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RIDLEY :
LES CHRONIQUES D'UNE OMBRE

Chapitre 13. Psychic Dive.

   « Ridley. Cela fait à présent deux ans que tu es chasseur de primes, choix de carrière que je n’approuve pas nécessairement mais que je respecte. Je t’ai appris tout ce que tu avais à savoir. Jusqu’à ce que tu te désengages de ton contrat militaire, je t’ai suivi et orienté afin que tu te développes en tant que citoyen modèle et soldat émérite. Il est donc naturel que tu sois le premier au courant : je quitte l’armée. J’ai laissé dans mon terminal privé toutes les informations dont tu auras besoin pour réussir au mieux. Ne cherche pas à me recontacter. C’est un au revoir, pas un Adieu. Nous nous retrouverons lorsque le moment sera venu. Salue Ada Wong de ma part. »
   L’image holographique d’Albert Wesker s’estompa, et je me retrouvai à nouveau seul au milieu de mon salon. Si son message ne m’avait guère surpris, le timbre de sa voix, en revanche, m’avait paru étonnamment léger.
   Presque jubilatoire.

   « Déhydroépiandrostérone et acide dimercaptosuccinique.
   - A tes souhaits, dis-je. »
   Ada me lança un regard las.
   Nous nous trouvions, Lalamya, Tery’uk, elle et moi, au milieu de la salle médicale. Ada, revenue victorieuse de son infiltration, avait réussi à isoler les substances responsables de mes crises. Lalamya et moi n’avions pas ouvert la bouche depuis notre discussion sur le toit.
   La jeune humaine projeta un hologramme de mon système sanguin : la silhouette en fil de fer de mon corps tournoya avec lenteur devant nous.
   « Le DHEA t’a paralysé et le DMSA a causé ton état de frénésie, continua-t-elle. La dose semble avoir été extrêmement puissante pour avoir tué ces hommes aussi vite.
   - Peu importe la dose, assura Tery en s’étirant, maintenant qu’on sait ce que les nano-machines ont diffusé dans le sang de Ridley, on va être en mesure de préparer une contre-attaque. Ton organisme devrait pouvoir évacuer le DMSA excédentaire par voies naturelles.
   - C'est-à-dire ?
   - Normalement, ça partira si tu pleures un bon coup. »
   Je clignai des yeux.
   « Excuse-moi ?
   - D’après mes analyses, expliqua le julothien, tes larmes devraient évacuer le DMSA qui est resté agglutiné dans ton corps depuis la dernière diffusion.
   - Je ne peux pas pleurer, lui répondis-je.»
   Tery me regarda avec surprise :
   « Tu es bien sûr ?
   - Je n’ai jamais pleuré de ma vie, certifiai-je.
   - C’est bizarre ça. T’as des glandes lacrymales pourtant, j’ai bien vérifié.
   - Quoi qu’il en soit, repris-je, si j’ai bien suivi, il est impossible de retirer les nano-machines de mes veines ?
   - Exactement, me répondit-il. Du coup, le meilleur moyen de contrer les intoxications, c’est de reprogrammer les nano-machines afin qu’elles ne fonctionnent plus. Cependant, j’ai peur qu’un système de protection ne se déclenche et ne se retourne contre toi. Il faudrait donc les empêcher de produire les composants de DHEA et de DMSA uniquement.
   - Facile ?
   - Facile, dit-il en souriant. Enfin si on veut. Je vais devoir infiltrer leur système de diffusion et changer certains paramètres pour qu’elles sécrètent à la place des enzymes sans danger lors de la réception du signal. »

   Je m’assis, laissant Tery à ses calculs, et admirai la petite statuette de glace d’Aurile pensivement. C’était réglé. Il fallait maintenant revenir à l’enquête. « La sibylle éplorée ». Les mots de Birkin résonnaient à mes oreilles : il les avait prononcés tel un appel à l’aide, comme s’il m’implorait d’y trouver une référence obscure. Cela concernait-il sa fille ? Ou bien s’agissait-il d’un code permettant de découvrir l’identité du commanditaire de l’enlèvement ? Et en quoi était-ce lié à la mystérieuse série de chiffres ?
   Je marmonnais tout haut :
   « ‘Dies iræ, dies illa Solvet sœclum in favilla Teste David cum Sibylla’…
   - Hein, fit Tery ?
   - Hm ? Oh rien, je pensais à voix haute. C’est un chant religieux Terrien qui fait référence à la sibylle. C’est une figure mythologique de l’Antiquité Terrienne. Prophétesse du dieu de la poésie, je crois. Les sibylles sont sensées prédire l’avenir ou un truc du genre. La sibylle éplorée… »
   Un bruit sourd me coupa. Nous tournâmes la tête vers sa source : Ada avait fait tomber son holopad. Elle me regardait à présent, le visage figé dans une expression de surprise. Elle se baissa doucement, ramassant son appareil, puis s’approcha de moi et me demanda :
   « Ridley, est-ce que tu peux répéter ce que tu viens de dire, s’il te plaît ?
   - Quoi ? La ‘sibylle éplorée’ ? »
   Ada cligna des yeux avec émotion à ces mots, son regard semblant se perdre dans un dédale d’images passées. Je jetai un regard dubitatif à Lalamya, puis à Tery, et interpellai mon amie :
   « Ada, il y a un problème ? »
   Ce ne fut qu’après avoir poussé un long soupir et s’être assise en face de nous qu’elle reprit la parole. Sa voix, dont le timbre n’avait jusque là été que très posé, tremblait légèrement. Je n’aurais pas su dire si elle éprouvait de la tristesse ou du regret :
   « C’est le nom que donnent certains médecins à une maladie rarissime apparue chez les Humains il y a environs un siècle et demi. Le TCEA, Trouble de la Cosmo-Empathie Autistique, aussi appelé Syndrome de la Sibylle éplorée, c’est une maladie mentale qui se déclare à la naissance et qui ne touche qu’un enfant sur vingt millions, particulièrement des individus de sexe féminin. Les symptômes peuvent s’avérer aussi spectaculaires que dévastateur, pour le patient comme pour son entourage.
   - Qu’est-ce que tu veux dire par là, demanda Lalamya avec une douceur surprenante ? 
   - C’est une forme d’Autisme, répliqua mon amie. La victime, appelée ‘Sibylle’, se mure dans silence quasi-permanent, doublé d’un très fort syndrome d’Asperger.
   - Tu veux parler des troubles psychiques propres aux Autistes ?
   - C’est ça. En général, il n’y a pas de retard mental mais la moitié des cas de TCEA se concluent par la mort clinique du patient avant sa puberté. Cependant, la particularité des Sibylles, c’est… Leur propension à présenter des pouvoirs télépathiques. »
   J’écarquillai les yeux. Ada leva ses yeux vers moi, puis continua :
   « Vous savez ce qu’est le Nuage de Myers ?
   - Bien sûr, répondit Tery, c’est un modèle de représentation des flux empathiques de la galaxie basé sur le modèle Atomique de Thomson. Une sorte de mélasse psychique dans laquelle flotte l’univers, traversée par des ondes comme un liquide ou un gaz, et dont le ‘noyau’ est... »
   Lalamya lui jeta un regard équivoque, le faisant taire.
   « Les victimes du TCEA sont extrêmement sensibles aux vibrations du Nuage de Myers, expliqua ma partenaire. Ils ont la possibilité non seulement de ressentir les pensées mais aussi de créer leurs propres vibrations, afin d’implanter des pensées dans le cerveau de leurs proches. Un patient ayant une trop grande affinité avec le Nuage de Myers est donc une véritable bombe potentielle : sous la pression, son système nerveux peut subir des lésions irrémédiables, perturbant les variations du nuage empathique et par effet papillon endommager l’esprit des personnes aux alentours. C’est pour cela que cette maladie n’a jamais été ébruitée : les sommités du monde de la médecine préfèrent attendre qu’un traitement soit mis au point. »
   Les pièces du puzzle s’assemblaient doucement dans ma tête.
   « En attendant un remède, les proches des Sibylles se voient offrir deux alternatives : la première est de cloîtrer le patient au sein d’une cellule d’isolement psychique, une ‘bulle’ étanche au Nuage de Myers, afin que son système nerveux perde sa sensibilité, mais au risque d’aggraver irrémédiablement le syndrome d’Asperger.
   - Un risque de quel ordre, demandai-je ?
   - 98%, dit-elle, le regard sombre. La seconde option, baptisée le Codage Pédagogique, consiste à articuler la vie entière de la victime autour d’un code défini dans le mois qui suit la naissance. Les parents et les instructeurs du bébé lui apprennent une série de chiffres spécifique très tôt et la lui imposent tout au long de son enfance par des leçons répétées et par hypnopédie, c'est-à-dire en l’inculquant directement à son inconscient durant le sommeil. Au bout d’une dizaine d’années, l’enfant est totalement conditionné : ses pouvoirs télépathiques restent endormis tant qu’il garde le code en mémoire et qu’il se concentre dessus. Malheureusement, même si cela diminue fortement l’isolement de l’enfant, il reste difficile de communiquer avec lui.»
   A mesure qu’Ada parlait, je sentais sa voix se briser imperceptiblement :
   « Les parents d’une Sibylle peuvent essayer de franchir ce fossé en établissant un lien télépathique avec elle, le Psychic Dive. Pour ce faire, il leur est nécessaire d’une part d’amplifier les facultés psychiques de leur cerveau grâce à des implants ou suite à un entraînement intensif, et d’autre part de se concentrer à fond sur le code pédagogique que leur enfant connaît par cœur. »
   Clic.
   Clic.
   Clic.
   Lalamya, Tery’uk et moi nous regardâmes mutuellement d’un coup. La vérité venait d’éclater.
   « Sheryl est atteinte du TCEA, m’exclamai-je !! La suite de chiffres que j’ai trouvée doit être ce fameux code pédagogique !
   - Birkin espère sans doute qu’on puisse utiliser ça à notre avantage, dit l’archimaedienne.
   - Evidemment, s’exclama Tery’uk en faisant pivoter sa chaise jusqu’à la console, si on se débrouille comme il faut, on pourra tenter un Psychic Dive et entrer en contact avec la petite pour retracer ses signaux psychiques ! »
   Il commença à pianoter sur le clavier holographique et Lalamya se leva d’un bond, mais Ada, elle, resta assise, le visage sombre. Je reportai mon attention sur le julothien, qui m’expliqua qu’en se servant de mes nano-machine, nous pourrions en théorie sensibiliser mon cerveau au nuage télépathique et établir une connexion avec la jeune Sybille. Seul bémol : la possibilité d’un rejet de la part des nanites, et donc d’une nouvelle crise. Nous règlerions donc en premier lieu l’intoxication. Ce petit manège commençait sérieusement à me gonfler mais je n’avais guère le choix. Je m’allongeai donc à nouveau sur la table d’opération et laissai Lalamya placer des électrodes le long de ma nuque sous les indications de son partenaire. Ce dernier précisa qu’il enverrait une onde électromagnétique qui perturberait les nano-machines et changerait leurs paramètres de façon insignifiante, mais suffisante pour les rendre inoffensives. Je restai donc immobile, laissant l’onde parcourir mon corps.
   « Lorsqu’on aura converti les nano-machines en amplificateurs psychiques, tu devras visualiser le code pédagogique de Sheryl de façon à établir un lien avec elle. Tu te souviens des chiffres ?
   - Ouaip.
   - C’est pas un peu risqué, intervint Lalamya ? Je veux dire, si Sheryl se met à paniquer et essaie de griller le cerveau de Ridley ?
   - Dans ce cas, répondit Tery, il nous suffira d’annuler l’amplification attribuée aux nanites. 
   - Ce ne sera pas suffisant, répliqua Ada. »
   Tery’uk fit la moue et Lalamya mima un ‘gnagnagna’ discret, mais la jeune humaine n’y prêta pas attention. Elle continua :
   « Il faut un intermédiaire psychique : une personne connectée à Ridley et pouvant jouer le rôle d’interrupteur en cas de problème.
   - Où est-ce qu’on va pouvoir la trouver, dis-je ? »
   Ada haussa un sourcil :
   « Je peux le faire. Ce sera sans danger pour moi, ajouta-t-elle précipitamment. 
   - Qu’est-ce que tu racontes ?
   - Contente-toi de te concentrer sur le code. Je me chargerai du reste. 
   - Quoi, maintenant ?
   - Tout est prêt, m’assura Tery’uk. Wong, tu es sûre de ton coup ?
   - Oui, répondit Ada. Ridley, au moment de te connecter à Sheryl, tu vas entrer dans une demi-transe. Il va falloir te détendre. Si tout se passe comme prévu, tes sens vont entrer en résonnance avec les siens, et vous pourrez vous ‘voir’ et vous ‘entendre’ virtuellement.
   - Est-ce que je suis le seul à douter de l’efficacité de cette petite séance de spiritisme ? »
   Ignorant mon commentaire, la jeune femme s’approcha de moi, s’assit à mon chevet et ferma les yeux. Sa main glissa le long de mon museau, puis s’arrêta sur mon front. Mes écailles frémirent légèrement lorsque ses doigts les touchèrent. Je laissai mes paupières se clore alors qu’un long silence s’installait. Bientôt, seuls les battements de mon cœur me furent audibles. Progressivement, suivant une cadence précise, je laissai mon scepticisme de côté et me mis à répéter mentalement le Code Pédagogique.
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   Les milliers de minuscules machines qui remontaient le cours de mes veines s’activèrent.
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   Les milliards de consciences autour de moi vibrèrent intensément.
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   Je sentis mon esprit quitter mon corps.
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   Le nuage de Myers s’ouvrit à moi et m’engloutit.
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   Tout près, Ada m’accompagnait dans ma psalmodie.
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   Le voile sombre qui m’enveloppait perdit peu à peu de son opacité pour se transformer en un espace vide et immense. Ce brouillard psychique, tout d’abord abstrait, mouvant, finit par se fixer et par prendre forme, baigné par une lumière de plus en plus présente.
   Enfin, après un effort de concentration, je pu percevoir avec clarté l’endroit où je me trouvais : des murs s’étaient érigés autour de moi, recouverts par un papier peint d’un jaune apaisant ; une unique fenêtre me faisait face, donnant sur un ciel gris ; des meubles domestiques divers agrémentaient la pièce. Un ‘tic-tac’ régulier d’origine inconnue accompagnait mon rythme cardiaque. Devant moi, une simple chaise de bois.
   Et sur cette chaise de bois trônait une jeune fille humaine, dont les longs cheveux de jais encadraient le visage. Elle portait une robe simple d’un bleu sombre, qui lui arrivait aux chevilles. Au creux de ses mains, ce qui se révélait être un œuf palpitait faiblement.
   Je m’agenouillai pour me mettre à son niveau ; ses yeux noirs, fixés sur les miens, ne trahissaient aucune forme de surprise ou de crainte. Au contraire, la gamine commença à balancer paisiblement ses jambes d’avant en arrière. Intrigué, je penchai la tête sur la gauche ; la petite fit de même en souriant.
   « Hé, fis-je...
   - Salut, me répondit-elle d’une voix légère. »
   Je plissai les yeux.
   « Tu t’appelles Sheryl, c’est ça ?
   - Oui. Et toi, tu es Monsieur Dragon. »
   Le timbre qu’elle employait n’avait rien d’interrogatif.
   « Tu es toute seule, m’enquis-je ?
   - Toi aussi. »

   Le soleil filtré par les fragiles parois de tissu donnait à la pièce une atmosphère presque irréelle. En face de moi, Isis se tenait en position assise, les yeux clos, complètement nue comme le voulait la tradition J’layer.
   Depuis mes cinq ans, elle m’amenait tous les quatre mois dans ce qu’elle appelait son ‘dojo’, afin de suivre différentes séances de méditation ou de combat. Ce que j’avais tout d’abord considéré comme un jeu s’était avéré bien plus complexe et important pour elle. Cela faisait dix ans que nous observions ce petit rituel, et j’allais à présent partir pour intégrer l’Académie Militaire. Cette fois-ci, il était temps, d’après elle, de passer mon dernier rite d’initiation.
   A genoux à quelques mètres de l’extra-terrestre, je la scrutais avec attention, curieux. Ses écailles autrefois vertes avaient pris la teinte d’une J’layer d’âge mûr ; les nuances de verdâtre et de brun variaient selon les parties de son corps, s’éclaircissant à partir du cou, sur ses quatre seins et jusqu’à l’abdomen. Les différentes parures rituelles qu’elle arborait habituellement étaient posées à l’entrée du dojo avec ses vêtements. Elle avait cependant conservé les bagues qui ornaient les doigts de ses pattes avant et arrière, sa coiffe de plumes noires, ainsi que l’anneau concentrique flexible aux décorations complexes enserrant sa queue ; cette dernière ondulait doucement de droite à gauche et de gauche à droite, tel un métronome, brassant l’air tiède.
   Soudain, avec la rapidité de l’éclair, Isis ouvrit les paupières, claqua ses mains et les écarta immédiatement après : ses bagues s’illuminèrent, ouvrant un passage vers une dimension compressée, et laissèrent un immense sabre apparaitre entre ses paumes. Elle s’en saisit, se leva d’un bond, et s’élança vers moi. Son arme décrivit un mouvement complexe, fendant l’air, pour atterrir sur le sol de bois et y laisser une profonde entaille, exactement là où je me trouvais une seconde plus tôt : je m’étais écarté de justesse, puis j’avais saisi mon propre sabre d’un geste vif. J’étais à présent en position de garde latérale, sur le flanc découvert de l’extra-terrestre. J’armai mon coup et attaquai. Isis fit passer son sabre sur le côté puis exécuta une volte élégante pour se retrouver face à moi ; dans un bruit mat, les deux lames de métal s’entrechoquèrent et mon coup fut dévié dans une étincelle. J’exécutai un petit saut en arrière, accompagnant le contrecoup, puis effectuai une attaque frontale, qu’elle para avec une facilité déconcertante. Elle enchaîna en me contournant, abattit son arme sur moi et rencontra une nouvelle fois le plancher, alors que je me préparais au prochain coup : je pointai mon sabre vers la J’layer, attaquant en piqué, et elle fit de même. Les pointes de nos deux épées se rencontrèrent, pour glisser l’une le long de l’autre, et arriver mutuellement à quelques centimètres de nos deux têtes. Nous nous dégageâmes, reculâmes de quelques pas pour nous observer, puis nous reprîmes l’affrontement. A mesure que les lames s’entrechoquaient, nos enchaînements redoublaient de fluidité, sans moins de violence. Après cinq minutes d’assaut, mon adversaire dominait toujours le combat. Elle exécuta une attaque en jambe, puis une volte, pour se placer sur mon flanc. J’en profitai pour tenter une feinte : faisant mine de préparer une parade à l’inévitable coup qui m’allait être porté, je réalisai à mon tour une volte lorsque celui-ci s’abattit sur moi. La nuque dégagée d’Isis m’offrit le parfait angle d’attaque : ma lame fendit l’air et s’arrêta pile sur les écailles qui recouvraient ses cervicales, tranchant au passage l’une des plumes de sa coiffe.
   Cinq secondes passèrent dans le silence absolu.
   Isis me fixa. Sa langue fourchue passa lentement sur ses babines. Puis en un éclair, elle fit virevolter son arme, la rattrapa et exécuta un coup vertical vers le haut, m’arrachant la mienne, qui alla se ficher dans le mur adjacent. Avant que je n’aie pu réagir, la J’layer s’accroupit, planta son arme au sol, prit appui sur ses jambes et se jeta sur moi. Nous mesurions à peu près la même taille, elle n’eut donc aucun mal à me renverser. Nous nous étalâmes sur le sol dans un fatras d’ailes et de queues. Mes membres bloqués par les siens, je restai immobile, me demandant si cela faisait partie du rite. Les seins plaqués sur mon buste et son regard planté dans le mien, Isis claqua des doigts. Un portail s’ouvrit dans une étincelle de lumière, et dans sa main apparut un pistolet à énergie, qu’elle orienta en direction de ma tête. Je frémis lorsque le canon rencontra ma mâchoire.
   Au terme d’une éternité, la J’layer relâcha son emprise et fit disparaître son arme. Alors que j’esquissai un mouvement pour me lever, elle m’arrêta d’un geste. Sa main glissa sur mon cou, son visage se rapprocha du mien, elle posa son museau sur le mien, sa queue enserra la mienne… Et à ma grande surprise, elle m’embrassa longuement. Lorsque sa langue eut fini d’étreindre la mienne et que nos lèvres se séparèrent, me laissant à bout de souffle, Isis me susurra à l’oreille :
   « Tu vas me manquer. »
   Puis elle se releva, et sortit du dojo après avoir récupéré ses affaires. Nous ne reparlâmes jamais de cette séance.Rite initiatique ou pas, ces trente minutes furent les plus bizarres de ma vie.

   Du haut de ses quatorze ans et de son mètre cinquante, Sheryl Birkin me dévisageait sans le moindre trouble. A en croire Ada, l’endroit où nous nous trouvions n’était qu’une projection mentale partagée. La petite humaine voyait-elle la même chose que moi ? Cela me semblait probable, puisqu’elle communiquait souvent par télépathie avec ses proches.
   La liaison, je le savais, ne durerait pas longtemps. Il me fallait donc récolter un maximum d’informations sur l’endroit où Salazar retenait Sheryl prisonnière.
   « Gamine, commençai-je, est-ce que tu sais où tu es ?
   - Je suis devant toi, dit-elle en souriant. 
   - Non t’as pas compris, heu… »
   Je soupirai. Hors de question de perdre patience. Nous étions proches du but, mais je me devais d’avancer prudemment. Je me penchai vers elle :
   « Ca fait des jours que tu n’es pas rentrée, tout le monde est très inquiet, tu sais ?
   - Oui.
   - Je m’appelle Ridley. C’est ton papa qui m’envoie. Il voudrait qu’on te retrouve, mais on ne sait pas où tu es. Tu as envie de le revoir, ton papa, n’est-ce pas Sheryl ?
   - Oui, fit-elle après une seconde d’hésitation.
   - Très bien, il va falloir que tu me dises où les grandes personnes t’ont emmenée, conclus-je. Tu es d’accord ? »
   Sheryl opina du chef, puis eut un sourire et me demanda :
   « Monsieur Dragon, tu as un papa, toi ? »
   Surpris par la familiarité dont la petite faisait subitement preuve, je balbutiai :
   « Heu, non, non. Il n’est plus là.
   - C’est triste, répondit-elle doucement. Tu mérites un papa comme tout le monde. »
   Puis son visage s’éclaira et elle tapa brièvement dans ses mains :
   « Mon papa à moi c’est le Président, ça veut dire que c’est lui qui commande ! Lorsque je serai de retour à la maison, je dirai à mon papa de te trouver un papa pour toi ! Comme ça tu ne seras plus seul ! »
   Je ne pus m’empêcher de sourire face à cette innocence :
   « Je ne suis pas seul, gamine. Mais nous devons faire vite, je ne pourrai pas rester longtemps ici. Est-ce que tu peux me décrire l’endroit où tu es ? Est-ce qu’il y a des gens autour de toi ?
   - Oui, me répondit-elle en fermant les yeux. Je suis dans une chambre. Il y a Monsieur Forester et Monsieur Trent derrière la porte. »
   Je fronçai les sourcis.
   « Qui sont-ils ?
   - Ce sont les messieurs qui m’ont amené ici. Monsieur Forester est grand et sa peau est noire. Il parle doucement et il est très gentil avec moi. Monsieur Trent a de longs cheveux bleus, mais il ne parle pas beaucoup. Lorsque nous sommes sortis de la maison de papa, Oncle Brian m’a demandé de ne pas les quitter. Il m’a dit qu’ils me protégeraient. 
   - Oncle Brian ?
   - La chambre du deuxième étage, continua Sheryl, dont la voix se fit plus distante. Le bateau des étoiles prendra le large ce soir, lorsque les lunes apparaîtront. 
   - Qu’est-ce que tu racontes, gamine ?
   - Les masques tomberont et des cieux le feu pleuvra comme aux aurores du monde ! »
   Le visage de la petite humaine avait abandonné son air serein et ses globes oculaires s’agitaient visiblement sous ses paupières. Les cliquetis de l’horloge, imperceptiblement, avaient accéléré jusqu’à ressembler à des claquements de mitrailleuse. C’était pas bon. Je perdais le contrôle. Je saisis brusquement la frêle et tremblante jeune fille par les épaules et tentai de la sortir de sa transe :
   « Sheryl, tu te sens bien ?! Réponds-moi. »
   La gamine ouvrit les yeux d’un coup et poussa un effroyable hurlement. Les murs de la pièce tremblèrent tandis que les cris de la petite se répercutaient contre eux avec une ampleur irréelle. Dans un élan, je tendis la main pour la calmer, mais tout disparut au moment où j’allais entrer en contact avec elle. Je me retrouvai à nouveau dans la salle médicale de Blue Moon, étendu, le bras en l’air. A mes côtés, Ada Wong, trempée de sueur, me tenait l’autre main. Je me relevai difficilement, retenant un juron.

   Devant son moniteur, Tery restait interdit, un calepin holographique à la main. Je lui demandai si la manœuvre avait réussi. Il se tourna vers moi et m’expliqua qu’il avait réussi à dresser un périmètre psychique approximatif ; cependant, précisa-t-il, rien n’était gagné. Il nous fallait établir un relais au sein même de ce périmètre pour parvenir à repérer Sheryl par triangulation : Ada devait se placer au centre de la zone et reprendre son rôle d’intermédiaire psychique. Je jetai un coup d’œil à mon amie. Elle semblait légèrement ébranlée par la session, plus que je ne l’avais été. Je m’enquis de son état, mais elle marmonna que tout allait bien.
   « Tu parles, lui dis-je. Tu trembles comme une feuille. Laisse-moi au moins t’accompagner jusqu’à ton poste. »
   Elle ne trouva rien à redire. Tery’uk nous donna les coordonnées du point de relais, et Lalamya me jeta un regard inquiet auquel je répondis en hochant la tête de façon rassurante. Ada et moi sortîmes du bâtiment sans prononcer le moindre mot. Elle chancelait. Je lui fis signe de monter sur mon dos, ce qu’à ma grande surprise, elle accepta. Je la hissai entre mes deux ailes, puis je décollai, m’élevant au dessus du trafic, et volai en direction de la zone. L’air frais et pur nous fit le plus grand bien. Nous arrivâmes enfin sur le point que Tery avait indiqué, vraisemblablement le toit d’une tour d’habitations. Je me posai et laissai descendre Ada. Celle-ci fit quelques pas prudents avant de reprendre manifestement de l’assurance. Elle se tourna vers moi, s’attendant à me voir repartir, ce que je ne fis pas. Je restai en face d’elle.
   A son regard interrogateur, je répondis :
   « Tu es dans un état inquiétant, Ada. »
   Elle baissa les yeux. Je continuai :
   « Il s’est passé trop de choses ces deux derniers jours. Mais j’ai l’impression de louper un truc. Qu’est-ce qui t’a poussé à te mettre en danger comme ça ? Ne me ment pas, tu as pris un sacré contrecoup mental quand Sheryl m’a éjecté de son cerveau. »
   Le vent portait mes mots comme un messager, intermédiaire franchissant l’immense gouffre qui nous séparait. Elle ne répondit rien. Je risquai :
   « Tu as été une sibylle, toi aussi. Je me trompe, Ada ?
   - Comment est-ce que … ?
   - Ton visage a radicalement changé lorsque tu nous as expliqué ce qu’était le TCEA, dis-je. J’ai compris au moment où tu t’es proposée comme intermédiaire psychique. Seule une ex-sibylle aurait pu comprendre le fonctionnement du syndrome. »
   Ada leva la tête vers moi, se mordit la lèvre puis se retourna, se dirigeant vers le centre du toit. Je la suivis.
   « Mon TCEA a été diagnostiqué à ma naissance sur Pantheos VI, raconta-t-elle. A l’époque, les deux traitements venaient tout juste d’être conçus et personne ne connaissait leurs enjeux. Au départ, mes parents avaient jugé inutile d’engager une thérapie. Et lors de mes deux ans j’ai… J’ai eu ma première véritable crise. »
   Elle s’arrêta et me jeta un regard indéchiffrable :
   « J’ai sombré dans le coma et mon père… Mon père a subi une hémorragie cérébrale par ma faute. Il n’a pas survécu. »
   Le souffle coupé, je me tus. Elle continua :
   « Ma mère a alors décidé de me mettre en cellule d’isolement et n’a plus jamais voulu me voir. Pendant les dix premières années de ma vie, je n’ai absolument rien connu. Ma vie s’est résumée à absorber de la nourriture par intraveineuse et à essayer de distinguer le réel de ce qui ne l’était pas. Les rares personnes que je côtoyais, c’étaient les médecins qui venaient m’examiner, et qui me regardaient comme une bête dangereuse. Mon syndrome d’Asperger n’en a été que plus douloureux à vivre. Et un jour, il est arrivé…
   - Albert Wesker, murmurai-je. »
   Elle hocha la tête.
   « Il connaissait mon père depuis des années. Il lui devait une faveur. Il s’est chargé de ma thérapie, il m’a guérie et m’a aidé à entrer dans l’Académie. Sans lui je ne serais rien. Ridley… Je n’ai plus aucun souvenir de cette époque mais je vis dans la peur que ces… Ces choses enfouies ressurgissent au moment où je m’y attends le moins. Pendant longtemps, j’ai essayé de m’inventer un passé, de construire ma personnalité sur ce vide mais aujourd’hui, je me rends compte de la fragilité de tout ce en quoi je croyais. C’est pour ça qu’il faut que j’aille jusqu’au bout. Je dois entrer en contact avec Sheryl. Sans ça, je crois que jamais je ne parviendrai à exorciser et aller de l’avant… »
   Elle se tut et recommença à me fixer. J’étais bouleversé. Tout prenait sens à présent. Les photographies en 2D, l’appréhension d’Ada, les débuts étranges de notre relation…
   « Il y a quelque chose que je dois te dire, commençai-je après quelques secondes de silence.
   - Je sais.
   - C’est au sujet de Léon.
   - Je sais, répéta-t-elle.
   - Je m’en veux, avouai-je. Je t’ai juré de faire attention et… »
   Ada m’arrêta d’un geste. Je sais, me dit son regard.
   « Ta confiance m’est précieuse, ajoutai-je.
   - Tu ne l’as jamais perdue, Ridley. »
   Ses paroles réchauffèrent soudainement la brise.
   « J’ai beaucoup réfléchi, expliqua-t-elle. A nous, à moi, à ce que nous faisons. Et à présent, j’ai la certitude qu’une autre vie est possible. Tu m’as parlé de liberté, de cette recherche incessante d’indépendance, et… Je crois que j’ai trouvé la mienne. Léon et moi… »
   Je retins mon souffle. Un faible sourire se dessina enfin sur le visage de mon amie.
   « Je vais quitter le mercenariat, acheva-t-elle. Léon a été placé dans un vaisseau de rapatriement. Après cette mission, je vais rendre mes armes, détruire mes identifiants de chasseur de prime et changer d’identité. C’est le seul moyen pour que Léon et moi puissions avoir une vie normale. »
   Cette phrase semblait avoir été prononcée par une toute autre personne. Je pris quelques secondes pour assimiler ce qu’Ada m’avait dit, et me rendis compte avec surprise que je m’y étais attendu. Et qu’en outre, cela ne m’affectait pas. J’étais même soulagé.
   « Je comprends. »
   La jeune femme effectua un pas vers moi. J’effectuai un pas vers elle. Et lorsque nous fûmes suffisamment proches l’un de l’autre, nous nous enlaçâmes. Je penchai ma tête jusqu’à la sienne, logeai mon bec contre son épaule, et lui murmurai :
   « Lorsqu’on aura retrouvé Sheryl et empoché la récompense, j’investirai ma part dans une opération chirurgicale pour Léon. Sa paraplégie ne sera plus qu’un mauvais souvenir et vous pourrez repartir à zéro.
   - Ridley.. ! »
   Je resserrai mon étreinte, passant mes griffes dans ses cheveux. Malgré la petitesse de son corps par rapport au mien, je sentais sa cage thoracique se soulever au rythme de sa respiration. Je fermai les yeux. Elle tenta à nouveau :
   « C’est idiot, tu…
   - Tais-toi, murmurai-je. »
   Ce qu’elle fit. Un ronronnement lointain nous parvint.
   « Je ferai tout pour que Léon et toi viviez comme bon vous semble, loin des pirates, du consortium ou du reste. »
   Le bruit se fit de plus en plus proche.
   « Ce sera ma responsabilité, je vous protègerai. »
   Annonciatrice de la bête, une bourrasque balaya le toit, décoiffant la jeune femme, toujours dans mes bras.
   «  Je te le jure, Ada. »
   Et dans un feulement céleste, une gigantesque Raheemta vola juste au dessus de nous pour rejoindre l’horizon de son vol paisible, emportant mon serment jusqu’à la ceinture d’astéroïdes d’une planète lointaine.

   Lorsque je revins à la salle médicale de Blue Moon, Tery et Lalamya m’attendaient. Nous terminâmes les derniers préparatifs du Psychic Dive. Je m’allongeai à nouveau. Tery m’expliqua que je n’aurais pas le droit à une seconde erreur : Ada étant plus proche de Sheryl, le signal serait plus clair mais aussi plus sensible, et le moindre faux pas pourrait couper définitivement tout lien avec la petite. J’acquiesçai.
   «  Cette fois-ci, le plongeon sera un peu différent pour toi, ajouta-t-il. Tout à l’heure, c’était une projection de l’esprit de la gamine que tu as visité, mais là, on va t’envoyer directement face à son subconscient. N’essaie pas de communiquer avec elle, ni de te déplacer, ou quoi que ce soit, tu seras complètement bloqué par ses verrous psychiques. Il va falloir utiliser ta tête.
   - Tu veux que je serve de bélier, c’est ça ?
   - Lalamya, soupira Tery, rappelle-moi pourquoi on aide cet idiot… »
   J’eus un petit rire.
   « Bon, reprit-il, ça va être très simple. Ada va te guider mentalement vers les parties les plus nues de la psyché de Sheryl. Tu vas les traverser une à une sans toucher à rien d’autre, c’est compris ? Et lorsque tu arriveras au cœur de son inconscient, Lammy et moi nous retracerons ta position par triangulation.
   - Reçu, dis-je. Est-ce qu’elle ressentira ma présence ?
   - Normalement, oui, mais je pense que ça ne la gênera pas. Même si tu traverses ses instances psychiques, les verrous dont je t’ai parlé bloqueront ce qu’elle ne veut pas montrer. Donc en théorie, c’est comme si Ada te faisait visiter la maison de la gamine : tu emprunteras les portes ouvertes. »

   Pendant ces explications, l’Archimaedienne appliquait des électrodes sur ma tête. Elle me fit un clin d’œil et Tery activa le dispositif.
   Je me concentrai tout en me détendant, et bientôt, la pièce s’effaça pour laisser place au vide.

   Les gens évoluent sans cesse. Ou régressent. Mais ils changent. Il paraît que les apprentissages n’ont une réelle valeur que s’ils se font dans la douleur.
   Le gazouillis d’un volatile me réveilla. Je me relevai péniblement, une douleur lancinante traversant mes côtes et mon bras droit. Je m’étais certainement cassé quelque chose dans ma chute. Une vingtaine de mètres plus haut et quelques secondes auparavant, j’avais essayé pour la sixième fois de m’envoler. Vingt-trois échecs en une semaine, c’était largement plus qu’il n’en fallait pour me décourager en temps normal.
   En temps normal.
   « Tu viens de Jurrasic Planet ? »
   Je me retournai, chancelant, vers la paroi d’où je m’étais lamentablement écrasé. Je plantai mes griffes dans la roche et m’en servis comme crampon pour l’escalader.
   « En fait tes deux ailes, elles servent à rien. T’as pas l’impression de ressembler à un poulet ? »
   Les moqueries auxquelles je m’étais habitué résonnaient dans mon crane.
   « Ta queue est aussi inutile que le reste ? Enfin, vu ta tronche, je dirais tes queues. »
   Ils étaient tous pareils. Tous les mêmes. Tous de la même race. Des clones. Et moi, j’étais seul.
   « Retourne chez toi, lézard-man. »
   Mon poitrail meurtri m’arracha une grimace, mais je continuai à gravir la colline. Le ciel vert strié d’orange de Pantheos VI s’assombrissait alors que la journée tirait sur sa fin.
   Dans un cri rauque, je parvins au sommet du monticule, m’agrippant à l’herbe bleutée pour ne pas glisser. Je me hissai et fis une pause, reprenant mon souffle, puis je relevai la tête vers l’Académie. L’auguste bâtiment aux tours hélicoïdales se dressait, tel un temple, à quelques kilomètres de là. Dans deux heures, les portes fermeraient pour le couvre-feu. Il me fallait rentrer. Une voix féminine me fit sursauter :
   « Fait attention, tu risques d’abîmer tes jolies ailes à force de tomber. »
   Je tournai la tête en direction de mon interlocutrice. C’était une humaine. Je reconnus Ada Wong. La jeune fille était assise en tailleur, adossée à un arbre à côté du bord, face à la vallée d’où je revenais. J’écarquillai les yeux : en deux mois, c’était la première fois que je rencontrais quelqu’un en dehors de l’Académie. Pieds nus, drapée dans une robe que je reconnus comme un vêtement traditionnel de l’Est de la Terre, Ada me regardait paisiblement. Je me demandai depuis combien de temps elle était là. Comme si elle savait à quoi je pensais, elle m’annonça :
   « Je te regarde depuis une heure. Tu essaies de t’envoler ? »
   Je plissai les yeux. Qu’avait-elle derrière la tête ? Malgré la douceur de sa voix, je ne parvenais pas à taire la méfiance qu’elle m’inspirait. Nous ne nous étions pas parlé depuis notre première rencontre.
   « Qu’est-ce que ça peut te faire, répondis-je ?
   - Rien. Je regarde, c’est tout. »
   Est-ce qu’elle se foutait de moi ?
   « Je n’aime pas qu’on me regarde.
   - Moi non plus, fit-elle. Mais il y a presque cent trente milliards de citoyens dans la Fédération, deux cent milliards dans le Consortium, et plus du double hors du Système : il y aura forcément quelqu’un qui regardera dans ta direction, où que tu te trouves, alors je pense qu’il faut faire avec. »
   Elle m’avait fermé le clapet avec une douceur incroyable. Je me relevai, constatant que la douleur s’était évaporée, et lui demandai :
   « Tu m’as suivi ?
   - Oui, me dit-elle en souriant. Ca fait plusieurs jours que tu pars de l’Académie pendant les jours libres. J’étais curieuse. 
   - T’es satisfaite, à présent ?
   - Ce sera mieux quand je t’aurai vu réussir ton coup.»
   Je ne me souviens plus trop de la suite de cette conversation. Mais ce que je sais, c’est que le même soir, j’ai tenté de m’envoler une dernière fois sous les yeux d’Ada. Tentative couronnée de succès. Comme quoi, un peu de bienveillance ne fait jamais de mal.

Keliaran

RIDLEY :
LES CHRONIQUES D'UNE OMBRE
Fin du chapitre 13

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Un remake de Metroid Prime, enfin ! Vous en pensez quoi ?

Je prends direct ! Toute mon enfance en HD !

Je n'étais pas né à l'époque, quelle aubaine de pouvoir enfin le faire !

Très peu pour moi, j'attendais la trilogie d'un coup...

Bof, je l'ai déjà trop fait, je passe...

J'ai tout claqué dans les remakes HD de Crash Bandicoot :(


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