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RIDLEY :
LES CHRONIQUES D'UNE OMBRE

Chapitre 12. Transition partielle

   « Ryjiss ?
   - Qu’y a-t-il, Ridley ?
   - J’ai entendu Sœur Rebecca parler de monde natal. C’est quoi un monde natal ?
   - Un monde natal… Est un endroit où se trouvent les gens qui te sont chers et auxquels tu es cher également. Un monde natal est l’endroit qui t’a vu naître et qui t’a construit. Il fait partie de toi.
   - Tu as un monde natal, toi ?
   - Oui, mon petit. Mon monde natal s’appelle SR-388. Mais les miens aiment l’appeler la Terre Promise…
   - Et moi, est-ce que j’ai un monde natal ?
   - Ton monde natal… Ce sera à toi de le construire.
   - Je ne comprends pas.
   - Ne t’inquiète pas, Ridley. Le temps viendra. »

   Ada m’expliqua que durant mon coma, elle avait enquêté de son côté sur les détails de l’affaire, et avait obtenu quelques dossiers pour le moins intéressant en passant outre leur confidentialité. Cependant, il lui fallait un Terminal pour pouvoir décoder la totalité des fichiers. Nous décidâmes alors tous ensemble que nous nous pencherions sur le sujet après mon check up. Lorsque je fis remarquer pour la seconde fois que nous ne pourrions rien faire sans mon dossier médical, Ada déclara avoir prévu le coup en ayant téléchargé une copie de toutes les données biologiques qui me concernaient. Impressionné, je la vis sortir de sa poche… Une disquette ? La vache, cette fille adorait les vieilleries..! Lorsque nous eûmes réglé les problèmes de compatibilité, Tery’uk et ma partenaire s’afférèrent sur le terminal pendant que je me recouchai sur la banquette d’observation. Je jetais de temps à autre un regard vers Ada Wong, espérant capter une once de complicité dans ses yeux, mais son comportement restait relativement froid. Je me demandais si elle m’en voulait encore, refusant d’écouter cette petite voix dans ma tête qui me susurrait que rien ne durait éternellement. Peut-être qu’elle avait peur de moi. A cette pensée, je ressentis un pincement au cœur.
   Le sas s’ouvrit pour laisser entrer la Phrygisienne de tout à l’heure, qui avait apparemment laissé tomber son occupation sculpturale. Elle jeta un regard circulaire dans la pièce et s’assit près de Lalamya, lui chuchotant quelque chose à l’oreille. Le visage de l’archimaedienne se fendit d’un léger sourire et lui fit un hochement de tête. Elle se leva, s’approcha de moi, et me dit :
   « Aurile aimerait te sculpter. Ca ne te dérange pas ? »
   Devant mon regard étonné, son sourire s’agrandit et je la vis faire un clin d’œil en direction de la nouvelle venue. Celle-ci s’assit en tailleur par terre et disposa ses mains en creux ; à mesure qu’elle écartait l’espace entre ses paumes, un bloc de glace y fit son apparition et grandit jusqu’à atteindre la taille d’une tête humaine, tout en continuant de flotter en l’air. La dénommée Aurile commença alors à donner de petits coups sur la surface du glaçon, taillant d’abstraites formes et remodelant sa sculpture en y rajoutant du volume. Je la regardais faire, fasciné par les mouvements à la fois chaotiques et pourtant si ordonnés de ses mains. La phrygisienne semblait totalement absorbée par sa sculpture à présent, et je crus percevoir sa voix entonner une mélodie rêveuse pendant son ouvrage. Je pris alors le temps de l’observer. Elle devait mesurer deux mètres, peut-être un peu plus. Son corps présentait les arêtes caractéristiques des Phrygisiens, auxquelles se mariaient de façon plutôt esthétique ses courbes féminines. Une crête de plumes recouvertes de givre ornait l’arrière de sa tête, elle-même dissimulée par le traditionnel casque de chasse de Phrygis. Aurile portait une tenue d’isolation classique, agrémentée de pans de tissus rouges ornés de symboles dont la signification m’échappait. Je remarquai que ses doigts étaient légèrement plus articulés que chez un Phrygisien moyen, et en conclus que cela devait être signe d’une disposition naturelle à la sculpture.
   Après un bon quart d’heure, l’ordinateur avait assimilé mes données médicales. Il s’agissait à présent de lancer un scan complet de mon organisme pour déceler ce qui n’allait pas. Une petite sphère de la taille de mon poing s’éleva dans les airs et commença à faire des allers-retours au dessus de moi, balayant mon corps d’un rayon bleu, probablement à la recherche d’anomalies. De l’autre côté du terminal, Tery’uk écarquillait les yeux, poussant de temps à autre une exclamation. Au bout d’un moment, il m’appela. Je détournai mon regard d’Aurile et tentai de diriger ma tête vers le biotech’. Celui-ci me dit d’une voix enjouée :
   « Ridley, ta constitution est vraiment impressionnante !
   - Je vais prendre ça pour un compliment, lançai-je pour faire rire Ada en vain.
   - J’ai jamais vu ça, reprit-il. Faudrait que je montre les résultats à Thoeris, je suis sûr qu’il serait fasciné…
   - Thoeris est notre expert en biologie, expliqua Lalamya. C’est lui qu’on aurait dû voir en principe, mais il est en mission sur Titan City.
   - De quelle espèce es-tu, Ridley, me demanda Tery ?
   - Prédactyle. »
   Tery’uk mit un instant à piger.
   « Oh. Désolé.
   - Pas grave.
   - Les analyses montrent que ta physionomie a un potentiel énorme ! Structure musculaire évolutive, système d’incinération organique, système reproductif adaptable… 
   - Je te demande pardon ?
   - Ta structure faciale te permet de reproduire tout type d’expression et de langage, poursuivit-il, une sorte de système d’hyper-socialisation, remarquable ! Système respiratoire à pressurisation adaptable, système digestif à complétion enzymatique, la vvvachhhe… !
   - Il se rend compte que c’est pas très agréable, fis-je en direction de Lalamya ? 
   - Il est toujours comme ça, dit-elle dans un rire. »
   Je me renfrognai et reportai mon regard sur la Phrygisienne. Celle-ci continuait sa sculpture de glace avec soin, et me jetait parfois quelques coups d’œil furtifs, arrangeant un ou deux détails par ci par là. Je ne pouvais distinguer la statuette de là où j’étais mais ma curiosité grandissait. Je cherchai ensuite Ada du regard pour la trouver devant un terminal au fond de la pièce. Un cri de victoire retentit, et Tery’uk se leva pour venir à ma rencontre.
   « Ca y est, Ridley, j’ai enfin réussi à isoler la cause de tes troubles ! »
   Lalamya et Ada s’approchèrent.
   Je me relevai brutalement, et mis par inadvertance un puissant coup de tête au droïde sonde, qui fut projeté contre le mur.
   Aïe.
   « On a là une sorte d’agent chimique très puissant, précisa le biotech’, utilisé principalement en chirurgie pour provoquer différents états physiologiques. En général, on l’injecte directement dans la moelle épinière ou dans les structures nervo-motrices : la dose circule jusqu’au cerveau, où elle est traitée par les hormones comme l’endorphine ou l’adrénaline, puis d’où elle repart vers le reste du corps et accomplit une tâche donnée.
   - Donc en gros, le produit qu’on m’a injectée est passé dans ma colonne vertébrale, puis dans mon cerveau, et il a été redistribué à travers mes organes ?
   - C’est à peu près ça.»
   Je plissai les yeux, alors que le puzzle prenait forme dans mon esprit.
   « C’est pour ça que Léon n’a pas été affecté lorsque tous les autres membres de l’escouade ont subi ces AVC, dis-je lentement. Il a été rendu paraplégique par l’attaque de Kill, sa colonne vertébrale a été sectionnée, donc le poison n’a pas pu circuler… »
   Ada eut un mouvement de la tête. Je me mordis la lèvre.
   « Sauf qu’on parle d’un produit assez peu efficace sur le court terme. Il faut l’administrer non-stop dans ton système sanguin pour qu’il agisse. Ce sont donc bien des nano-machines qu’on t’a injecté. Elles circulent parmi tes globules rouges et libèrent en continu différentes gammes d’enzymes, qui, séparément, sont sans danger. Cependant, lorsque ces nanites reçoivent un signal précis, elles combinent ces mêmes enzymes pour créer l’agent chimique qui correspondra à un résultat désiré.
   - Je comprends, murmurai-je. Ces gars m’ont injecté les mêmes nano-machines qu’au reste de l’équipe, mais ils n’avaient pas prévu que ma structure biologique pourrait être différente, alors que les officiers, eux, étaient tous des humains. Mon organisme n’a pas supporté la première combinaison d’enzymes, qui était destinée à augmenter leur agressivité, et j’ai perdu connaissance. »
   Lalamya et Ada échangèrent un regard, et l’Archimaedienne prit la parole :
   « Quant à l’agent chimique utilisé pour te forcer à tuer Kill, c’est celui-là même qui a causé la mort de tous ceux qui portaient les nano-machines. Ce qui veut dire que toutes ces nanites fonctionnent sur une même fréquence et qu’elles ne peuvent agir séparément.
   - On sait aussi que notre suspect a accès à toutes les données médicales même les plus confidentielles, poursuivit Ada, puisqu’il a su exactement à quelles toxines était sensible Ridley.
   - En même temps, si tu es parvenue à pirater la base de donnée fédérale, n’importe qui peut le faire, lui lança Tery’. »
   Ada le gratifia d’un redoutable regard et dit simplement :
   « Rappelle-moi qui a hacké le système de surveillance, déjà ? »
   Un petit bruit étrange interrompit la discussion. Nous nous tournâmes tous en même temps vers Aurile, qui tenait dans ses mains sa petite création toute en glace. Elle s’avança avec un semblant d’hésitation, déposa délicatement son œuvre à côté de moi sur la banquette, et fit précipitamment volte-face pour finalement sortir de la salle. Je me penchai sur la statuette d’une vingtaine de centimètres. Elle représentait un Prédactyle adulte, magnifiquement ciselé, toutes griffes dehors, les ailes totalement déployées et le bec ouvert dans un cri silencieux, alors que sa queue décrivait un arc-de-cercle vers le haut. Une certaine grâce émanait de cette figurine, de sa posture surréaliste, le corps du Prédactyle étant cambré de façon presque amusante, mais aussi un peu dramatique… Je sifflai d’admiration.
   « C’est moi, ça ? Joli. 
   - Je crois qu’Aurile veut que tu l’emportes avec toi, dit Lalamya. C’est de la glace organique de Phrygisien, ça ne fondra pas facilement et c’est assez solide.»
   Je me promis de la féliciter lorsque j’en aurais l’occasion.
   « J’ai trié par recoupement, annonça Tery’uk quelques minutes plus tard, on a trois solutions pour le premier agent chimique et deux pour le second.
   - Fait voir, fis-je en scrutant l’hologramme ?
   - Regarde, dit Ada, il est probable que ta première crise ait été causée par un androgène, probablement du Delta 4 androstènedione, du DHEA ou de la Dihydrotestostérone. Je penche plutôt pour le DHEA.
   - Quand à la deuxième crise, poursuivit le Julothien, on a vérifié quelles substances pouvaient amener à un AVC chez l’Humain, tout en prenant en compte ta structure cérébro-spinale. Malheureusement, il faudrait avoir la certitude de la cause de l’AVC : s’il a été causé par une fibrillation atriale, c’est à coup sûr dû à un excès d’acide zolédronique. L’autre possibilité, c’est une hypertension artérielle, mais là on a un souci, la gamme d’éléments toxiques est trop large, et je n’ai pas réussi à déterminer la cause de ta crise de violence… »
   Je hochais la tête, feignant d’avoir compris ce charabia, tout en faisant tourner la petite statue de glace dans mes mains.
   « Si j’ai bien saisi le truc, commença Lalamya, il faut déterminer la cause de l’attaque cérébrale du reste de l’équipe, j’ai bon ?
   - Ouaip, fis-je. Ce serait beaucoup plus simple si on avait accès à leurs données mortuaires. 
   - Je vais fouiller la morgue, dit Ada d’un ton neutre. 
   - Tu es sûre que ça ira, lui demandai-je ? Ca risque de mal tourner. »
   Elle ne répondit pas. Tery enchaîna :
   « Ok, on fait comme ça. Quand on aura toutes les données, on saura exactement comment empêcher les toxines d’agir sur Ridley.
   - Et les nano-machines, demandai-je ? Il y a un moyen de m’en débarrasser ?
   - Malheureusement non. Elles sont trop nombreuses dans ton système sanguin, il faudrait te vider de ton sang pour toutes les extraire. »
   L’image d’un vieux Prédactyle en chaise roulante tout sec et fripé, traversa mon esprit. Je frissonnai. Mieux valait ne pas tenter l’expérience. Je me retournai vers ma partenaire :
   « Ada, quand est-ce que tu penses pouvoir faire ça ?
   - En fin d’après-midi, fit-elle, dans deux ou trois heures, au moment de l’inspection quotidienne de la maintenance. Je vais pirater la sécurité, scanner quelques corps et envoyer les résultats à Tery’uk. 
   - Et si on jetait un œil aux fichiers que tu nous as apporté, demanda Lalamya dont la voix trahissait la curiosité ? »
   Ada eut un sourire presque indétectable, puis elle se reprit et sortit son Holopad.
   « Une partie des infos est cryptée, mais ce que j’ai lu vaut son pesant en cacahuètes… »
   Et lorsqu’elle nous montra ce dont il était question, nous eûmes le loisir de constater qu’en effet, mon amie avait ramené une sacrée cacahuète.

   Ma toute première escale sur Logacia datait de ma troisième année à l’Académie. En vue de préparer un mémoire, tous les futurs soldats se devaient de passer un stage d’un mois en caserne. La ville que l’on m’attribua se nommait S1L3NT et se situait dans une zone proche de l’actuelle capitale.
   Ada Wong avait choisi une caserne située sur Norion, et c’est avec appréhension que je lui dis au revoir lorsque ma navette se prépara à décoller. Depuis notre première année, Ada et moi étions presque inséparables, nous partagions la plupart de nos cours et entraînements et nous nous débrouillions pour avoir un maximum d’heures de pause en commun. Pour la première fois depuis une éternité, j’allais me retrouver livré à moi-même.
   « Allez, hauts les cœurs, m’avait-elle encouragé, t’as de la chance d’aller à Logacia, paraît que c’est super beau là bas. Et en plus, il y a pleins de restos tenus par des immigrés Réauriens, tu vas pouvoir bouffer des tonnes de poisson, toi qui adores ça ! »
   Je n’en menais pas large. Cependant, dès mes premiers pas sur le sol de ce nouveau monde, l’excitation prit l’ascendant sur le stress, et bientôt, je me surpris à explorer chaque rue de la ville, mû par une curiosité quasi-maladive. Malgré quelques tensions au début, le stage se déroula pour le mieux.
   Lors de ma dernière journée, j’eus le droit à une permission. J’en profitai pour me rendre à un endroit bien spécial, la tour Hepburn, le plus haut Building de la cité. Arrivé au dernier étage, je sortis de l’ascenseur, échappant aux regards abasourdis des civils, et m’approchai d’un balcon qui offrait une vue imprenable sur la célèbre mer artificielle de S1L3NT. L’air tiède circulait entre mes écailles, couplé au doux soleil de Logacia. Ada avait raison, c’était une planète magnifique. Je me promis de revenir un jour.
   Un bruissement me tira de mes pensées. A côté de moi se tenait une jeune personne, un humanoïde en tenue civile. Son museau allongé de canidé, ses oreilles pointues et son poil d’un gris tirant sur le bleu ne laissaient aucun doute, c’était un natif de Réaura, encore dans l’adolescence à en croire sa touffe crânienne encore ébouriffée. Il s’approcha sans rien dire et se pencha au balcon.
   « Belle journée, n’est-ce pas, dis-je après quelques minutes ? 
   - Belle journée, répondit-il simplement sans me regarder. »
   Pas très loquace…
   « Et vous a… »
   Je fus coupé par une soudaine vibration de l’air, un ronronnement discret et lourd à la fois, une sorte de murmure qui semblait résonner autour de nous, et plus profondément, en moi, à l’intérieur de mes os. Je levai la tête et laissai échapper un cri de stupeur. A quelques mètres au dessus de la tour Hepburn, une gigantesque masse planait de tout son long, étalant son ombre sur l’intégralité du bâtiment. Lorsque la chose nous dépassa, je me rendis compte que c’était un animal volant. La bête mesurait une bonne dizaine de mètres de longs, et le double de large. Sa constitution faisait penser à une raie, à cela près que ses « nageoires » bleuâtres étaient pourvues de petites griffes et de cavités vibrant avec langueur, sûrement un dispositif naturel pour lui permettre de planer. Sous son ventre blanchâtre, je distinguai six pattes chitineuses atrophiées, probablement vestigiales. Sa tête ne se différenciait du reste de son corps que par deux paires d’yeux, agrémentés d’une mâchoire mandibulaire. De temps à autre, son feulement se transformait en une étrange plainte, entre le couinement et le chant d’une baleine. Le grand animal revint près de l’immeuble, traînant avec mollesse sa longue queue, en fit vraisemblablement le tour complet et s’enfuit au loin, avec une grâce étonnante pour sa carrure.
   Je tombais des nues. Je me retournai vers le jeune Réaurien, qui n’avait pas bougé d’un poil :
   « Wheaow, qu’est-ce que c’était que ce truc ?? Vous avez vu ça ? 
   - Vous êtes nouveau à Logacia, je me trompe ? »
   J’acquiesçai.
   « C’est une Raheemta, m’expliqua le jeune homme. Ce sont des animaux piscivores qui ont un comportement social assez complexe. On n’en trouve que sur Logacia, et tous les dix ans, des centaines de bancs de Raheemtas quittent l’atmosphère pour aller se reproduire dans la ceinture d’astéroïdes de la planète Mödjik.
   - Elles peuvent survivre dans le vide spatial, m’étonnai-je ?
   - Drôles de bestiaux, hein ? »
   Le Réaurien se retourna enfin vers moi.
   « Une légende populaire veut que la plus grande Raheemta de la décennie soit la gardienne de la plus précieuse promesse.
   - …
   - Lorsque deux êtres liés par un sentiment d’une puissance hors du commun se font une promesse, la légende veut que la Raheemta la plus majestueuse passe au dessus d’eux et emporte leur serment au loin, par delà les étoiles, jusqu’à Mödjik. »
   J’orientai mon regard vers la silhouette de la créature qui disparaissait à l’horizon.
   « Et le jour où la promesse sera brisée, continua le Réaurien, la Raheemta pleurera une dernière fois avant de mourir.
   - Ils sont gais les Logaciens, dites-moi… »
   Le jeune humanoïde eut un rire bref. Nous nous dîmes au revoir et nous séparâmes.
   Dans la navette du retour, je fis un rêve étrange. Un rêve traitant de massives créatures volantes, de promesses brisées et d’un cake à la vanille, ne me demandez pas pourquoi.
   Et au milieu de ces abstraites figures, il y avait Ada.

   Ràmon Salazar. Un nom peu commun, révélé sur le champ de bataille, celui de l’homme qui avait enlevé Sheryl Birkin et attenté à la vie du ministre Brian Irons. Un aveu qui ne nous avancerait peut être pas à grand-chose, mais dont il fallait profiter un maximum.
   Derrière son mètre trente-huit et ses cheveux grisonnants, Salazar cachait un passé pour le moins énigmatique, qu’Ada Wong s’était chargée de retracer. Cela avait failli lui coûter cher, car son dossier paraissait étonnamment bien protégé.

   Salazar était un humain d’une soixantaine d’années, né sur une des toutes premières colonies humaines, Hispania II. En ce temps là, la toute jeune Fédération Galactique goûtait les émois de ses premiers pas dans le redoutable monde de la politique internationale, à l’instar de sa sœur ennemie, le Consortium des Systèmes Alliés. Nées à l’issue d’un conflit apocalyptique nommé « Troisième Guerre Stellaire » par les Historiens, les deux entités rivales s’évertuaient alors à rassembler les peuples meurtris de la Galaxie. Restant volontairement à l’écart, l’illustre peuple Chozo observait l’évolution des évènements avec la bienveillance dont ses ressortissants avaient toujours fait preuve.
   Après de longues études en droit, Salazar avait rejoint un des plus grands cabinets d’avocats du secteur, jusqu’à la mort de son père, dont il prit la succession à la tête de son entreprise. Parcours classique d’un jeune Hispanien de l’époque. En cette période où l’Humanité, ballotée entre les différentes civilisations, cherchait à se réaffirmer au sein de la Fédération, Salazar prit contact avec une organisation politique controversée. Se réclamant d’un courant conservateur, ce lobby prônait le détachement des membres l’espèce Humaine de toute culture ou instance extra-terrestre, indépendamment de leur milieu de vie ou de leur origine. Ce mouvement avait pour nom Veltro. Salazar travailla dur pour finalement atteindre la position de secrétaire général du lobby, et accessoirement l’homme de confiance de son leader, mentionné dans le dossier sous l’appellation d’O.S.
   Puis un attentat eut lieu. Deux conseillers Vhozon périrent dans une explosion, et le troisième succomba à ses blessures. O.S. et Salazar furent inculpés et mis sous les verrous pour ce triple-homicide lorsque plusieurs membres de Veltro les accusèrent. Le lobby fut dissout, et la quasi-totalité de ses membres disparurent sans laisser de traces. L’année qui suivit son incarcération, Salazar s’évada grâce à une aide extérieure. Il fut par la suite aperçu à plusieurs reprises dans des lieux différents.
   Je fronçai les sourcils. « O.S. »… Etait-il possible que..?
   « Veltro, murmura Lalamya.
   - Le lobby auquel appartenait Brian Irons avant sa dissolution, dit Ada d’une voix détachée. Ca ne nous apprend pas grand-chose mais désormais on sait à qui on a affaire.
   - Il est la seule piste valable pour retrouver Sheryl, dis-je. »
   Ada parcourut le fichier et annonça :
   « Son profil psychologique le décrit comme un gars impulsif et ne tenant pas en place. Il va certainement essayer de quitter la planète.
   - Comment peux-tu être sûre qu’il ne l’a pas déjà fait, lui demandai-je ?
   - Pendant que tu étais occupé à dormir, le ministre Irons a bloqué la totalité des astroports de la planète. Impossible de décoller ou d’atterrir sans son autorisation exclusive.
   - Il se fait pas chier.
   - Non. »
   Je pris une longue inspiration.
   « Donc on fait quoi, dis-je enfin ? On attend qu’Irons lui mette le grappin dessus ou on s’arrache les cheveux à le chercher sur toutes les nom-de-dieu de villes du globe ? 
   - Il est certainement encore sur R4C00N. Des patrouilles le recherchent par dizaines.
   - Si on laisse Irons l’avoir en premier, on pourra dire adieu à la récompense, dis-je.
   - Sauf si on arrive à trouver où Sheryl est retenue captive avant. 
   - D’abord, dit Lalamya, il faut trouver un remède contre les toxines qui te rongent. 
   - A ce propos, dit Ada, il serait temps que j’y aille. »
   Elle récupéra ses affaires, fit un signe de la main et se dirigea vers le sas. Juste avant de le franchir, elle se retourna ; nos regards se croisèrent pendant dix interminables secondes. L’atmosphère s’alourdit brusquement, l’air se figea alors que les murs fondaient dans un vide blanc. La pièce avait disparu, nous étions seul. Reproches. Remors. Compréhension. Déni. Elle se mordit la lèvre inférieure et quitta la salle.
   Quelques minutes plus tard, je sortis à mon tour, histoire de prendre l’air. Lalamya m’accompagna dans l’ascenseur, et nous montâmes jusqu’au toit sans dire un mot. La caresse du vent nous accueillit, accompagnée par la rumeur provenant des rues, quelques centaines de mètres plus bas. Je laissai l’oxygène emplir mes poumons, pour expirer lentement. Mon amie s’adossa au grillage, le visage voilé par ses longs cheveux argentés dansant sous le vent, tandis que je faisais quelques pas indécis, savourant la brise de l’après-midi. Le dernier étage surplombait une bonne partie de la ville et offrait une vue sur la banlieue et sur ses limites, au-delà desquelles l’horizon poudroyait, laissant tout de même deviner la toute proche cité de R4C00N. Du coin de l’œil, j’aperçus un distributeur de nourriture, dans un coin de l’aire de repos, et réalisai soudain que je n’avais rien avalé depuis plusieurs heures. Mon ventre gargouilla. Je me tournai vers Lalamya :
   « Dis, est-ce que ces distributeurs fonctionnent ?
   - Tant qu’on ne les réduit pas en miettes, opina-t-elle avec un rire cristallin. »
   Gnagnagna… Je m’approchai du distributeur et y insérai un crédit, puis sélectionnai une assiette de poisson Réaurien et attendis, le regard perdu dans le lointain.
   La jeune humanoïde vint près de moi alors que je récupérais mon plat. Elle se pencha sur l’assiette, comme pour la humer, puis, en relevant ses yeux vers moi, attrapa un morceau de poisson avec le bout de ses dents et l’engloutit avec un sourire triomphant. Je soupirai d’un air las, et entamai ma portion. Nous restâmes là à mastiquer pendant quelques minutes, jusqu’à ce que mon amie me saisisse la main et m’entraîne vers la partie supérieure du toit. Elle me désigna silencieusement le parapet au dessus de la cabine de l’ascenseur. Je l’aidai donc à grimper, puis la rejoignis en haut. Nous nous assîmes, désormais au dernier sommet de l’immeuble. Au bout d’une minute, je sentis sa tête se poser contre mon bras.
   En trois ans, elle et moi nous étions côtoyés assez peu souvent, la plupart du temps lors de missions. Je me rendis compte que je ne savais pas beaucoup de choses à propos d’elle, et que l’inverse devait être aussi vrai. Mais à présent que nous partagions un moment seul à seule, un réel début de connivence semblait s’être installé entre nous. La confiance était-elle une chose que l’on accordait instinctivement à certaines personnes et pas à d’autres ? Sous ses airs de jeune femme espiègle se cachait une tueuse professionnelle et consciencieuse, dont je savais la peau bleue tâchée d’autant de sang que moi, voire plus. Et pourtant… Les âpres exhalaisons du champ de bataille nous rapprochaient-elles à ce point ?

   « Ridley. »
   Je baissai les yeux vers Lalamya, qui semblait étrangement détendue. Elle avait posé sa main en parallèle à la mienne et me regardait paisiblement.
   « Qu’est-ce qu’il y a, lui demandai-je ?
   - Cette fille. Ada Wong. Il y a plus que de l’amitié entre vous, je me trompe ? »
   Sa question me prit de court. J’y songeai un instant, puis levai la tête vers le ciel orangé.
   « Va savoir, commençai-je. Je la connais depuis presque dix ans. J’ai fini par tomber amoureux d’elle, oui. Pour résumer, ça… Ca n’a juste pas marché. En même temps, c’est compréhensible.
   - Désolée.
   - Pas de quoi l’être, continuai-je. Nous sommes plus proches que ce qu’il n’y paraît. Nous nous sommes sauvés la vie mutuellement à tellement de reprises… »
   Je fis une pause, inspirant profondément, puis repris :
   « Je m’en veux d’avoir laissé son fiancé se faire blesser. Je ne l’ai jamais porté dans mon cœur mais je l’ai toujours respecté. Et le simple fait qu’elle l’aime devrait suffire à me…
   - Cesse de te casser la tête avec ça, me coupa Lalamya. »
   Je la regardai à nouveau. Elle se tourna franchement vers moi et me dit d’une voix douce :
   « Vous êtes amis. Elle ne pourra pas t’en vouloir éternellement. Et toi non plus. Tu as fait tout ce qui était en ton pouvoir et tu le sais. Alors fait-moi plaisir et lâche l’affaire. »
   Son sourire trouva écho dans le mien.
   Me redressant, je lui demandai :
   « Et si tu me parlais un peu de toi ?
   - Qu’est-ce que tu veux savoir à propos de moi, dit-elle dans un rire ?
   - Qu’est-ce qui t’a poussé à devenir chasseuse de primes ?
   - Oulà, c’est une histoire compliquée. Pour faire court, ma petite sœur, Umecka, avait de grosses dettes. Comme elle ne pouvait rien régler d’elle-même, elle m’a appelée à l’aide et ensemble, nous avons commencé à jouer les femmes à tout faire. Puis un jour, j’en ai eu ras-le-bol, et j’ai tout plaqué. Grosse erreur. Le créancier d’Umecka, un chef de gang nommé VanHammer, lui a fait quelques misères. Alors pour le dédommager, je lui ai proposé mes services en tant que mercenaire. Pendant que je payais la dette de ma sœur, je me suis mis à récolter assez de preuves pour le compromettre. J’ai tout révélé à la presse sous couvert d’anonymat, et lorsque les autorités ont lancé un mandat d’arrêt contre lui, coup de bol, j’étais sa plus proche garde du corps. Je l’ai maîtrisé rapidement, je l’ai emballé et hop ! Expédié aux flics. Et là, j’ai réalisé que chasseuse de primes, ça payait beaucoup plus que serveuse.
   - Et ta sœur dans tout ça ?
   - Elle va bien. Elle a repris la place que j’avais laissée vacante et elle a finit par devenir patronne du bar où je travaillais. Et toi, Ridley, qu’est-ce qui t’a poussé à devenir chasseur de primes ? »
   Le visage anguleux d’Albert Wesker apparu dans mon esprit.
   Avec le recul, je devais admettre que je n’avais jamais vraiment eu le choix. Ma « famille », si l’on peut dire, ne comportait que des militaires, Wesker m’avait fait intégrer une académie militaire, mes amis étaient des militaires.
   « Je ne sais pas, fis-je doucement. Peut-être le besoin de prendre de la distance. Tu sais, une façon d’éviter de trop s’engager. Être chasseur de primes, c’est facile, on te donne une consigne, tu exécutes, tu reçois ta paie et tu pars sans te retourner. Un chasseur de primes n’a pas d’attaches ni d’engagements…
   - Et Ada ?
   - C’est différent. On bosse ensemble. On est payés ensemble.
   - Est-ce qu’il t’est déjà venu à l’esprit qu’elle pouvait ne pas partager ton point de vue ? »
   Cette question me fit ressentir un pincement au cœur. Voyant qu’elle avait touché un point sensible, Lalamya changea de sujet :
   « Tery’uk avait l’air vraiment impressionné tout à l’heure.
   - Hum ?
   - Lorsqu’il a analysé ton corps. Ca peut se comprendre, c’est un véritable rat de laboratoire, il est fasciné dès qu’il tombe sur une rareté. Du coup, avec tes données médicales, on dirait un gosse excité qui a trouvé un nouveau jouet.
   - Je compte sur vous pour garder tout ça pour vous, lui dis-je. »
   Elle me fit un clin d’œil.
   Alors que mon regard se perdit à nouveau dans l’immensité du ciel, la jeune femme me demanda :
   « Qu’est-ce que tu sais des Prédactyles ?
   - Mis à part le fait que j’en suis le dernier représentant, fis-je d’un ton acerbe ?
   - Personne ne t’a jamais parlé de ton peuple ?
   - C’est assez délicat. Les premiers Prédactyles ont été découverts il y a quelques siècles par un ethno-anthropologue du nom de Marcus James Ridley. Oui, ajoutai-je à son début de sourire, c’est de lui que je tiens mon nom.
   - Héhé, vas-y, raconte m’en plus ?
   - Les archives concernant cette affaire sont très évasives. Ca c’est passé sur la planète Ganymède Alpha.
   - Ganymède Alpha, s’exclama Lalamya ? Ce n’est rien qu’un gros bloc de pierre totalement inhabitable !
   - En effet. Il y a eu un accident et la planète entière a été rasée. M.J. Ridley s’en est échappé de justesse, mais il n’a jamais révélé ce qu’il s’était réellement passé, et ses notes sont désormais archivées dans un coin perdu de la galaxie. Certains parlent d’un cataclysme naturel, d’autres d’une guerre nucléaire, mais ce qui est sûr, c’est que tous les Prédactyles de la planète y sont restés. »
   Lalamya m’écouta sans rien dire, puis, lorsque j’eus terminé, elle posa sa main sur la mienne.
   « Et… Pour ce qui est de Jiryah ?
   - Les Fédéraux ont colonisé la planète il y a une trentaine d’années, au début de la Course Minière. En explorant une excavation, ils m’ont trouvé à moitié mort de faim. J’avais dû m’y perdre et rester bloqué. Ils m’ont recueilli et m’ont ramené avec eux. Plus tard, j’ai appris que mon peuple avait disparu suite à la chute d’un météore. Apparemment, j’étais le dernier survivant. »
   Je tentais d’éviter le regard de l’Archimaedienne, que je savais plein de compassion à mon égard. Je n’en avais pas besoin.
   Mon oreille interne vibra. J’activai le récepteur audio en même temps que mon amie, et la voix de Tery’uk nous parvint à tous les deux pour nous annoncer le retour d’Ada. Elle avait trouvé la cause des AVC.

   « Ca c’est Chris et Jill sur Ipsos IX.
   - La vache, elle a l’air de dater cette Holo-pic’ !
   - Ouais, ça fait quoi… Vingt-cinq ans ? Vingt-six ?
   - Et ça… Oh non, me dit pas que…
   - Héhéhéhé, si ! C’est toi à trois ans.
   - Booooorrrrdeeeeelllll, la tronche que je tirais, quoi ! »
   Le salon de Rebecca Chambers baignait dans une lueur paisible de fin d’après-midi. Les rayons du soleil de Fuymna dardaient à travers la baie vitrée, révélant au grand jour les particules de poussières flottant pacifiquement à travers la pièce. La faible rumeur de la circulation en bas de l’immeuble parvenait à nos oreilles, et de temps à autre, un oiseau quadri-ailé se posait sur le balcon et observait l’intérieur des quartiers de Rebecca d’un regard curieux, puis repartait dans un gloussement. Allongée sur un canapé et la tête posée contre mon buste, l’Humaine qui m’avait élevé profitait de sa permission pour passer un peu de temps avec moi : nous ne nous étions plus revus depuis que j’avais intégré l’Académie Militaire, l’année précédente. Elle faisait défiler des hologrammes sur son terminal portatif, des photos de ses jeunes années.
   Le capitaine Rebecca Chambers, qui approchait alors la quarantaine, avait fait partie de l’équipe qui m’avait recueilli sur la planète Jiriah, une quinzaine d’années plus tôt. Elle avait alors décidé de se charger de mon éducation. La cicatrice qui longeait son bras gauche en remontant sur son dos témoignait de la dureté du labeur auquel elle s’était attelée. Malgré cela, elle n’avait jamais abandonné. Plutôt petite de taille, même pour une humaine, Rebecca n’en restait pas moins élancée. Les années de danse en apesanteur de sa jeunesse semblaient l’avoir sculptée comme une petite poupée. La grâce de ses mouvements contrastait grandement avec les sévices à la limite du sadisme que le temps avait pratiqués sur son corps.
   Je contemplais la femme que j’avais longtemps appelée « grande sœur », avec un mélange de nostalgie et de regret. Tsss… Je lui en avais fait voir de toutes les couleurs, à ma pauvre frangine…
   Les yeux de mon amie se levèrent vers moi. De beaux yeux d’un bleu très clair. Elle me lança à travers ses mèches rougeoyantes un regard énigmatique, puis me sourit, leva son bras droit et caressa mon bec du bout des doigts. La sensation du contact du métal glacé contre mes écailles me prit d’abord un peu au dépourvu, puis je fermai enfin les yeux, laissant la prothèse cybernétique parcourir doucement mon visage.
   Sa main retomba mollement sur son flanc, pour se rediriger vers le terminal portatif.
   Une nouvelle photo s’affichait sur l’hologramme, l’image de deux hommes que je n’avais jamais vus, dans ce qui semblait être un restaurant. Le premier, un type massif aux cheveux longs et au teint mat, paraissait sur le point de succomber à un fou rire irrépressible, alors que le second, un homme chétif à la moustache discrète et aux yeux étroits, tentait visiblement de nettoyer sa chemise tachée, avec un énervement contenu. Au sol, un fragment de la chaise qu’il tenait à la main. Et en arrière plan, le visage hilare de Rebecca.
   Un sous-titre annonçait en bas de l’image « Soda, quand on le secoue, il explose ! xD »
   « C’est qui, demandai-je ? »
   Silence.
   Je baissai la tête vers mon amie, et restai interdit devant l’expression de son visage.
   L’expression d’une profonde tristesse.
   Je n’ai jamais su l’identité de ces deux hommes. C’est peut-être mieux comme ça.

Keliaran

RIDLEY :
LES CHRONIQUES D'UNE OMBRE
Fin du chapitre 12

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Un remake de Metroid Prime, enfin ! Vous en pensez quoi ?

Je prends direct ! Toute mon enfance en HD !

Je n'étais pas né à l'époque, quelle aubaine de pouvoir enfin le faire !

Très peu pour moi, j'attendais la trilogie d'un coup...

Bof, je l'ai déjà trop fait, je passe...

J'ai tout claqué dans les remakes HD de Crash Bandicoot :(


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