Chroniques d'un Pirate de l'espace
Partie 1 : La mission Prométhée

Chapitre VIII : Pluvia Ignis

   Une importante flotte de véhicule attendait à l’extérieur du Haut Commandement où les cadavres nombreux de nos ennemis et alliés de la veille gisaient encore sur le sol enneigé. La carcasse du dragon se dressait comme une petite montagne au beau milieu de cette plaine ravagée et j’observais ce paysage désolé avec amertume.
   Peregrim finissait de faire sortir ses légionnaires lorsque nous pûmes commencer à embarquer, Ezharion et le Général Kadar nous rejoignîmes avec les gardes prétoriens, suivit de près par l’Inquisiteur Nakeesh dont le visage sombre m’avait interpellé.
   La ville du Haut Commandement était désormais presque déserte, ne restait que les insurgés prisonniers qui attendaient sûrement impatiemment qu’on vienne les libérer pour attaquer de l’intérieur en vain. J’éprouvais malgré tout une certaine satisfaction car, depuis bien longtemps, j’avais l’impression que nous avions un coup d’avance sur l’ennemi, quand bien même nous devions le payer au prix fort.
   Le Général se présenta à moi, vêtu de son armure de combat, une relique millénaire de couleur vert sombre avec des reflets gris et qui, malgré les combats, était demeurée presque intacte du fait du métal utilisé pour sa conception, le carbonium. Je n’avais vu le Général avec cette armure qu’une dizaine de fois tout au plus et cette vision m’enchantait toujours autant.
   - Tout est prêt Capitana Majore, nous partons pour le Sud, les insurgés sont encore peu nombreux là-bas et nos alliés nous attendent sur Darian. Tout ira bien, dit-il avec un sourire qui se voulait rassurant.
   Nous embarquâmes rapidement tandis que des bruits d’explosifs retentirent sous nos pieds.
   - Ils sortent ! Cria Mamen.
   Nous redoublâmes nos efforts, j’entrai parmi les derniers dans le véhicule blindé, en compagnie du Général Kadar et d’Ezharion, lui aussi en armure de combat tandis que Nakeesh avait prit place dans la cabine des pilotes.
   - Plus malins que prévus, ces renégats, sourit Ezharion. Pas suffisamment ceci dit.
   Je souriais avec lui malgré ma nervosité. Le moteur de notre véhicule se mit à vrombir, l’accélération se fit brutale puis se stabilisa pour atteindre notre vitesse de croisière. Les hautes murailles de la cité s’éloignaient et rétrécissaient, j’observais cela en plaquant mon front sur la vitre blindée du Tornado, comme un enfant. Ezharion révisait son arme de poing, un antique pisto-plasma automatique dont le chargeur avait été modifié et modernisé, l’aspect général de l’arme rappelait nos anciens modèles standards au sein de la Légion Myrmidon. Ezharion avait le sens de la nostalgie et je savais qu’il possédait tout l’arsenal Myrmidon et qu’il regrettait de ne pas posséder Némésis.

   Nous passâmes de longues minutes à parler de cette relique millénaire où Ezharion m’expliquait combien cette arme était redoutable et symbolique. Némésis tirait son nom, au-delà de son efficacité légendaire, de son premier possesseur, Nemh E’sis, cinquième Capitana Majore qui avait eu l’idée novatrice d’utiliser des lances au lieu des glaives courts, alors fait d’un métal simple et peu résistant. Il donna son nom à son arme, la Némésis dont la conception avait été plus travaillée que les lances qui deviendraient un standard dans la Légion. L’arme se transmit de Capitana Majore en Capitana Majore, et suivait le cours de l’évolution technologique, ainsi, le bois utilisait à l’époque de sa fabrication n’avait pas été remplacé mais renforcé puis recouvert d’une fine couche de carbonium. Némésis était réputée incassable, jamais en plusieurs milliers d’années elle n’avait été brisée, mais Ezharion affirmait que c’était possible malgré les renforts divers.
   - Une chose est sûre, Capitana Majore, la mauvaise foi d’Ezharion est aussi solide et légendaire que cette arme, souriait Kadar.
   Ezharion répliqua avec une tape amicale sur l’épaule de son frère, l’ambiance était plus relâchée, plus conviviale, malgré la situation à laquelle nous faisions face. Les pilotes s’agitèrent soudain et l’un d’eux sortit de la cabine et vint directement voir le Général. Nakeesh était prêt à lancer l’Exterminato Sectorius et attendait l’aval de ses supérieurs.
   - Sommes-nous assez éloignés pour amorcer le processus ? Demandait Kadar.
   - Oui mon Général.
   - Dites à l’Inquisiteur Nakeesh qu’il a mon feu vert. Ezharion ?
   Le Chef Suprême des Myrmidons inclina la tête et le pilote repartait aussitôt dans la cabine. Quelques minutes silencieuses suivirent, jusqu’à ce que les épais nuages au-dessus du Haut Commandement ne soient transpercés par des ogives nucléo-plasmiques.
   - Accrochez-vous ! Cria Nakeesh.

   Je n’avais jamais vu la « Pluvia Ignis » de mes propres yeux, mais la force avec laquelle les ogives frappèrent les bâtiments m’effraya, le souffle irrésistible du plasma en surchauffe pulvérisait littéralement les infrastructures. La ville était progressivement enveloppée dans une masse de flammes bleutées et d’immenses fumées noirâtres tandis qu’une pluie de cendre s’abattait jusque sur nos véhicules, pourtant à plusieurs dizaines de kilomètres. Le mur de feu s’élevait à des centaines de mètres au-dessus du sol, tel un volcan en éruption, tandis que d’autres bombes éclatèrent en plein vol, déversant un liquide toxique dont la conception était farouchement gardée par l’Inquisiteur et les techniciens des ogives E.S.
   En quelques minutes, les flammes s’apaisèrent et laissaient place à un nuage de cendres et de poussières en fusion, s’épaississant à mesure que le plasma « s’évaporait ». Nous étions déjà loin de ce qui restait du Haut Commandement mais la ville n’apparaissait plus depuis notre position, ce n’était plus qu’un vaste amas de matière en fusion, carbonisé et réduit à néant. Notre arme la plus redoutable venait de faire son œuvre de destruction, un chaos inimaginable qui me laissait en émoi. En moins de treize minutes, des centaines d’années venaient d’être effacées. Ces treize minutes laissèrent une trace indélébile dans ma mémoire…
   Les heures s’écoulèrent dans un silence absolu, même les deux frères étaient demeurés muets. Certains légionnaires s’étaient même endormis alors que nous étions sur le point d’arriver sur la ville Darian, une cité minuscule comparée au Haut Commandement, mais dont le Général Kadar estimait possible le fait que nous y trouvions encore des Pirates fidèles à son autorité. Par ailleurs, Darian se situait non loin du Grand Océan qui entourait l’ensemble du continent et dont Kadar pensait pouvoir profiter si nous étions attaqués.
   Et ses craintes étaient fondées, mais nous ne fûmes pas attaqués devant Darian, mais dans sa bordure extérieure.
   - Myrmidons, c’est l’heure !
   L’assaut comptait une centaine d’insurgés lourdement équipés et appuyés par des véhicules terrestres, des Faucheurs, équipés de faux redoutables capables de mettre en pièce des Légions entières.
   - Pas de nouvelles du convoi de civils, s’alarma Ezharion.
   - Occupons-nous de ceux-là, nous aviserons ensuite, rétorqua le Général.
   Nous nous déployâmes rapidement, les Myrmidons de O’ri et de V’hon se joignirent aux miens tandis que les autres Majeurs se lançaient sur le front, accompagnés de neuf autres Légions.
   - Myrmidons, en formation ! Hurlai-je.
   La colonne des légionnaires se forma comme à son habitude avec une exécution parfaitement maitrisée. Nous activâmes chacun nos boucliers tandis que les cellules de plasma finissaient de se charger. Les insurgés, malgré leur attaque surprise, furent pris de cours devant la masse importante de notre armée, les Faucheurs s’avancèrent les premiers, faisant fonctionner à plein régime leurs lames aiguisées et mortelles.
   La première ligne Pirates due s’écarter en vitesse de la zone de contact des Faucheurs, nous laissant passer et mitrailler les monstres mécaniques. Un premier se retrouva à terre tandis que son pilote tenta de fuir, rapidement reprit par les soldats de la Légion XV.
   - Second Faucheur à gauche !
   Avec davantage d’aplomb que le premier, le pilote du Faucheur fonça sur nous et manqua à trois reprises de tuer un de ses alliés. Emporté par sa frénésie, le Faucheur fut entravé par une mine portative déposée là par un des artificiers Pirates, les légionnaires de Mamen O’ri fondirent sur la machine, le Tercero exécuta son pilote et plaça un explosif dans un des moteurs.
   - A terre !
   Une des lames fut projetée par le souffle de l’explosion et décapita un renégat. Dans un effort continu, nous gagnâmes progressivement du terrain, repoussant les escouades ennemies vers les forêts de Darian où nous ne prîmes pas le risque de les suivre.
   - Embarquement !
   Les troupes de la Patrie se précipitaient vers leurs véhicules respectifs, les Myrmidons se chargeaient de faire bloc en cas d’une nouvelle attaque de l’ennemi. L’épaisse brume de la forêt masquait notre champs de vision, lorsqu’une ombre titanesque semblait s’en échapper.
   - DRAGON ! Hurla Ersut S’han.
   Les immenses ailes du monstre abattaient sans peine les arbres à moitié morts de Darian, il semblait plus massif encore que celui que nous avions tué, ses écailles d’un noir obsidienne luisaient sous la lumière froide du Soleil d’hiver. Le dragon prenait de la hauteur et se mettait à tournoyer autour de nous, tel un oiseau de proie qui attend le moment propice pour frapper. Ses cris stridents étaient assourdissants et terrifiants tout à la fois.
   - Dégainez vos lances !
   Les légionnaires Myrmidons se rassemblèrent pour former un cercle compact, leurs lances pointées vers le haut, et bouclier au-dessus de la tête, laissant nos flancs à découverts, un risque calculé.
   Le monstre fonça vers nous et, au dernier moment, frappa avec sa queue, poignardant un des légionnaires et l’emportant avec lui avant de le jeter comme un vulgaire mannequin dans la neige.
   - Prêt à tirer ! FEU !
   Dans un mouvement commun, les Myrmidons rengainèrent leurs lances et déchainèrent le feu plasmique sur la bête, pris dans la vague infernale dont les ailes commençaient à se déchirer. Son aisance dans les airs fut mis à mal et le Dragon noir se posa, pattes en avant, cherchant à écraser plusieurs d’entre nous. Au lieu de ça, il fut entaillé par plusieurs lames cinétiques. J’activais la cellule énergétique de Némésis et plongea la lame brillante dans le torse écailleux du monstre. Il me repoussa d’un puissant coup de patte, ses doigts griffus avaient creusé de profond sillons dans l’armure.
   Je me relevais sur-le-champ et assena un second coup, cette fois-ci en diagonale, lacérant le Dragon cloué au sol.
   Il prit du recul avec son immense gueule et déversa l’enfer sur nous. Ersut S’han fut pris dans le souffle ardent pendant une fraction de seconde, son exosquelette n’y résista pas et fut partiellement fondu.
   Le monstre s’obstinait à cracher ses flammes sur les Myrmidons, je le prenais à revers, profitant de son attention sur les légionnaires apeurés pour lui porter le coup de grâce, à l’instar du soldat devant les portes de la ville, je plantais Némésis dans la nuque fragile du Dragon, traversant sa gorge ce qui stoppa net son souffle. La bête s’effondra de tout son long dans un bruit étouffé par la couche de neige.
   Nous avions une nouvelle fois triomphé.
   - Capitana Majore, S’han est grièvement blessé ! Brûlures diverses au dernier degré ! M’avertissait un de mes légionnaires.
   - Pas de temps à perdre, embarquez !
   Les apothicaires de la Légion XV sortirent de leur véhicule et relevaient S’han sur une civière tandis que nous rejoignions nos transports respectifs.
   - J’espère qu’il va s’en sortir… Espérait Mamen que j’entendais avec les systèmes de radio.
   - Darian, le plus rapidement possible, intimai-je aux pilotes avec le module de communication.
   Le convoi reprit sa route, désorganisé et dispersé par les évènements, slalomant entre les carcasses, accélérant pour les derniers kilomètres qu’ils nous restaient à parcourir.

   Nous devions tenir, Darian n’était plus très loin.

DHX

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Fin du chapitre 8

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