Forums de NintenDomaine - Forums de Planète Zebes

RIDLEY :
LES CHRONIQUES D'UNE OMBRE

Chapitre 11. Changement de plan

   « Monsieur le Président, fis-je avec un détachement feint, ça pour une surprise... J’aimerais bien vous serrer la main mais comme vous pouvez le constater, je suis très attaché à ce lit. Et de toute façon j’arrive à peine à bouger le petit doigt, avec tous les calmants qu’on m’a prescrit… »
   Malgré mon attitude, je n’en menais pas large. Qu’est-ce qui pouvait bien pousser le leader Humain à venir s’adresser à moi ? Cela avait-il un rapport avec l’incident de la veille ? Allait-il me suspendre ? D’ailleurs, quelle autorité le chef de l’Etat avait-il sur les chasseurs de primes indépendants comme moi ?
   William Birkin ne bougea pas un sourcil. Le droïde de communication fit deux pas en ma direction et, de ses mains tridactyles, me libéra de mes entraves. Je glissai lentement sur le sol froid, tenant difficilement debout. Alors que je me mis à dégourdir mes membres, l’homme dans l’hologramme prit la parole :
   « Ridley. Je connais les détails des évènements qui se sont déroulés ici les trois derniers jours. Nous n’avons pas beaucoup de temps, je suis… Je crois que je suis sur écoute. C’est pour cela que je n’ai d’autre choix que de m’adresser à vous directement. Je risque déjà beaucoup en vous contactant.»
   Sa voix lasse se voulait impassible mais je détectai malgré tout une pointe de détresse.
   « Tous les détails… Est-ce que vous savez ce qu’il m’arrive, dis-je en me dirigeant vers la fenêtre, est-ce que vous savez quelle est la raison de mes crises ?
   - Votre état a été provoqué. Vous êtes victime d’une intoxication dont le but était de vous faire perdre le contrôle, afin de vous empêcher d’accomplir votre mission. Il est probable que vous ayez été contaminé lorsqu’on vous a administré les anabolisants issus des laboratoires du ministère. 
   - Alors quelqu’un au sein même du gouvernement avait intérêt à ce que l’enquête échoue, murmurai-je… »
   Je fis craquer une à une mes articulations et me retournai vers mon interlocuteur. Celui-ci continua :
   « Vous avez outrepassé vos droits en tant que chasseur de primes. Vous ne pouvez donc pas continuer à travailler sur cette mission.
   - Attendez, fis-je, j’ai…
   - Pas officiellement, du moins, me coupa-t-il. »
   Je me dirigeai vers le casier où, je le savais, mes affairent avaient été entreposées. Tout en récupérant mon matériel, je répondis : 
   « Vous attendez de moi que je continue à enquêter de mon côté, sans l’aide de la police, et discrètement… Et ma coéquipière ?
   - Mademoiselle Wong pourra poursuivre la mission sans soucis. En revanche, vos actions ne doivent pas sembler être coordonnées. Vous me suivez ?
   - Ouais.
   - Je fais parvenir immédiatement au commissariat de C1Z14 une autorisation de remise en liberté inconditionnelle pour vous. Dès que vous aurez mit le pied hors d’ici, vous ne pourrez plus compter sur une aide quelconque de leur part. Je peux vous assurer que votre prime sera doublée individuellement si vous acceptez.»
   Je fronçai les sourcils. Qu’est-ce qui pouvait bien empêcher Birkin de me fournir un coup de main ? Comme s’il avait lu dans mes pensées, le Président ajouta :
   « Je connais l’identité de notre kidnappeur, mais je ne peux pas vous la révéler.
   - Je vous demande pardon ?
   - Le sort de ma fille serait scellé ; je ne peux pas non plus vous apporter plus d’aide, ils le sauraient automatiquement.
   - Donnez-moi au moins un indice, grinçai-je. »
   William Birkin sembla songeur l’espace d’un instant. Il regarda quelque chose ou quelqu’un hors de l’hologramme, puis reporta son attention sur moi, et murmura distinctement :
   « 000000 000000 03_200 000089. »
   J’écarquillai les yeux. Il rajouta :
   « La sibylle éplorée. Je ne peux rien dire de plus. Faites l’impossible, je vous en prie. »
   Alors que Birkin allait couper le moniteur, je l’apostrophai :
   « Monsieur le Président.
   - Qu’y a-t-il ?
   - Lorsque les deux agents qui m’ont interrogé ont appris que ma crise avait eu lieu à 13h02, l’une d’entre elle a dit que c’était ‘étrange’. Qu’est-ce qu’il s’est passé à 13h02 ? »
   Le Président me fixa un instant puis répondit : 
   « A 13h02 précises, tous les agents ayant participé à l’opération, excepté votre ami Mr. Kennedy, ont été transportés aux urgences suite à des attaques vasculaires cérébrales simultanées. Aucun d’eux n’en a réchappé. »
   Mon souffle se coupa net.
   L’hologramme s’éteignit, et le droïde fit volte-face avant de sortir de la salle, de son pas pesant. Je poussai un soupir et allai m’asseoir dans un coin, attendant que quelqu’un aie la gentillesse de bien vouloir m’ouvrir le sas à ma taille. Quelques heures plus tard, j’étais à nouveau libre. Je passai tout d’abord au bloc de soins intensifs pour encourager Léon, puis j’envoyai un message à ma coéquipière, lui expliquant que j’allais enquêter de mon côté sans lui donner de détails. Un accusé de réception m’apprit qu’elle l’avait bien lu, mais elle ne me répondit pas. En même temps, qu’aurait-elle bien pu me dire ? Et puis qu’est-ce qui me prenait d’accepter comme ça, bordel ? J’étais englué dans une affaire inextricable jusqu’au cou, sans la moindre piste, avec des éléments contradictoires, et voilà que le Président venait me demander l’air de rien de bosser en solo sur cette mission. Vraiment culotté, le Birkin. Et ces flics… Tous morts… Cela n’avait aucun sens.
   Avant de quitter le commissariat, je retournai voir Londo et lui rendis tout le matériel qui nous avait été confié. Je lui expliquai que j’avais été évincé de la mission sans lui donner plus de détails, puis je pris congé en lui souhaitant bon courage. Avec des gars comme Nedman et Irons aux commandes, il allait en avoir besoin. Son visage exprimait une certaine détresse, j’imagine qu’avoir un grand gaillard comme moi de son côté, ça paraissait rassurant. A moins qu’il n’ait été déçu de voir partir un de ses testeurs attitrés, j’en sais rien… Je sortis, me retournai une dernière fois vers le commissariat, et lui lançai : « Merci pour le café. » Puis je pris mon envol.

   « Les patients ne peuvent plus recevoir de visiteurs à cette heure-ci monsieur.
   - Je ne serai pas long.
   - Désolé, mais le règlement c’est le règlem… 
   - Allez-y, coupai-je avec un rictus agacé, empêchez-moi physiquement de passer. »
   Je poussai l’infirmier et pénétrai dans la chambre de l’hôpital. Une belle chambre bleue, avec une fenêtre donnant sur une vallée de Norion. Lalamya Kazaard était couchée dans le lit, une perfusion au bras et un dispositif d’assistance respiratoire sur la poitrine. Elle m’aperçut et me sourit. Je lui rendis son sourire et me posai auprès d’elle, prenant la peine de l’observer vraiment pour la première fois. Nez aquilin, sourcils fins mais très marqués, bien que décolorés, menton droit, pommettes hautes, lèvres fines d’un bleu sombre. Ses cheveux blancs indiquaient une absence de pigments caractéristique des colons humains de la planète Wotan VII, mais son teint bleuté et légèrement phosphorescent suggérait plutôt qu’elle avait grandit sur Archimaeda. Lalamya restait une véritable énigme.
   « J’ai quelque chose sur le visage, dit-elle ?
   - Hein ? »
   Elle eut un rire aérien, me laissant voir deux canines légèrement plus développées que chez les Humains. Elle venait définitivement d’Archimaeda.
   « Tu vas bien, m’enquis-je ?
   - Aussi bien que l’on puisse aller avec un trou dans le plexus, dit-elle. Merci d’être venu. Alors, tout s’est bien terminé, d’après ce que l’on m’a dit.
   - Les terroristes se sont rendus. Ils se disent eux-mêmes « Pirates de l’espace ».
   - Ca leur va comme un gant. Pas trop de pertes ?
   - Canarya et Freak ont été tués. Et… J’ai perdu l’un de mes amis dans la bataille.
   - Merde, dit-elle avec une compassion sincère dans la voix. Je suis désolée, Ridley.
   - Ne le soit pas. »
   Je me levai, en faisant attention à ne pas tout casser avec mes ailes. Alors que je m’approchai de la fenêtre, Lalamya me demanda :
   « Tu es chasseur de primes depuis combien de temps ? 
   - Officiellement, ça fait un an, répondis-je sans me retourner. Mais j’ai eu ma première vraie mission il y a trois jours. Juste avant l’attaque du cargo. Une affaire d’espionnage industriel ou quelque chose comme ça... J’ai jamais rien pigé à leurs affaires.
   - Ridley : Zero Mission, ça a de la gueule dit comme ça, fit Lalamya dans un petit rire. »
   J’avoue que sur le moment j’ai eu du mal à comprendre ce qu’il y avait de drôle. Pour combler le vide sonore, je me dirigeai vers la bonbonne d’eau potable et me servis un verre. Je me retournai vers la jeune femme et lui demandai :
   « Et toi, ça fait combien de temps ?
   - Bah, une petite vingtaine d’années, fit-elle. »
   J’avalais d’un coup toute l’eau, le verre, ainsi qu’un bon litre et demi d’oxygène et faillis m’étouffer avec ma langue. Après m’être remis de la quinte de toux qui s’en était suivi, je la regardai d’un air ébahis.
   « Ben quoi ?
   - Tu as quel âge, toi, l’interrogeai-je ?
   - Héhéhé, tu m’en donnes combien ?
   - D’après les critères humains, dis-je, environs vingt-trois…
   - J’en ai le double, dit-elle avec un grand sourire, et j’ai encore 150 petites années à vivre !
   - Ok. Donc soit tu te fais des liftings tous les jours, soit tu ne viens pas d’Archimaeda. »
   Lalamya éclata de rire, puis se tordit de douleur.
   « Hahahaaaaïe, putaiiiinnnn, me fait pas rire, abruti ! 
   - Tu es native de quelle planète ?
   - En fait, tu as mis le doigt dessus, dit-elle en reprenant son souffle. Ma mère venait d’Archimaeda, mais… Ben pour faire simple, j’ai deux pères biologiques. »
   Je la regardai fixement, essayant d’assimiler ce qu’elle venait de me dire. Deux pères biologiques. Complétion génétique des gamètes. Une véritable rareté.
   « Développe ?
   - Mes parents viennent d’Archimaeda, commença-t-elle, de Neo-Vega et de Norion. Ma mère et mon premier père, le Neo-Vegain, ont su que ça ne marcherait jamais, donc ils se sont quittés peu après ma conception. Maman est partie sur Logacia, où elle a rencontré mon deuxième père, un Norionien pur-souche. Ils sont partis tous les deux sur J’layah. Comme chez les Archimaediens, la gestation dure deux ans, ça leur a donné le temps de… Hé bien, de modifier mon génome involontairement, lors d’un accouplement. Mes deux pères étaient génétiquement complémentaires, et ma mère présentait une carence génétique qui favorisait la complétion (et au passage, qui m’a donné ces cheveux blancs). Une chance sur une centaine de milliards, tu te rends compte ? Et pour les yeux jaunes, il faut remercier les radiations de J’layah.
   - J’ai rien compris.
   - Moi non plus, hahahahaaAAÿE, Puuu-taaaainnnnn-heuuuu ! »
   Nous rîmes comme deux collégiens pendant cinq bonnes minutes.
   « Et toi, dit-elle enfin, tu viens d’où ? »
   Je levai les yeux vers l’extérieur, scrutant le ciel nuageux.
   « Jiryah. 
   - J’y suis jamais allée, fit-elle innocemment, je ne savais pas qu’il y avait des gens comme toi là-bas. 
   - Il n’y en a plus, dis-je le regard toujours en l’air. »
   Un silence s’abattit dans la chambre. Je me retournai vers elle et lui dit avec un clin d’œil :
   « Je suis le dernier des Prédactyles. A nous deux, on pourrait faire un bon phénomène de foire, tu ne crois pas ? »

   Prise d’altitude. Vol stationnaire de 30 secondes pour me dégourdir les ailes, puis looping et looping inversé. Tout était en ordre. Je slalomai entre les vaisseaux touristiques et allai me percher sur un building. Un coup d’œil rapide sur mon Holopad pour vérifier l’argent qu’il me restait, puis je descendis dans la rue. Je marchai un moment parmi les passants, l’air de rien, et m’arrêtai devant une navette de vendeurs. J’avais besoin d’un casse-croûte moi, ça faisait un bon jour que je n’avais rien avalé.
   Tout en grignotant, je me dirigeai vers le centre-ville, espérant trouver de l’inspiration pour mon enquête. Assis près d’une fontaine, j’observai pensivement la statue qui me faisait face, un immense prêtre Chozo tenant d’une main une sorte de tablette de pierre, et de l’autre, une sorte d’urne allongée. Les dernières paroles de Kill résonnaient dans ma tête : « Osmund Saddler ». Osmund Saddler… Ce nom me semblait familier, mais rien ne me venait à l’esprit. Je fus tiré de ma rêverie par les piaillements de deux gosses qui jouaient ensemble. Ils passèrent devant moi et s’arrêtèrent brusquement, me dévisageant de leurs grands yeux avec cet étonnement innocent propre à leur âge ; j’évitai de leur sourire, mais leur fis un signe de la main. Le plus petit des deux chuchota à l’oreille de son camarade de jeu, lequel lui répondit dans une langue que je ne connaissais pas. Ils partirent précipitamment dans un rire cristallin. Je déglutis ma dernière bouchée de sandwich, et réalisai que j’étais un parfait imbécile : me promener comme ça, dans la rue, parmi les civils, avec le risque de perdre les pédales à tout moment et de faire un massacre, c’était l’idée du siècle. Je m’envolai donc à nouveau, avec l’intention d’aller consulter les archives militaires au sujet de ce fameux Saddler, lorsque je passai devant un Holo-panneau publicitaire, qui attira mon attention. Le produit en question devait être une crème épilatoire quelconque, ce qui importait était la femme qui s’étalait avec délice cette mixture sur le corps, une femme mûre aux cheveux courts et à la peau bleue, de toute évidence une Archimaedienne. Je plissai les yeux : il me restait un atout que personne ne soupçonnait.

   Une heure plus tard, je me retrouvai à l’adresse que Lalamya m’avait communiquée. Si quelqu’un pouvait m’aider, c’était bien elle. Le grand bâtiment qui me faisait face devait appartenir à son agence. Je regardai fixement la caméra du sas principal en attendant que l’on m’ouvre. Finalement, après cinq petites minutes, je pus entrer.
   Le hall semblait désert, à l’exception d’une silhouette humaine à l’autre bout. De nombreuses affiches holographiques tapissaient les murs. Au fur et à mesure que j’avançais, je supposai qu’il s’agissait de données concernant différentes missions et primes à chasser. Alors que j’arrivai devant le bureau, je m’aperçus que la personne qui tenait lieu de guichetier n’était elle-même qu’un hologramme, sans doute une IA au vu de la manière dont elle s’adressa à moi :
   « Bonjour, et bienvenue à Blue Moon. Mon nom est TN-9, je serai votre guide durant votre séjour entre nos murs. Que puis-je faire pour vous ?
   - Heu… Je voudrais m’entretenir avec Lalamya Kazaard.
   - Désolé, répondit l’IA, votre demande ne peut aboutir. Que puis-je faire pour vous ?
   - Est-ce-que-La-la-mya-Ka-zaard-est-là, demandai-je en articulant bien distinctement ?
   - Désolé, répondit l’IA, votre demande ne peut aboutir. Que puis-je faire pour vous ?
   - Je prends, TN-9, fit une voix féminine derrière le guichet, tu peux disposer. »
   L’hologramme détacha son regard de moi et recommença à fixer la porte du hall, tandis qu’une gracieuse humanoïde contourna le mur du guichet et vint à ma rencontre. Lalamya eut un léger sourire.
   « Alors, mon lézard, quel bon vent t’amène ? 
   - J’ai mis un moment à trouver ton adresse, lui répondis-je… Je t’expliquerai. »
   La jeune femme m’accompagna à travers un couloir donnant sur plusieurs bureaux où divers personnes semblaient travailler. En regardant attentivement, je réalisai que ces buralistes consciencieux n’étaient que des hologrammes. Alors que nous marchions, Lalamya m’expliqua que l’agence immobilière Blue Moon, qui possédait le cabinet où nous nous trouvions, servait en réalité de couverture à son business de mercenariat. Ses acolytes et elle-même se cotisaient pour entretenir cette façade sur quatre planètes urbaines, et éviter ainsi de nombreux soucis juridiques. Chaque membre du groupe reversait ainsi 25% de ses bénéfices à une caisse commune qui servait ensuite à cacher leurs activités aux yeux du gouvernement, mais aussi de potentiels rivaux.
   « Tu es consciente que tu prends un gros risque en me révélant tout ça, lui dis-je ?
   - Tiens donc, me fit-elle avec un sourire provocateur, qu’est-ce que tu me sous-entends là ?
   - Je suis en mission pour le Président, je te rappelle. Et je suis un rival potentiel. »
   Lalamya se mit à rire.
   « Allons bon, monsieur le dragon fait des chichis maintenant ! Tu sais à qui tu te frottes, au moins ?
   - Bah heu…
   - Crois-moi, Riddy, la plupart des chasseurs de notre organisation ont été classés comme armes de guerre. Tu te souviens de Fyrion ?
   - Evidemment, répondis-je. LE chasseur numéro 1 du Tournoi de SubZero…
   - Editions N12, N13, N14 et N15, acheva la jeune femme. Tu sais qu’il a anéanti à lui seul un essaim-bataillon de Krikens lors de la guerre de Mu-Ong ? Trois croiseurs et toute une escouade terrestre. C’est pas un chasseur de niveau 2 comme toi qui pourrait l’effrayer. »
   Je me tus.
   Nous arrivâmes enfin devant un sas plus large que les autres. Lalamya me prit par le bras et m’entraîna au travers du mur adjacent. J’eus un mouvement de recul, bien que nous le traversions sans le toucher, pour nous retrouver dans une cabine d’ascenseur. Un leurre holographique. Malin.
   Alors que nous descendions, la chasseuse me regardait avec insistance, pour finir par me demander :
   « Alors, tu as décidé de te joindre à nous, c’est ça ?
   - Heum, désolé de te décevoir, mais c’est pas vraiment la raison de ma venue ici.
   - Ah, répondit-elle dépitée.
   - J’ai besoin de ton aide. »

   Une pluie de micro-missiles déferla sur Ada alors qu’elle hackait la sécurité du vaisseau. Instinctivement, je m’interposai et déchargeai mon fusil d’assaut sur les projectiles, n’en laissant pas un seul atteindre sa cible. Je me retournai à temps pour contrer la lame d’un Pirate un peu trop courageux, que j’expédiai à l’autre bout de la salle d’un coup de poing. Un de ses collègues prit le relai et s’élança vers moi, évitant mes rafales de balles en courant contre un mur. Il prit appui sur la paroi et se propulsa vers moi, son épée en avant. D’un coup de griffe, je brisai son arme et le saisi par le bras, avant de l’envoyer s’écraser au sol comme un mannequin. Un coup de queue vers la gauche, un coup de queue vers la droite, et les Pirates restant furent totalement out. Je me tournai vers ma coéquipière, et lui lançai un regard interrogateur. Un bip victorieux retentit et une alarme se mit à sonner. Nous n’avions que cinq minutes pour atteindre la salle de pilotage du croiseur et neutraliser le reste des terroristes. Nous nous dépêchâmes de monter jusqu’à notre objectif, sans trop prendre le temps de nous défaire de nos adversaires. Lorsque nous déboulâmes devant le sas d’entrée, j’envoyai mon poing contre le verrou de sûreté de la zone, ce qui nous permit de pénétrer dans la salle de pilotage. J’inspectai les alentours pendant que mon amie se dirigeait vers les commandes du vaisseau. Je faillis alors glisser sur une chose molle et visqueuse. Me rattrapant de justesse, je réalisai que cet obstacle inopiné se trouvait être un cadavre. Le corps d’un pirate pourfendu de long en large. Mon regard se détacha de cette vision macabre pour longer le sol, et découvrir une bonne dizaine d’autres Pirates morts ou salement amochés. Et au beau milieu de la pièce, un sourire victorieux sur le visage, trônait Lalamya, assise sur la console de navigation principale, une sphère métallique dans la main.
   Ada réagit au quart de tour, brandissant son arme vers la jeune humanoïde, et tira trois coup. Cependant, dans un mouvement quasi imperceptible même pour moi, Lalamya avait dégainé son sabre énergétique : elle disparut subitement. Trois éclairs fendirent l’air, trois morceaux de métal retombèrent sur le sol et la chasseuse réapparut derrière Ada, lui tournant le dos, son épée brandie. Elle m’aperçut, se remit à sourire, me fit un clin d’œil et rengaina sa lame, alors que l’arme de poing de mon amie se fendait en deux pour tomber à son tour. Les deux jeunes femmes se retournèrent simultanément ; elles se dévisagèrent pendant une dizaine de secondes, et regardèrent dans ma direction en même temps. D’une même voix, elles me demandèrent : « C’est qui, elle ? ». Je soupirai.
   Une fois les présentations faites, Lalamya nous assura n’être venue que pour la sphère de données qu’elle avait en main. Ma coéquipière pianota sur la console principale, réorientant le croiseur vers l’astroport le plus proche, puis nous empruntâmes la sortie en compagnie de la chasseuse. Cependant, lorsque nous arrivâmes dans l’immense hangar du vaisseau, une détonation retentit. Nous nous regardâmes sans proférer un mot, puis Lalamya nous demanda :
   « Heu, j’ai une question, où est-ce que les Pirates se rendaient, avec le croiseur ?
   - Sur Norion, répondis-je.
   - Et qu’est-ce qu’il y a sur Norion ?
   - Bah, fit Ada, un centre opérationnel de la… Fédé… »
   Un autre bruit sourd la coupa. Elle déglutit et acheva :
   « …ration… »
   Dans un grincement, le mur qui nous faisait face fut éventré par deux gigantesques pinces, avant de laisser passer une énorme tête munie d’yeux à facettes. Un hurlement se fit entendre, et la paroi d’acier fut arrachée comme du papier. La créature était bipède et faisait trois fois ma taille. Et elle semblait affamée.
   « Je crois que leur cargaison veut tailler la conversation, commenta Lalamya. »
   Un jet d’acide surgit des mandibules de la tête insectoïde et alla se répandre sur le sol, tout près de nous. Nous nous écartâmes à temps, mais Ada fut atteinte par des éclaboussures. Fort heureusement, celles-ci se limitèrent à son armure. Alors que le gigantesque monstre pénétra dans le hangar, nous nous mîmes en posture de combat. Je m’envolai et envoyai ma lame caudale en direction de sa tête pour l’occuper, pendant qu’Ada lançait une analyse. Lalamya, quant à elle, s’était mis à courir vers le monstre, en esquivant ses coups de pince et répondant par des taillades d’énergie. Parallèlement, la jeune humaine avait terminé son scan, et s’était armée d’un fusil à plasma. Je fis un looping pour éviter un nouveau jet d’acide, et passai tout près de la tête de notre adversaire. D’un violent coup de griffe, je lui crevai l’œil droit. Il poussa un rugissement à glacer le sang et me saisit brutalement avec l’une de ses pinces, me plaquant contre le mur. Le souffle coupé, j’essayai de me dégager, sans succès. Alors que le monstre ouvrait la gueule, je fus mû par un réflexe, et me raclai la gorge, puisant dans mon larynx à la recherche de substance inflammable. Au moment où la chose expulsa de l’acide vers moi, je crachai une énorme flamme dans la direction opposée. La traînée de liquide corrosif s’embrasa en un éclair et le feu se propagea jusqu’à sa tête. L’ennemi me lâcha instantanément et fit quelques pas en arrière, toujours harcelé par les coups de Lalamya et les tirs de ma coéquipière. Je retombai au sol, puis m’envolai à nouveau et tournai autour du monstre en continuant à le recouvrir de flammes. Finalement, l’Archimaedienne le contourna, couru sur le mur opposé et, par un impressionnant saut mural, arriva au niveau de son crane en tournoyant. Un sifflement se fit entendre, et Lalamya atterrit sur le sol avec l’élégance d’une danseuse mortelle, son épée maculée d’un liquide verdâtre. La tête de la créature tomba à quelques mètres derrière. Son corps de chitine toujours embrasé s’agita un instant, fit quelques pas désorientés, pour finir par s’écraser lourdement au sol, éclaboussant les alentours d’acide. Le feu se répandit très rapidement : apparemment, les substances corporelles du monstre étaient très inflammables. Du regard, je suivis sa progression, pour me rendre compte, horrifié, qu’il avait atteint Ada et qu’il attaquait l’acide sur sa combinaison. La jeune femme poussa un cri de panique. Merde.
   J’expédiai une boule de feu sur le plafond et atteint heureusement les capteurs, qui enclenchèrent le processus anti-incendie. De nombreux jets d’eau et de mousse jaillirent d’un peu partout, stoppant net la propagation des flammes. Je me précipitai sur Ada et ôtai les parties de son armure encore dévorées par le feu. Mon amie ne présentait que de très légères brûlures, mais elle tremblait comme une feuille. Je la serrai contre moi, me mordant les lèvres ; c’était moi qui avais fait ça.
   Le soir même, après avoir salué la chasseuse de primes à la peau bleue et touché notre paie, nous nous séparâmes sans dire un mot. Je rentrai à la caserne par la voie des airs. Une fois dans mes quartiers, j’épluchai mes messages. Un certain Ricardo Irving avait envoyé au moins dix fois la même proposition d’emploi, je me promis d’y jeter un œil le lendemain, puis je me retournai vers la glace de ma chambre. Le Ridley qui me faisait face me toisait d’un regard méprisant et accusateur. Le hurlement de terreur d’Ada résonna une fois de plus dans mon crane. L’expression de mon reflet demeurait sans équivoque.
   Mon poing percuta avec force le miroir, qui vola en éclats.

   Lorsque j’eus fini de raconter à Lalamya ce que j’avais traversé, elle hocha la tête d’un air grave et me dit simplement :
   « On va t’aider. 
   - C’est tout ?
   - Je te demande pardon ?
   - Te connaissant, commentai-je, ça ne sera pas gratuit. Tu es loin d’être une bénévole.»
   Elle esquissa un sourire.
   « Tout juste, Dragounet.
   - Vas-y, soupirai-je, dis-moi le pourcentage que tu souhaite. Mais je te préviens, pas au dessus de 20%.
   - Je ne te demande rien de tout ça. En échange, j’aimerais juste que tu te joignes enfin à nous. »
   Je me renfrognai, et la discussion s’arrêta là. Je n’avais pas le choix, semblait-il.
   Les véritables locaux de Blue Moon se trouvaient au deuxième sous-sol. Nous entrâmes dans un bureau plutôt spacieux aux lumières tamisées, sur les murs duquel de nombreux écrans holographiques représentaient diverses données. L’endroit baignait dans une mélodie d’ambiance aux accords reposants, sûrement le dernier album des Epic’sors. Un Julothien de petite taille, aux cheveux d’un vert foncé et au nez retroussé, se tenait contre un mur et fumait près du système d’évacuation d’air. Assis en face de lui, une Phrygisienne semblait absorbée par la sculpture d’une petite statuette de glace ; au fond de la pièce, deux Humains discutaient énergiquement. Le Julothien aux cheveux leva les yeux vers nous et nous accueillit avec une exclamation qui fit sursauter la Phrygisienne. Celle-ci laissa tomber figurine, qui se brisa sur la moquette ; elle se mit alors à ramasser les morceaux de glace en maugréant ce qui devait être une insulte de Phrygis, pendant que le Julothien venait à notre rencontre.
   « Lalam’, dit-il d’une voix rauque mais enjouée, on t’a pas vue de toute la journée d’hier, qu’est-ce que tu foutais ?
   - Salut Tery’uk, répondit l’Archimaedienne en lui faisant la bise. Je te présente Ridley. C’est un chasseur de niveau 2, un vieux pote. Ridley, voilà Tery’uk, c’est notre spécialiste en Nano-techniques et en Biologie.
   - Dès qu’un membre de Blue Moon a besoin d’un coup de main, continua le Julothien avec un sourire, il vient me voir. Je suis spécialiste en piratage, en réparation d’armes ou d’armures, et j’ai quelques fois l’occasion de recoller un membre ou deux. »
   Nous continuâmes tous les trois à travers un corridor plutôt étroit pour ma carrure. Chemin faisant, Lalamya expliqua à son acolyte la raison de ma venue. Je fronçai les sourcils au fur et à mesure qu’elle parlait ; comment pouvait-elle divulguer des informations aussi confidentielles au premier mercenaire venu ? La jeune femme devait avoir perçu mon inquiétude, puisqu’elle m’assura qu’aucune fuite ne sortait jamais du bureau de Blue Moon. Tery’uk ajouta avec un ricanement :
   « D’ailleurs, la dernière balance a nourrit les poissons sur Réaura… »
   Je ne cherchai pas à en savoir d’avantage.
   Alors que nous pénétrions dans une sorte laboratoire, Lalamya se tourna vers moi :
   « Ridley, nous allons te faire un check-up complet. Tery’uk va trouver ce qui cloche chez toi.
   - Attendez, dis-je, mes données médicales sont contenues dans un dossier confidentiel de la Fédération, comment est-ce que vous comptez déterminer d’où vient le problème ? »
   Le tech’ pianota sur une commande murale, et, dans un crissement relativement désagréable, une cavité s’ouvrit dans le sol, et une planche d’acier à mi-chemin entre le lit et la table d’opération en surgit lentement.
   « Si ce que tu as dit est vrai, commença le Julothien, tes crises ont été délibérément provoquées par un agent extérieur, probablement en temps réel. Je ne vois qu’un seul moyen d’activer à volonté une toxine à l’intérieur d’un corps : il faudrait un dispositif de diffusion interne, probablement à l’intérieur même du système sanguin.
   - Des nano-machines, murmurai-je lentement. »
   L’Archimaedienne me présenta la table d’opération d’un signe de la main, et je m’y plaçai. Pendant que Tery’uk effectuait quelques réglages sur une console, je cogitais. Peu à peu, les morceaux de ce qui semblait être un puzzle décousu s’assemblèrent peu à peu. Les prétendues nano-machines que l’on m’avait injectées provenaient du soutien technique des labos du gouvernement. Il n’était pas impossible que je fusse la seule cible de ce sabotage, puisque j’avais été le seul à présenter des symptômes. Non, non, non, attend une minute…
   « Merde, m’exclamai-je en me redressant. Merde de merde de merde…
   - Quoi, firent mes deux interlocuteurs d’une même voix ?!
   - Les flics qui pètent les plombs et tuent tout ce qui bougent, et moi je m’effondre à ce moment précis. Puis, pile lors de ma deuxième crise, un accident vasculaire cérébral met fin aux jours de tous ceux qui ont participé au raid. C’était évident et j’ai rien capté, putain…
   - Tu veux dire que, commença Lalamya… ?
   - Oui, répondis-je. Je ne suis pas le seul à qui on a administré ces nano-machines ou ce je-ne-sais-quoi d’autre. Le saboteur visait d’abord à modifier le comportement de l’équipe d’intervention, probablement afin de réduire Ràmon Salazar au silence. Au cas où Salazar venait à survivre, Kill devrait alors l’abattre. Mais comme je l’en ai empêché, le saboteur s’est mis en tête de supprimer Kill pour éviter que celui-ci ne révèle son identité. Rien de tel qu’un Prédactyle au sommet de sa force : cette personne, sûrement le fameux Osmund Saddler, a programmé les toxines dans mon organisme pour me forcer à devenir violent au-delà de toute mesure. C’est moi qui ai servi à faire taire Kill. 
   - T’es long à la détente, dis-donc, apostropha une voix moqueuse depuis l’entrée de la salle. »
   Je retombai à terre et dégainai mon arme en même temps que les deux mercenaires.
   En face de nous, Ada Wong souriait, accolée à l’embrasure du sas.
   « C’est comme ça qu’on accueille une partenaire ? 
   - Que… Comment tu m’as trouvé ?
   - Je te connais par cœur, Ridley. Je t’ai suivi jusqu’ici. »
   Je me relevai tandis que Lalamya rengainait son sabre lentement, l’air tendue. Elle fit un signe au Julothien pour qu’il fasse de même, mais celui-ci resta en joue.
   « C’est bon Tery’uk, je la connais, fis-je.
   - Elle a pénétré dans le QG sans déclencher les systèmes de sécurité, dit-il d’une voix tremblante sans quitter la jeune humaine des yeux. Personne ne peut contourner la sécurité, c’est juste impossible !
   - Baisse ton arme Tery, susurra doucement Lalamya. »
   Il hésita encore deux ou trois secondes et rangea son pistolet dans son étui. Je m’approchai d’Ada et lui demandai comment elle s’y était prise. Lorsqu’elle me répondit, la froideur de sa voix me prit totalement de court :
   « Je savais que tu irais demander de l’aide à Lalamya, tu es plutôt prévisible comme mec. Je t’ai suivi sans te prévenir parce que je savais que tu refuserais que je t’accompagne. »
   Elle avait raison et ça m’agaçait.
   « Il m’a suffit de te prendre en filature et quand nous sommes arrivés chez Blue Moon, j’en ai profité pour hacker les systèmes de surveillance. Vraiment pas compliqué, dit-elle à l’attention du tech’. 
   - Et qu’est-ce tu viens faire ici, lui demandai-je ?
   - Je viens t’apporter mon aide, idiot. »

Keliaran

RIDLEY :
LES CHRONIQUES D'UNE OMBRE
Fin du chapitre 11

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Un remake de Metroid Prime, enfin ! Vous en pensez quoi ?

Je prends direct ! Toute mon enfance en HD !

Je n'étais pas né à l'époque, quelle aubaine de pouvoir enfin le faire !

Très peu pour moi, j'attendais la trilogie d'un coup...

Bof, je l'ai déjà trop fait, je passe...

J'ai tout claqué dans les remakes HD de Crash Bandicoot :(


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