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RIDLEY :
LES CHRONIQUES D'UNE OMBRE

Chapitre 10. Berserk

   #Compte-rendu de l’opération d’appréhension des suspects#
   A 9h42 précises, heure de la 8e capitale F1R5T, les navettes 225 et 229, transportant respectivement l’équipe d’attaque principale (nom de code Bleue) et l’équipe de soutient logistique (nom de code Rouge) ont intercepté les suspects dans le bâtiment H4B3 de la zone industrielle de la ville de R4C00N. Parallèlement, la navette 223, transportant l’équipe d’embuscade stratégique (nom de code Verte) s’est placée en position de camouflage au dessus du champ de bataille, accompagnée du Chasseur de Primes aéroporté Ridley [dossier confidentiel]. Les équipes Bleue et Rouge ont effectué une percée dans les défenses ennemies pour les obliger à battre en retraite, les entraînant au contact de l’équipe Verte. 92% des forces ennemies ont été annihilées, contre 20% du côté des forces d’intervention. L’opération s’est achevée sur la capture du leader ennemi.
   Notes postopératoires :
   - Le leader ennemi, identifié officiellement comme étant Ràmon Salazar [dossier confidentiel], est parvenu à s’échapper suite à l’intervention d’un élément perturbateur. Sa localisation actuelle n’est pas connue de nos services.
   - L’élément ci-dessus, un individu armé d’un fusil à longue portée Imperialist 5k « Hellfinger » a blessé un agent et a été capturé par le Chasseur de Primes aéroporté Ridley. L’individu a été identifié officiellement comme étant le Chasseur de Primes Herrrionk Blöjj connu sous le pseudonyme de « Kill » et natif de la colonie Gibraltar sur la planète Slabantha.
   - Le susnommé étant officiellement sous un contrat impliquant la réussite de cette mission, son action reste inexpliquée. Il restera jusqu’à nouvel ordre en détention pour être interrogé.
   - La priorité de l’opération ayant été l’extraction d’informations confidentielles de la part de l’ennemi, l’annihilation de 92% des forces adverses est considérée comme une des causes de l’échec de la mission. Les différents rapports émis par les unités d’intervention dénotent un mouvement d’attaque commun inexpliqué. Il est possible qu’un phénomène d’hystérie collective dû au stress ou à la situation stratégique soit à l’origine de cet incident.
   - Le….
   /

   Ca suffisait comme ça. Je coupai le message et rangeai mon Holopad.

   Cela faisait quelques heures que nous étions revenus à C1Z14 ; perché sur la tour de contrôle de la plate-forme d’atterrissage, je méditais sur les évènements qui venaient de se produire. Quelque chose se tramait, trop de coïncidences entouraient cette affaire et j’aurais mis ma main à couper que Kill avait été engagé pour faire taire Salazar. Les vrais commanditaires de l’enlèvement n’avaient pas l’intention de lâcher l’affaire si facilement. Et Sheryl, une fois de plus, demeurait introuvable.
   Je levai la tête et remplis mes poumons en fermant les yeux, me laissant envahir par les murmures de la ville en dessous de moi. La douleur avait quitté mes articulations, mais un goût très amer persistait sous ma langue. J’eus un frisson en repensant à la crise que j’avais subi à R4C00N. Que s’était-il passé ? Y avait-il un lien avec ces anabolisants qu’on m’avait administré, une sorte d’effet secondaire, une réaction imprévue de mon corps de Prédactyle ? Je tendis ma main droite vers le soleil et l’ouvris lentement, laissant le sang circuler dans mon bras, puis je serrai le poing fermement.
   Ada…

   Brusquement, je me redressai, déployai mes ailes et sautai du haut de la tour pour ré atterrir dans la cour du commissariat. Devant les agents interloqués, je sorti ma carte HI et marchai d’un pas décidé, en bousculant les agents qui me croisaient. Je traversai quelques couloirs, un bureau, puis pris l’ascenseur vers le 2e sous-sol. Une personne connaissait les réponses. Et elle avait intérêt à me les donner. La porte de la salle d’interrogatoire s’ouvrit devant moi. Trois officiers se tenaient près de la console de surveillance, tandis qu’un analyste surveillait ce qui semblaient être des données quelconques. Au centre de la console s’affichait un hologramme retranscrivant en temps réel l’interrogatoire de Kill. Le Slabanthien, attaché à une chaise elle-même clouée au sol, affichait un sourire provocateur qui rendait l’expression sur son visage encore plus insupportable. Deux agents lui faisaient face de l’autre côté de la table. On aurait pu croire à un dîner d’affaires si les deux gars n’avaient pas eu l’air aussi exaspérés. Ils avaient dû jouer au bon flic et au mauvais flic depuis une bonne heure sans tirer le moindre résultat. Connaissant Kill ça ne m’étonnait pas : notre rencontre remontait à ma cinquième ou à ma sixième mission en tant qu’indépendant et déjà à l’époque, il était réputé pour être une véritable anguille. Les techniques de bases ne servaient à rien avec lui, et encore moins les approches brutales. Le slabanthien était ligoté, mais ses interrogateurs n’en menaient pas large non plus.
   La pièce baignait dans les ténèbres, une lueur bleue entêtante éclairait les agents en observation. Les machines ronronnaient calmement. Un lointain sifflement résonnait, venant de nulle part, lancinant sans être trop gênant, mais les officiers ne semblaient pas y faire attention.
   J’approchai des trois inspecteurs qui me faisaient face. Le plus proche de l’entrée, un grand type au crane dégarni et aux yeux jaunes, leva la tête vers moi, haussa un sourcil et déclara calmement :
   « Je vais vous demander de quitter les lieux, nous sommes au milieu d…
   - Ridley, chasseur de primes, l’interrompis-je en lui montrant ma carte. J’ai une autorisation de type A pour intervenir dans ce genre de situations. »
   Et un gros bobard, un. Je n’eu cependant pas besoin de fournir de preuves, puisqu’il retourna à son travail. J’en profitai pour vérifier leurs notes.
   « Où en est l’interrogatoire ?
   - Nous n’avançons pas d’un pouce, répondit un des policiers. Ce type ne répond qu’à une question sur trois sans arrêter de nous narguer. En plus je suis sûr qu’il nous mène en bateau…
   - Pas d’accord, commença son collègue, il…
   - Laissez-moi lui parler, coupai-je. »
   Les trois flics me regardèrent en même temps, alors qu’un silence envahissait la pièce. En parallèle, les voix des deux officiers en salle de confinement s’élevèrent à travers l’hologramme, comme pour remplir l’espace. S’ils commençaient à s’énerver, cela voulait dire que Kill avait gagné.
   « On doit d’abord en référer à Nedman, dit le troisième inspecteur d’une voix enrouée.
   - Les gars, leur dis-je, vous avez envie de lui faire cracher ce qu’il sait. Moi aussi. Vous ignorez ce qu’il foutait sur les lieux de l’opération. Moi aussi. Mais vous ne savez absolument pas comment Kill fonctionne. Et moi si. »
   Cette fois ci, même les deux interrogateurs s’étaient tus. Ils avaient dû m’entendre à travers leurs appareils de communication. Le sifflement semblait prendre de l’ampleur alors que le silence s’était abattu dans les deux salles.
   « J’ai travaillé avec lui et même parfois contre lui, repris-je. Je le connais et je peux vous assurer qu’il a plus de ressources qu’il ne veut bien le montrer. Mais si on sait s’y prendre avec lui, il peut révéler quelques informations essentielles. 
   - Alors restez avec nous et donnez leur vos conseils depuis cette salle, me répondit le flic au crane dégarni. 
   - Ca ne marchera pas, dis-je en m’approchant de l’hologramme. Kill est un mercenaire imbu de sa personne, il développe sa défense en fonction de son adversaire, mais il sera toujours persuadé qu’il a le dessus parce qu’il pense avoir une maîtrise totale de lui-même. Il lui faut quelqu’un qui l’ait tenu en échec ou qui lui en ait fait baver. »
   Je me retournai vers les trois agents et leur sourit.
   « Et cette personne, c’est moi. »
   Ils firent une drôle de tête. Ahem… C’est vrai que quand je souris j’ai plus l’air d’un crocodile psychopathe qu’autre chose. Mon visage redevint neutre.
   « Je vais le faire couiner. »
   Mes interlocuteurs se lancèrent mutuellement un regard interdit. Finalement, ils acquiescèrent. Je leur remis mon Holopad et mes armes, qu’ils déposèrent dans une boite, puis me positionnai devant le sas de la salle de confinement. Celui-ci s’ouvrit avec un chuintement caractéristique, et les deux inspecteurs en sortirent précipitamment, sans doute avides de savoir comment je comptais m’y prendre.
   « Vous avez 20 minutes. »
   Je leur adressai un signe de tête et passai la porte. Le sifflement désagréable m’accompagna comme pour me narguer.

   « Ridley, tu m’écoutes ? »
   Je reportai mon regard sur le visage sévère qui me faisait face.
   « Désolé Père, c’est que je n’ai jamais vu autant de monde…
   - Pour la centième fois, soupira Wesker, arrête de m’appeler comme ça, je suis ton instructeur.
   - Isis est aussi mon instructrice et elle m’appelle son Frère, pourtant.
   - Isis est une J’layer. Les J’layers ont un sens social de la famille différent des autres espèces de la Fédération, Ridley, je te l’ai déjà dit. »
   Le superviseur Albert Wesker était plutôt grand pour un humain, mais j’avais très vite atteint la même taille que lui. Malgré ma carrure plus imposante, l’homme que j’appelais « Père » m’avait toujours impressionné ; son visage carré, comme sculpté dans du granit, sans cesse orné d’une paire de lunettes noires, semblait imperturbable, peu importait la situation. Sa voix grave et posée lui conférait une certaine prestance et il savait se faire écouter. C’était à lui que je devais d’être rentré dans la plus prestigieuse académie militaire de la région de Kalandor, et je l’avais toujours considéré, avec Chris, comme une sorte de modèle, malgré son attitude austère.
   « Bref, repris Wesker, je te disais que les autres étudiants de ta promotion n’allaient pas tarder à arriver. Je compte sur toi pour faire bonne impression.
   - Oui Pè… Oui monsieur. »
   Nous étions dans l’immense salle de banquet de l’Académie pour le dîner d’ouverture de la promotion. Je frissonnai. Les portes principales s’ouvrirent et laissèrent passer une marée de jeunes Fédéraux extatiques. Le bâtiment fut bientôt rempli par des humains, des Norioniens, des Julothiens et d’autres espèces que je n’avais jamais rencontrées. Je crois même avoir aperçu un Chozo dans un coin. Waow, la gêne… Pendant un moment, j’eus la grosse envie d’ouvrir une fenêtre et de sauter du haut de la colline sur laquelle était perchée l’académie. Manque de pot, je n’avais jamais réussi à m’envoler. A quoi servent les ailes quand on en a vraiment besoin, bon sang ?
   « Ah, au fait Ridley… Evite de trop t’agiter. »
   En prononçant ces mots, le superviseur fit un signe de la main dans ma direction. Je mis un moment à comprendre que ce n’était pas à moi qu’il s’adressait ; je me retournai et aperçus une jeune humaine se diriger vers nous. Ses cheveux noirs et lisses encadraient un visage au teint hâlé. Un sourire discret se dessina sur ses lèvres lorsqu’elle sembla reconnaître Wesker, puis son regard glissa vers moi et elle écarquilla ses yeux en amande. Dès qu’elle nous eu rejoints, Wesker la salua d’un ton enjoué et m’entraîna vers elle, en annonçant :
   « Mademoiselle Wong, je tenais à vous présenter un de vos futurs collègues. Ridley, voici Ada Wong. »

   « Tiens, le chien de garde… 
   - Moi aussi je t’adore, Kill. »
   La salle de confinement contrastait méchamment avec son antichambre. Une lumière blanche agressive émanait du plafond et se répercutait sur les murs nus. Au centre de ces 20m² trônait une table encadrée d’une demi-douzaine de chaises, et sur l’une d’elles se tenait ligoté Kill, l’air goguenard. Je levai la tête vers le plafond et fis un clin d’œil en direction de l’holocam, puis je reportai mon attention sur le mercenaire. Celui-ci me fixait de ses yeux protubérants alors que je contournai la table pour arriver derrière lui, hors de son champ de vision. Je pris une brève inspiration.
   « T’as déconné, Kill.
   - Ohohohowk pitié, tu ne vaaas pas te mettre à me faire la morââââle, se moqua-t-il. Toi aauussi t’es un châââsseur, tu sais que ce qui compte dans notre boulot, c’est la somme qu’on gâââgne !
   - Ouaip. Mais je ne parlais pas de ça. Tu t’es débrouillé comme un bleu, c’est ce qui me chagrine. Un Hellfinger ça ne s’utilise pas au dessous d’un kilomètre, tu devrais le savoir. Et puis t’approcher comme ça de ta cible c’est un bon moyen pour te faire repérer.
   - Câââ m’a pas empêché de faiiire un cââârton sur ton petit copain. »
   Je me mordis la langue. Ne pas entrer dans son jeu.
   « Et regarde où ça t’a mené : écroué et passé à la casserole. Pas sûr que celui qui t’a payé apprécie la plaisanterie. »
   Kill eut un gros rire gras.
   « Fais moi confiance, je sortirai très bientôôôt… 
   - Qu’est-ce que tu veux dire ?
   - … »
   Ma main passa doucement sur la table alors que je contournai mon interlocuteur. Lentement, je crispai mes doigts pour que mes griffes en raclent le métal, ce qui produisit un bruit plutôt désagréable, auquel le sifflement sourd n’arrangeait rien. Ce faisant, je me retournai et lançai :
   « Pourquoi est-ce que tu as tiré sur Kennedy ?
   - …
   - Tu essayais de buter Salazar, hein ? Seulement, tu n’étais même pas sensé enquêter sur C1Z14, ni sur R4C00N. Comment est-ce que tu as su où il se cachait ?
   - … 
   - Tu n’en savais rien, hein… ? C’est ton employeur qui te l’a dit…
   - Brrravôôô cervelle de piaf, tu veux une médaille ?
   - Comment est-ce qu’il a pu être au courant ? Seules les brigades de R4C00N et de C1Z14 le savaient. Il y a eu des fuites ?
   - …
   - C’est pas en te taisant que tu vas l’emporter, tu sais… Je peux être très persuasif.»
   Il eut un rire bref.
   J’avançai à nouveau vers lui, encore et encore, jusqu’à le surplomber totalement. Je me baissai pour avoir son visage en face du mien, et lui soufflai :
   « Kill, je ne suis pas un flic. Tu sais comme moi que ce qui m’intéresse, c’est de retrouver Sheryl et d’empocher la récompense. Sauf que toi, là, t’es un obstacle à ma mission. Et un obstacle, ça se balaie.
   - Hâwkhâwk, ricana le slabanthien, tu joue les durs maintenant ? Ca ne te va vraiment pas. 
   - Je ne fais que te prévenir.
   - Gââârde-la ta gamine, gââârde-la ta récompense, si tu savais comme je m’en fous. Mon client paie bien plus pour la tête de Salazarrr. 
   - Sauf que nous, on a besoin de Salazar pour retrouver Sheryl, tête de con. 
   - C’est peut-être bien pour çâââ que quelqu’un veut sa peau, grrros mââlin.»

   Ca allait mal. Mon mal de crane s’accentuait et je perdais patience, il fallait lui soutirer un maximum d’infos en un minimum de temps. Je soupirai et partis me positionner du côté opposé de la table. Je déplaçai la chaise et m’assis par terre, le regard toujours fixé sur Kill. Celui-ci me lança :
   « C’est tout ? Non, parce que si tu veux en savoir plus sur moi je peux te décrire mes…
   - Awnh, ta gueule, juste… Ta gueule… 
   - J’essaie d’aider, hein, fit le mercenaire dans un rire insupportable.
   - Si tu veux vraiment aider, crache le morceau, soupirai-je. Qui t’a engagé.. ? 
   - C’est ta mèrrre, elle veut que tu rentttre à la mâââison. 
   - Ton comportement est idiot. Je n’ai pas besoin de mandat contre toi, je peux très bien fouiller tes communications et retrouver qui t’a proposé ce job. Alors que si tu coopères, on trouvera peut être un moyen pour t’éviter une sanction trop lourde.
   - Tu peeeerds ton temps. Mon client m’a eembaaûûché face à face.
   - Tu veux dire qu’il est situé sur Logacia ?
   - …»
   Je soupirai. Au moins, j’avais réussi à le rendre plus bavard, c’était un bon début.
   « Est-ce que c’est un membre de la police ?
   - Qu’eest-ce qu’ils y gâââgneraient ?
   - La corruption ça existe, Ducon, répondis-je d’un ton sec. Il te suffirait de te mater dans une glace pour t’en rendre compte. Parle, maintenant.
   - Pourquôôi est-ce que j’ai tiré cinq fôôôis, çââ c’est une questiooon intéressââânte, tu ne penses paaas ? »
   Je fronçai les sourcils.
   « Ce pauvrrre petit bleu, continua-t-il… Tu as vu sa tête loooorsque je l’ai transformé en passôôôire ?
   - …
   - C’était marrant ! Je ne savâââis pas que les humains pouvaient être auuussi ridicules lorsqu’on découpe leur colôôône en môôôrceaux. Leurs corps sont si frâââgiles. Héhéhé, mais j’t’apprends riiien, pas vrrrai Ridleyyy ? »
   Son sourire s’élargit considérablement lorsqu’il s’aperçut qu’il avait capté mon attention :
   « Tu en as vuuu des humains. C’est vrrrai ce qu’on raconte sur toi, hein Ridleyyy ? Elevé par des humaiiins, chââsseur dans le territoire humaiiin, pââârtenaire avec une humaiiine… T’es un peu leur toutou, en fait.
   - … Commence pas.
   - Héhéhéhééé, on me la fait pas, Ridleyyy, j’ai bien vu côômment tu reluques la petite humaine, cette miss Wôông. Est-ce qu’elle a prrrévu de te faire un côôur d’âânatôôôômie pour dinosaûûres, ou bien.. ? Nââân, je te côônnais, tu vas côôntinuer à la suivre comme un clebââârd. Au fôôônd tu devrââis me remercier, en flinguant le petit flic je t’évite de leur tenîîr la chââândelle… »
   Ma mâchoire se serrait progressivement alors que Kill monologuait. Je pouvais très bien écraser sa petite gueule arrogante sur la table et lui apprendre à compter avec ses propres dents, mais il fallait que je reste placide ; il ne devait avoir aucune prise sur moi. Pourtant, j’avais de plus en plus de mal à cacher ma contrariété. De plus, une vive douleur me lançait et faisait palpiter ma paupière gauche depuis un petit moment. Et ce vieux sifflement qui ne s’arrêtait pas…
   Je me pris la tête dans les mains comme pour apaiser cette horrible migraine.
   « Alôôôrs, Ridleyyy, tu veux toujours joûûûer au mauvais flic maintenant ?
   - Ferme la deux secondes s’il te plaît…
   - Héhéhé je croyais que tu voulais que je pââârle ! »
   Son rire triomphant, ses tentatives de me provoquer, sa manière de noyer le poisson, tout en lui m’exaspérait. Je ne devais pas compromettre l’enquête. Cependant, j’avais de plus en plus de mal à garder mon calme, mes muscles se contractaient sous l’effet de la colère et de la frustration, et je me donnais toutes les peines du monde à ne pas hurler de rage. Une petite voix dans mon esprit me fit remarquer que je n’étais pas dans mon état normal : je n’avais jamais été autant sur le point de craquer qu’à cet instant. Kill continuait son délire mais j’avais cessé de l’écouter, pris d’un soudain vertige. Je me relevai et titubai un moment en direction du sas en m’appuyant sur le mur adjacent. Il fallait que je sorte, que je prenne l’air. Tant pis pour l’interrogatoire, j’y reviendrais plus tard. C’est à ce moment que j’entendis l’hideuse voix du slabanthien prononcer le nom d’Ada une fois de trop.
   Peu importe quel était le contexte de sa phrase. Il allait le payer.
   Je me retournai vers lui, fis quelques pas et, avec difficulté, articulai un semblant de menaces.
   « Héhéhéhé, HAHAHA ! A quôôôi tu joues, petit Ridley ? Tu as perrrdu ta fâââconde ? »
   La lumière m’aveuglait.
   « Je le sâââvais, tu n’es rrrrien, tu n’es mêêême pas dîîîgne d’être un chââsseur de primes ! »
   L’ignoble sifflement était devenu absolument intolérable, il emplissait la pièce et tentait de percer mon crane avec insistance, tel un skree fondant sur sa proie.
   « Ridley le chien, Ridley le déchet de la Fédération… »
   Je voulus le faire taire. Mais ma mâchoire était désormais douloureusement serrée. De l’écume commença à couler de ma bouche. De l’écume…
   Oh non, merde…
   Je trébuchai et tombai à genoux devant Kill. Cette fois, les muscles de mes membres tremblaient franchement, tandis que tous ceux de mon poitrail se contractaient, rendant ma respiration plus difficile ; mon cerveau brûlait de façon glaciale, presque cadavérique ; je sentais dans mon dos mes ailes se tordre sans que je puisse faire quoi que ce soit pour les replier. Je m’écroulai de toute ma masse par terre et sentis mon corps se convulser. Des milliards de minuscules aiguilles de lumière me transperçaient de toutes parts, traversant mes écailles comme du beurre et se logeant au creux de mes articulations, tandis que les mots de Kill tournoyaient autour de ma carcasse comme des charognards ; tout n’était que douleur, la douleur était désormais mon seul avenir. Je ne tenais plus, il fallait que cela cesse. Je tentai de porter mes griffes à mon cou pour m’égorger moi-même, pour en finir avec tout ça, sans succès. Le sifflement raclait mes méninges.
   « Héhéhéhéhé…. Héhé… hé… Hé, qu’est-ce qui te prend ? Tu fous quoi là ? Non, NON, N’APPROCHE PAS !! N’APP—EUUWAAAAAAAAAAAAHHHH »
   Tout d’un coup, toute la souffrance que mon corps avait enduré se concentra en un point précis au centre de mon buste et j’explosai en un hurlement déchirant, à en perdre les cordes vocales. Il fallait libérer cette énergie, déchaîner cette violence issue de mes entrailles. Toutes les couleurs se mélangèrent. Des rivières de sang se mirent à couler le long des murs, de la chair écorchée vive fut éparpillée aux quatre coins de l’univers.
   J’entendis un cri d’agonie.
   Je sentis mes forces m’abandonner.
   Le sifflement se tut.
   Et finalement, après une tension incommensurable, mes muscles se relâchèrent d’un coup.
   Le mal fit place à la quiétude, puis un voile noir passa devant mes yeux, et je sombrai enfin dans l’inconscience.

   Un coup de pied bien placé et la porte céda. Le métal rouillé poussa une plainte avant de se retrouver projeté à quelques mètres. Je pénétrai le premier dans le hangar. L’obscurité semblait presque palpable, on distinguait à peine les piliers qui soutenaient la structure ; rien ne semblait troubler le silence qui régnait, à part un léger grattement, sûrement quelques pixors qui cherchaient des déchets dont ils pourraient se repaître. J’enclenchai ma vision infrarouge et lançai un scan rapide de la zone. Notre mission était simple : trouver une cargaison du Consortium et la détruire.
   Ada me suivit de près. Je lui fis signe de se mettre à couvert ; elle acquiesça et dégaina son arme. Pendant qu’elle prenait position, je plaçai un dispositif de brouillage sur la colonne la plus proche. Une vibration silencieuse de mon scanner me confirma ce que je craignais : trois droïdes lourdement armés surveillaient le vaisseau cargo. J’en informai Ada, qui me fit un signe de la main droite. Je hochai la tête.
   Au loin, j’aperçus un premier robot. À vu de nez, son corps paraissait être aussi grand que le mien. Un cylindre imposant lui tenait apparemment lieu de base, sur laquelle trônait une tête trapézoïdale. Ses capteurs visuels clignotaient d’une lumière rouge, comme trois gros yeux vitreux. Quatre pattes relativement puissantes encadraient ce corps principal, cliquetant bruyamment lorsqu’il se déplaçait. J’aperçus deux mitrailleuses rotatives sur le cylindre central, mais le droïde devait en cacher d’autres. Quelque chose roula sur le sol. Les capteurs visuels du robot se dirigèrent en direction du bruit et mirent un moment à en discerner la source. La grenade à brouillage explosa entre ses pattes. Dans un rugissement métallique, le monstre de fer s’affaissa sur lui-même, privé de ses sens. Il allait se mettre en mode automatique, il me fallait profiter de l’occasion. Je sortis de ma couverture et me propulsai vers lui ; en une fraction de seconde, ses mitrailleuses rotatives firent feu en ma direction, mais trop tard. En arrivant devant lui, je me baissai pour éviter une salve, puis sautai au dessus du droïde, saisissant ses deux pattes avant au passage, pour finalement le renverser sur le côté. Je bloquai sa mitrailleuse lourde, pris un élan et enfonçai brutalement ma main dans sa carlingue, pour en retirer la puce qui lui servait de système nerveux. Elle finit écrasée au creux dans ma paume.
   Trois coups de feu résonnèrent dans le hangar. Ma vision infrarouge toujours en place, je cherchai des yeux, pour finalement trouver ma partenaire, son fusil plasma à pompe fumant, assise devant la carcasse d’un deuxième robot. Le tas de ferraille était toujours debout, mais ses capteurs avaient été démolis et Ada en avait profité pour tirer pile sur son point faible. Il était désormais inactif pour un bon moment. Je rejoins mon amie et, d’un coup de queue bien placé, transperçai le centre nerveux du drone.
   « Ce sont des B.O.W., dit-elle.
   - Ouais, j’ai vu ça. Depuis quand est-ce que le Consortium utilise des robots de la Fédération ?
   - Je crois qu’on a affaire à une unité de hackers. Je peux…
   - GAFFE ! »
   Un troisième droïde avait surgi. Je saisis Ada par le bras et l’entraînai avec moi derrière un pilier, juste à temps pour éviter une salve de tirs lourds. La carcasse du robot désactivé explosa. L’ennemi avança d’un pas lourd vers notre position : je jetai un œil dans ma sacoche et vis qu’il me restait une grenade à brouillage. Je baissai les yeux vers mon amie, toujours dans mes bras, et lui souri. Elle m’adressa un clin d’œil.
   « C’est quand tu veux, dragon. »

   J’ouvris les yeux. Une lumière douce. Le ronronnement d’une machine. Quelques voix lointaines. Un bip d’Holo-cardiogramme. Mon nez me grattait, mais je ne pus lever la main. Un coup d’œil à droite, un coup d’œil à gauche. J’étais ligoté sur un lit à ma taille. Un regard circulaire me fit comprendre où je me trouvais : au bloc médical du commissariat. C’était à priori une salle de 30m², agrémentée de divers appareils et séparée d’une salle d’observation par une paroi transparente, sûrement du plexiglas renforcé ; une fenêtre me laissait voir le ciel Logacien, dont la couleur me fit penser que nous devions être en fin d’après-midi. Ma tête ne me faisait plus mal, mais mes membres me paraissaient un peu engourdis. Je tentai de bouger ma queue, sans succès. Elle avait dû être anesthésiée.
   Un chuintement vers la gauche attira mon attention : la porte venait de s’ouvrir pour laisser passer trois personnes. Un type en blouse blanche, sûrement un médecin, accompagné de deux femmes, des policières à en juger par leurs uniformes, s’avança vers moi, un air grave crispant son visage. Il mit apparemment un moment à se rendre compte que je m’étais réveillé. Il vérifia deux ou trois graphiques, prit quelques notes et se tourna vers moi :
   « Monsieur Ridley, commença-t-il, je suis le docteur Jacques-Henri Yussef, je suis heureux de constater que vous vous êtes remis plutôt rapidement de votre… Hum, crise.
   - Kechfehh’chi, dis-je ?
   - Heu.. ? »
   Ma mâchoire était complètement amorphe. Je fis un effort pour articuler :
   « Qu’est-che que che fais ichi ?
   - Hé bien, vous avez perdu connaissance hier vers midi durant une… [il jeta un œil sur son papier]… ‘Altercation’ avec un suspect. 
   - Hier ? Merdje… Doctcheur, y ch’est paché quoi exjactchement ?
   - Ahem. Selon le rapport, vous avez subitement perdu le contrôle de vos mouvements et vous vous êtes écroulé après avoir… [un temps] agressé votre détracteur. Votre système respiratoire a apparemment cessé de fonctionné durant quelques minutes, mais nous avons réussi à le remettre en route avant que cela n’ait engagé votre pronostic vital. Nous vous avons aussi placé sous tranquillisants lasers pendant quelques heures et nous vous avons attaché pour éviter toute complication. Vous avez essayé de vous automutiler avec votre appendice caudal, alors nous avons jugé bon de la paralyser également.
   - …
   - Vous êtes le premier patient RSGF que notre service reçoit, vous savez.
   - Alors ch’ai gagné un carnet de tickets rechtaurants ? »
   Yussef eut un rire bref.
   « Hum, en fait, ce que je voulais dire, c’est que nous n’avons pas toutes les données relatives à votre constitution. Pour faire simple, il faudra que nous contactions le département Bio-Historique de la Fédération si nous voulons trouver un traitement adéquat.
   - Vous pench’ez que ch’ai attrapé un viruch’ ?
   - A ce stade… Il est difficile de déterminer avec précision ce que vous avez. Mais il semble que ce n’est pas la première fois que cela arrive, je me trompe ?
   - En fait, je… Je, ji, jo, ju, jjjjjj, ssss, zzzz, ok, cool. Heu oui donc, en fait c’est ma deuxième crise. Mais celle d’avant n’était pas aussi forte et j’ai perdu connaissance pendant une ou deux minutes seulement. Au fait, docteur, qu’en est-il de Kill ?
   - Kill, demanda Yussef avec un mouvement nerveux ?
   - Le type qui… Qui était avec moi quand j’ai…
   - Heum. Je vais vous laisser avec ces dames de la police, fit-il l’air gêné, elles vous expliqueront mieux que moi. Je repasserai plus tard dans la soirée, jusque là détendez vous. »
   Il se saisit d’une fiole, sûrement un de mes échantillon sanguin, et sortit précipitamment. Ses deux accompagnatrices restèrent un moment devant moi, puis la plus grande des deux s’avança et, le visage imperturbable, m’annonça : 
   « Vous êtes bien conscient de ce que vous avez fait, n’est-ce pas ? »
   Je poussai un soupir. C’était parti pour les sermons interminables.
   « Ouais. J’aurais pas dû me mêler de cet interrogatoire, j’ai menti sur mon autorisation. Mais c’était essentiel pour mon contrat, je suis chasseur de primes et j’ai été engagé par le gouver…
   - Ce n’est pas ça dont il est question, me coupa-t-elle. Je constate que vous n’avez aucun souvenir de ce qu’il s’est passé hier. »
   Elle tourna la tête vers sa collègue, qui acquiesça silencieusement et alla mettre en route un projecteur. Alors que mon lit pivotait lentement pour se mettre à la verticale, l’hologramme se matérialisa devant moi ; je reconnus la scène : il s’agissait de l’enregistrement vidéo de l’interrogatoire, avant que je ne sois entré dans la pièce. La grande policière fit avancer la séquence rapidement jusqu’à ce que j’apparaisse sur l’holo, puis elle augmenta le son.
   « T’as déconné, Kill.
   - Ohohohowk pitié, tu ne vaaas pas te mettre à me faire la morââââle. Toi aauussi t’es un châââsseur, tu sais que ce qui compte dans notre boulot, c’est la somme qu’on gâââgne !
   - Ouaip. Mais je ne parlais pas de ça. Tu t’es débrouillé comme un bleu, c’est ce qui me chagrine. Un Hellfinger ça ne s’utilise pas au dessous d’un kilomètre, tu devrais le savoir. Et puis t’approcher comme ça de ta cible c’est un bon moyen pour te faire repérer. »
   Je tournai la tête :
   « C’est moi, oui. Et alors ? »
   En réponse, la fliquette accéléra encore l’enregistrement jusqu’à un certain point, où elle le mit en pause : c’était le moment où j’avais voulu sortir de la salle de confinement.
   « C’est là que vous avez commencé à présenter les symptômes de votre malaise ?
   - Ouais, mais j’avais envie de gerber depuis pas mal de temps déjà. 
   - À 13h02, nota la deuxième officière sur son Holopad. C’est étrange.
   - Qu’est-ce qui est étrange ?
   - Rien. Reprenons. »
   La séquence se remit à tourner :
   « Alôôôrs, Ridleyyy, tu veux toujours joûûûer au mauvais flic maintenant ?
   - Ferme la deux secondes s’il te plaît…
   - Héhéhé je croyais que tu voulais que je pââârle ! 
   - Ghheh…
   - Eh, où tu vaaaas ? Reviens, on avaaait pas terminééé, j’ai encôôôre pleins de chôôôses à t’aaavouer, Salazâââr est au sêêrviice des Chôôôzôôôs, ils veûûlent sââcrifier la gamine à leûûûr dieu du côôôit buccâââl pââârce qu’ils aimeraient avoôôir une boûûûche, hahaha ! Hey, regââârde môôi quand je te pââârle, Ada Wôôông me dôôônnait plus d’âââtention la fôôôis où je me la suis tââpééééeee !
   - Fils de…. Fils… Je vais … te… Argh… 
   - Héhéhéhé, HAHAHA ! A quôôôi tu joues, petit Ridley ? Tu as perrrdu ta fâââconde ? Je le sâââvais, tu n’es rrrrien, tu n’es mêêême pas dîîîgne d’être un chââsseur de primes ! Ridley le chien, Ridley le déchet de la Fédération… 
   - Ahhhh…. Ahhhrrrgg….
   - Héhéhéhéhé…. Héhé… hé… Hé, qu’est-ce qui te prend ? »
   Le Ridley de l’enregistrement s’était relevé. Etrange, je ne me souvenais pas en avoir eu la force… Il se cramponnait aux murs en gémissant, de l’écume coulant abondamment de son bec. Sa (enfin ma) queue commençait à s’agiter dans tous les sens, elle percutait les murs, puis les chaises, et se planta dans le sol. Les cris de l’autre Ridley devenaient de plus en plus déments. Tout d’un coup, il posa ses deux mains sur la table et je le vis, médusé, donner des coups de tête dessus. Un coup, deux coups, trois coups, quatre, cinq… Lorsqu’il s’arrêta enfin, il arracha brutalement la table, pourtant soudée au sol, et reprit ses coups de tête, comme pour calmer la douleur qui, je le savais, traversaient encore son crane.
   « Tu fous quoi là ? »
   Le Kill de la vidéo s’agitait, essayait de se libérer de ses liens sans succès, lorsque le Moi enragé sembla reporter son attention sur lui. Je/Il fis/fit quelques pas maladroit dans sa direction, toujours en hurlant, alors qu’une expression de terreur s’étalait sur le visage du Slabanthien.
   « Non, NON, N’APPROCHE PAS !! N’APP—EUUWAAAAAAAAAAAAHHHH !!!»
   Le Moi de la vidéo avait saisi la chaise du mercenaire et l’avait séparée du sol dans un grand fracas. À présent, il tenait Kill à bout de bras.
   « K-----KKIIIIEEUAAAAALLLLL !!! 
   - R--- Ridley ! Arrêêête, pitié ! Je—je te diraaai tout ce que tu veeeux, stop !
   - AAARRRRRRRGHHHHHHHHH !!! »
   Je me vis balancer Kill comme un jouer sur un mur. La chaise se brisa et le chasseur de primes tomba par terre ; il tenta de se relever, mais je l’avais pris de vitesse. En moins de temps qu’il n’en avait fallut pour le dire, le Ridley de l’enregistrement empoigna Kill et, écumant toujours, le percuta contre la paroi de la salle. Encore et encore, avec toujours plus de force.
   « Ahhh !! AAARRGHH !!!
   - RIDLEY PITIE [BAM] !! ARRÊ [BAM] ARRÊTE ! [BAM]
   - KIIEEUUAAALLLL !!!! »
   Le Moi d’avant l’avait lâché. Un filet de sang coulait de la bouche du Slabanthien, qui tremblait comme une feuille morte :
   « Je… JE VAIS PÂÂÂRLER ! PRÔÔÔMIS !
   - heuuhhhhhh… HEUUAHHHH….
   - Celui qui m’a dôôônné ma missiôôn, c’était…
   - AAAHRGGGGGGGHH !!!! »
   Le Prédactyle de la vidéo s’était à nouveau saisi de Kill, qu’il maintenait à présent sur le sol.
   « AAARGH ! PITIE, NON ! JE VAÂÂÂIS TOUT TE DIIRE ! C’EST SAD---SADDLER ! OSMUND SADDLER M’A…
   - BEUUAAAGHHH !! »
   Je me regardais pilonner le mercenaire à coups de poings, de plus en plus fort, de plus en plus vite, avec une rage bestiale. Du sang éclaboussait les murs et le sol, alors que mes hurlements se mêlaient à ceux de ma victime. C’est alors que je me rendis compte avec horreur que le Moi de l’enregistrement ne donnait plus de coups de poings, mais qu’il était en train de déchiqueter Kill à coups de griffes. Il arrachait la fragile peau du Slabanthien dans des gerbes d’hémoglobine, et se déchaînait sur sa carcasse agonisante. Puis il recommença à le pilonner sur le sol, sur les murs, le traînant avec fureur et répandant ses viscères autour d’eux. Finalement, un nuage de gaz s’éleva et engloutit le Ridley de la vidéo et le cadavre de Kill. Mes cris se dissipèrent rapidement et l’enregistrement s’arrêta là.
   Un silence de mort régnait dans la chambre.

   J’hésitais déjà depuis un bon moment. Est-ce que je devais me lancer, ou attendre le lendemain ? Un petit ange sur mon épaule me répétait « tant pis, ça fait rien, retourne te coucher », mais son homologue démoniaque renchérissait tout aussi fort « mais tu vas te décider à le faire, oui ? C’est jamais rien de plus qu’une gonzesse ! ». J’étais en bas du bloc résidentiel d’Ada Wong, en une fraîche nuit de Mars, et je flippais comme un adolescent qui va à son premier rencard. Le ciel étoilé de DyoPolis était plutôt dégagé mais une légère pluie persistait sur la ville. J’avais replié mes ailes au dessus de ma tête pour éviter que mes quelques affaires soient mouillées.
   Je déglutis difficilement et sonnai à la porte d’entrée. Voilà, c’était fait.
   Le sas s’ouvrit, me laissant apparaître une Ada Wong en tenue de sport, de la sueur sur le front, les pieds nus et les cheveux en bataille. Nous nous regardâmes un moment sans dire un mot. C’est elle qui brisa le blanc sonore :
   « Heu oui, mais encore ? »
   Je pouvais encore faire marche arrière… La prévenir que j’annulais une mission ? Non, ce serait bête pour la prime. Lui demander de me prêter un peigne ? Ca aurait été cool si j’avais eu des cheveux. Lui dire que… Oh et puis merde. Je sortis le bouquet de derrière mon dos et le lui tendis brusquement. Je détournai les yeux et lançai :
   « Je voulais savoir si tu étais libre ce soir pour aller au resto.
   - T’es conscient que t’aurais dû me demander ça, genre, au plus tard cet aprem’ ? 
   - Heu… »
   Echec et mat. Elle me sourit et prit les fleurs.
   « Je déconne. Entre, je me prépare en vitesse et j’arrive.
   - Je ne te dérange pas, demandai-je en la suivant par la porte ?
   - Si, j’étais en pleine séance de gym’. Mais après que tu m’aies sauvé les miches sur Bryyo je te dois bien ça, non, fit-elle dans un rire léger ? »
   Bon. Je restai debout tandis que mon amie disparaissait derrière le mur de sa salle de bain. Je jetai un œil autour de moi : l’appartement de ma coéquipière semblait plutôt grand mais les couloirs étaient un peu étroits. Quelques photos à l’ancienne, en deux dimensions, agrémentaient les murs blancs et bleus. De l’entrée, j’aperçus l’équipement de sport d’Ada, une serviette par terre et un bouquin encore une fois à l’ancienne. Je ne lui connaissais pas cet engouement pour les antiquités… L’écho de sa voix me parvint de la douche :
   « Merci pour le bouquet au fait.
   - De rien, je savais que tu aimais bien les Fr’ayah donc j’ai essayé d’en trouver. »
   Les fleurs. Waw, super sujet de conversation. Trouve quelque chose, allez… Un bip me tira de mes pensées, alors qu’Ada ressortit de la salle de bain. Je regardai le mur comme s’il s’agissait d’une chose passionnante pendant qu’elle allait se vêtir.
   « Finito ! »
   Je me retournai vers elle. La jeune femme arborait une magnifique robe noire qui épousait parfaitement ses formes, un collier descendant sur sa poitrine et une plume d’oiseau de J’layah dans les cheveux. Un rouge à lèvres noir et une légère touche de maquillage complétaient le teint de son visage. Un parfum des plus agréables envahit mes narines. Je me rendis compte que ma mâchoire pendait de dix bons centimètre et m’empressai de la refermer. Elle saisit sa sacoche, et me prit par le bras en souriant. Un frisson me parcourut alors que je sentais la douceur de son épiderme contre moi, suivit d’une chaleur plutôt réconfortante.
   « Ridley ?
   - Heu oui ?
   - Qu’est-ce qu’il t’arrive ? »
   Je suivis son regard et me rendis compte que toutes les écailles de mon corps avaient viré au rouge d’un seul coup. On m’avait déjà parlé de cette particularité mais c’était la première fois que ça m’arrivait. Je me concentrai et fis disparaître cette très gênante couleur de mes écailles.
   « Alors, où est-ce qu’on va, Monsieur le cavalier ? 
   - Je connais un resto dans le 4e arrondissement. Je suis certain que tu vas aimer. »
   En revanche, est-ce qu’elle apprécierait ce que j’aurais à lui dire ? J’en étais moins sûr…

   J’étais seul dans la chambre, toujours attaché à la verticale. La lumière du jour s’était affaiblie jusqu’à disparaitre totalement, et les seuls éclairages de la pièce provenaient des deux lunes de Logacia et des appareils médicaux.
   Je me sentais sale, comme si le sang de Kill avait coagulé sur mes mains de façon irrémédiable. Etait-il possible que je devinsse si violent lors de mes pertes de contrôle ? Et si j’avais pu éliminer Kill si promptement sans en être conscient, en aurait-il été de même pour un proche ? Pour elle… ? Ma mâchoire se serra alors que je levai les yeux vers la fenêtre. Est-ce que le commissariat allait me retenir prisonnier pendant que Salazar se ferait la malle ? Et même s’ils me libéraient, est-ce que je devrais rester en dehors de la mission et laisser Ada continuer seule pour la protéger de moi-même ?
   Un bruit de porte m’avertit que quelqu’un approchait. Mon regard se dirigea en direction de l’invité surprise, mais l’obscurité m’empêcha de distinguer qui cela pouvait être. Peu à peu, le bruit de ses pas se fit plus audible, accompagné d’un cliquetis caractéristique, alors que sa silhouette se précisait ; lorsqu’il se trouva à trois mètres de moi, la lumière se fit enfin sur lui. Un poitrail très développé, des hanches inexistantes, deux jambes et deux bras trop frêles pour être humains. Pas de tête, mais un point rouge lumineux sur sa poitrine, de toute évidence un capteur visuel. C’était un droïde. Il resta immobile devant moi pendant 30 secondes avant d’émettre un léger bruit de ventilation. C’est alors qu’en lieu et place de son cou, trois petites tiges en métal émergèrent, et se mirent à créer un hologramme, d’abord imprécis, puis plus net, que j’identifiai comme l’image d’un visage. Un visage humain. Je compris que ce robot servait d’intermédiaire, la personne dont la figure s’affichait allait certainement tenter de communiquer avec moi, voire contrôler les mouvements du drone.
   Je le regardai avec plus d’insistance. Il devait avoir entre trente et quarante ans, mais son visage exprimait une lassitude qui ne seyait pas à son âge. Ses yeux noirs et très cernés me dévisageaient avec une expression indéfinissable. Il avait une coupe au bol et quelques mèches claires recouvraient son front. Menton ferme. Lèvres très légèrement pincées. Nez très droit. Pommettes basses. L’individu, avec un physique aussi neutre, aurait pu passer inaperçu dans toute circonstance. Sauf que je savais qui il était. Et je peux vous assurer que je m’étais attendu à tout sauf à le rencontrer à ce moment dans ce lieu précis.
   L’homme qui me faisait « face », si je puis m’exprimer ainsi, s’appelait William Birkin. C’était le Président Humain de la Fédération Galactique.

   Et c’est là que les choses ont commencé à se clarifier.

Keliaran

RIDLEY :
LES CHRONIQUES D'UNE OMBRE
Fin du chapitre 10

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Un remake de Metroid Prime, enfin ! Vous en pensez quoi ?

Je prends direct ! Toute mon enfance en HD !

Je n'étais pas né à l'époque, quelle aubaine de pouvoir enfin le faire !

Très peu pour moi, j'attendais la trilogie d'un coup...

Bof, je l'ai déjà trop fait, je passe...

J'ai tout claqué dans les remakes HD de Crash Bandicoot :(


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