué sur cette ordure, pénétrant l’air. Tout vibrait autour de moi alors que je me rapprochais de plus en plus vite de ma cible ; il ne faisait aucun doute pour moi que c’était un homme mort. J’allais le réduire en une masse informe…
   Mon corps n’avait pas à être une arme.
   Je n’avais pas à être une arme.
   Assez sale comme ça.
   Dans un hurlement, je me redressai en passant juste au dessus de lui. Ma queue s’enroula autour de son torse et je l’emportai vers le ciel, lui arrachant son Imperialist au passage. Une douleur aigüe me prévint qu’il s’était attaqué à ma carapace ; je jetai un coup d’œil rapide pour voir que Kill tentait de sectionner son entrave à l’aide d’un cutter laser. Je le lâchai au dessus d’un bâtiment, sur le toit duquel il atterrit sans encombre. Je redescendis et me plantai devant lui. Il enleva sa visière, qui l’encombrait de toute évidence, et me toisa d’un regard plein de malveillance. Je lui lançai :
   « Kill, ça te ressemble bien de marcher sur les plates-bandes de tes concurrents… Mais qu’est-ce que tu espérais, nous piquer la prime ? On bosse avec les flics, je te rappelle, on est pas dans un contrat de petite frappe. »
   Il se déplaça de côté, et je suivis le mouvement. Nous marchions en cercle, attendant le moment où l’autre se déciderait à baisser sa garde.
   « Tu m’as déjà fait le coup, connard, lui dis-je. La dernière fois t’as essayé de me chourer la prime en butant Al-Jalid, mais j’ai été gentil, je t’ai laissé repartir.
   - Alooors ça te fait plaiiiisir de crrooaaare qu’on est sur le même cooontraaat, répondit Kill de son ton croassant ?
   - Qu’est-ce que tu racontes ?
   - Pauuuvre tête de piaf, ricana le Slabanthien, tu peux te les garder tes 5 milliooons, une fois que j’aurai mis la main sur Salazaarrr je me ferai des couilles en orrrr. »
   Je me figeai.
   Il connaissait l’identité de notre cible… ? Comment avait-il fait pour… ?
   Kill profita de ma perplexité pour jeter une grenade fumigène en ma direction, et prendre la fuite. Je fermai un œil et activai la vision thermique de ma lunette de visée : cela me permit de le repérer facilement. Je sorti du nuage de fumée, fonçai vers lui et lui attrapai le bras, puis le plaquai brutalement au sol.
   « TU RESTES LÀ ! On a deux ou trois choses à se dire, toi et moi… »
   Il tenta de se dégager, mais je fis un mouvement du coude. Son membre craqua et Kill coassa de douleur. Je contactai la base et leur donnai mes coordonnées, tout en tenant ma proie bien contre le béton. La navette passa nous récupérer ; je ligotai Kill dans une camisole énergétique et nous décollâmes en direction de C1Z14.
   A côté de moi, Léon Kennedy gisait dans un brancard, entouré de perfusions et de générateurs d’antiseptiques, secoué de temps à autre d’un léger spasme. Je ne le quittai pas des yeux. Il avait subi ces blessures par ma faute, je le savais. C’était moi qu’Ada avait chargé de le protéger, et j’avais échoué. Je n’aurais jamais du le quitter d’une semelle… Si j’avais été là, pas un de ces tirs ne l’aurait atteint… Si seulement…
   Mon oreille interne vibra.
   « Ada. On a un problème. »

   Une heure plus tard, Léon avait été transporté aux urgences. L’heure d’après, il dormait profondément dans son lit, relié à plusieurs appareils médicaux. Sa respiration s’était stabilisée. Il était hors de danger.
   Ada ne me jeta pas un regard, ne m’adressa pas un mot ; je la vis juste se diriger vers la salle de garde et refermer la porte de l’aile médicale.
   Moi et Londo observions le jeune agent à travers la vitre de sa chambre : nous n’étions pas autorisés à y entrer pour le moment, mais la communication restait possible. Lorsque Léon se réveilla, nous le rassurâmes du mieux que nous pûmes. Finalement, Londo fut appelé pour une urgence et je restai seul avec le jeune flic.
   Après une minute de blanc, je murmurai :

   « Kennedy… C’est ma faute. J’te demande pardon… »

   Devant son regard interrogatif, j’ajoutai :

   « J’avais promis à Ada qu’il ne t’arriverait rien. J’étais sensé veiller sur toi. Mais tout a foiré. Ils sont tous morts, Salazar est quelque part dans la nature et toi tu… [ma gorge se serra] Tu as failli y passer… »
   Mon poing se contracta douloureusement.
   « J’ai fait que de la merde… »
   Le silence était revenu dans la pièce blanche, silence que seul le son d’un Holo-cardiogramme venait troubler, accompagné du ronronnement agréable des appareils médicaux.

   « Ridley, commença Léo d’une voix enrouée, fait-moi plaisir… Réfléchit un peu… Tu crois vraiment que tu aurais pu prévoir ça ?
   - Je ne…
   - Tu penses vraiment que tu aurais pu stopper les tirs ?
   - …
   - Je ne t’en veux pas Ridley. Ce n’est même pas ta faute. Tu n’as aucune, je dis bien aucune raison de te sentir fautif. 
   - … Merci Léon… »

   Je posai ma main à plat sur la vitre.

   « Les docteurs t’ont dit quand je pourrai ressortir ?
   - Ouais… Si tout va bien, dans un mois tu seras sur pieds…
   - Oublie ça Ridley… »

   Il leva les yeux vers moi. Et pour la première fois, je ne vis que de l’abandon dans ses yeux.

   « Je ne peux plus marcher, dit-il calmement. Je ne sens plus mes jambes. C’est fini. »

Keliaran

RIDLEY :
LES CHRONIQUES D'UNE OMBRE
Fin du chapitre 9

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Un remake de Metroid Prime, enfin ! Vous en pensez quoi ?

Je prends direct ! Toute mon enfance en HD !

Je n'étais pas né à l'époque, quelle aubaine de pouvoir enfin le faire !

Très peu pour moi, j'attendais la trilogie d'un coup...

Bof, je l'ai déjà trop fait, je passe...

J'ai tout claqué dans les remakes HD de Crash Bandicoot :(


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