Chroniques d'un Pirate de l'espace
Partie 1 : La mission Prométhée

Chapitre X : La Fuite

   Nous n’avions pas trouvé un instant suffisamment paisible pour nous reposer, hanté par la disparition de S’han et des autres Myrmidons dans l’agression du monstre. Le Général Kadar et Ezharion étaient tout deux restés dans la Tour de Darian en compagnie du Gouverneur tandis que l’Inquisiteur, mal à l’aise du fait du comportement hostile de Torghal la veille, avait préféré se réfugier avec nous dans la caserne militaire de la Grande Place, où nous étions entassés avec les soldats locaux, et ceux du Haut Commandement. L’inconfort m’avait rebuté et j’avais préféré rester à l’entrée, bifurquant de temps à autre entre la caserne et les rues de la ville, sombres et étroites. En certains endroits, la ville n’avait pas été modernisé et gardait farouchement son caractère antique avec ses longues avenues pavées. Darian possédait également l’unique Forum de l’Ancien Temps encore debout, et bien entretenu par le Gouverneur qui s’était toujours dit être attaché à notre passé.
   J’avais profité de la relative tranquillité des lieux et du temps clair pour faire un peu de tourisme jusqu’au petit matin, où je fus rappelé par un missionnaire de l’Inquisiteur, me demandant de me rendre à la Tour, où je trouvais une nouvelle fois le quatuor des chefs.
   - Capitana Majore, me salua Torghal, vous avez bien dormi ?
   - Je n’ai pas dormi, Gouverneur.
   - Vous auriez du, Capitana Majore, intervint Ezharion. La journée sera longue et éprouvante pour vous.
   Il m’invita à m’assoir avec eux autour de la table, le Général semblait aussi marqué que moi par la fatigue, j’en avais déduis qu’aucun d’eux n’avaient pu trouver le sommeil non plus.
   - L’Inquisiteur Nakeesh a perdu la trace de son espion, Zekk. Mais les dernières informations envoyées font état d’une armée importante qui se dirige ici. Et par « importante », je veux dire plusieurs centaines de milliers de soldats d’infanterie.
   - Peut-être même des millions, coupa Nakeesh.
   - Oui, approuva Ezharion. Nos forces sont trop maigres, l’Insurrection prend une telle ampleur que nous ne serons bientôt plus en mesure de lutter, continua-t-il. En détruisant le Haut Commandement, nous avons en quelque sorte faciliter la tâche des prophètes, et je crains que les soldats présents ici sont les derniers dont nous disposons.
   - Dois-je comprendre que…
   - Non Capitana Majore, me coupa le Général. Nous n’allons pas nous rendre. Nous ne nous rendrons jamais, mais ne pouvons pas lutter pour le moment, c’est une évidence. Mais il y a un moyen de nous sortir de ce mauvais pas. Vous et vos légionnaires, partez pour le Myrmidonum Continentae.
   - La Terre Sacrée ?! M’écriai-je. Personne n’a le droit de poser pied sur ces terres, et ce, depuis que nos ancêtres en sont partis. Même pas vous, Général.
   - Nous sommes en guerre, Capitana Majore, reprit Ezharion. Les insurgés ne savent pas comment y accéder, cette île et notre salue, vous seuls partirez.
   - Et que ferons-nous une fois là-bas ?
   - L’Inquisiteur Nakeesh lancera un Exterminato Planetaria, si nous sommes venus à Darian, c‘est parce qu‘elle est en bordure extérieure du continent, nous serons peut-être moins touchés. Mais je veux que vous vous mettiez en sécurité loin de tout cela.
   - Nous ne sommes pas des civils, Ezharion, rétorquai-je, agacé.
   - Vous êtes l’espoir, intervint le Général avec une voix plus rocailleuse que d’habitude. Et l’espoir doit être préservé.
   J’acquiesçai, peut-être malgré moi, mais je sentais que ni Ezharion ni Kadar ne changeraient d’avis. L’Élite guerrière des Pirates allait donc être mis en fuite par l’Insurrection, sans davantage d’explication, et je quittais la Tour de Darian en fulminant. Revenais alors dans mon esprit l’idée qu’il y ait des traîtres parmi les Myrmidons me laissais perplexe quant à la pérennité du secret de l’existence de l’île.
   - Il y a un portail qui conduit directement au cœur de l’île, Capitana Majore. Il est au Sud-est de Darian, près des côtes, expliqua Ezharion.
   - Vous étiez au courant de l’existence de ce portail ?
   - Oui, répondit-il sèchement. Empruntez-le avec vos légionnaires, veillez à ne pas être suivi, nous nous chargerons des insurgés si toutefois ils parviennent à nouveau jusqu’à nous.

   Je partais quelques minutes plus tard, retrouvant l’ensemble des Myrmidons sur la Grande Place, leur expliquant brièvement mon entretien avec Ezharion, Peregrim s’était occupé de leur annoncer la mort d’Ersut S’han, et que, désormais, le commandement de ses légionnaires m’appartenait pleinement. Cette nouvelle n’avait semble-t-il pas ravi tout le monde, et surtout Mamen O’ri qui entretenait des liens étroits avec le Premero.
   Nous partions dans la journée, sans attendre, vers le portail dont la position avait été indiquée par Ezharion sur ma tablette, le chemin s’était trouvé sans embuche, et nous vîmes rapidement les côtes du Grand Océan.
   A ma connaissance, personne n’avait eu vent de l’existence de ce portail avant nous, le Continentae Myrmidonum est demeuré une terre défendue depuis le départ de nos ancêtres… Il était situé entre deux immenses falaises qui semblaient avoir été fendue par une épée. Le portail était une forme d’arche d’énergie pure maintenue par deux monolithes.
   - Vous êtes sûr de ce que vous faites, Capitana Majore ? Me demanda Peregrim, visiblement inquiet.
   - Non. Mais nous n’avons plus le choix.

   Je fus le premier à pénétrer dans la source d’énergie, j’étais comme transporté par un courant agréable, libéré de la pesanteur et des lois courantes de la physique, une sensation inédite et presque enivrante, mais je fus rapidement tiré de ce confort étrange pour me retrouver au pied du Mont Olympe, le volcan principal de l’île, que je reconnaissais immédiatement après l’avoir vu, pour l’avoir longtemps examiné sur les fresques du Hall du Centre de Commandement des Myrmidons.
   Mes légionnaires arrivaient successivement, dizaine après dizaine, Peregrim V’hon arrivèrent, suivis par les autres majeurs. Tous semblaient aussi subjugués que moi par le paysage étonnant que nous découvrions. Le Mont Olympe crachait toujours son feu ardent, le bruit sourd et puissant des éruptions nous faisait trembler. L’épais nuage qui recouvrait son sommet, constitué de vapeurs, de poussières et de cendres fusion, surplombait les lieux. Il faisait étonnamment chaud pour la saison, un soleil brillant nous éclairé.
   - Incroyable, pas vrai ? Souriait Mamen.
   - Maintenant que nous sommes tous ici, commença Peregrim, il faut que nous parlions, tous.
   - Oui, parlons, reprit une voix qui m’était étrange familière…

   Nous nous retournâmes vers le protagoniste inconnu, vêtu d’une toge noire ornée du symbole de la Légion. Sa carrure était imposante, bien qu’il ne porta pas d’armure, il semblait pourtant plus massif que Mamen O’ri, et presque autant que le Gouverneur Torghal. Sa capuche masquait son visage, mais sa voix si reconnaissable l’avait trahie. Une voix puissante, une voix de meneur, de guerrier. Il s’approcha lentement de nous, de moi, gardant la tête droite, marchant d’un pas sûr et déterminé. Sa direction changea et il se retrouva face à Mamen O’ri.
   - Votre présente m’est intolérable, jeune pantin, déclara-t-il en retirant sa capuche.
   Nous étions tous stupéfaits, Mamen peut-être davantage encore, et l’incompréhension gagna peu à peu mon esprit alors que Vadar J’hen se tenait toujours fixement devant le Tercero.
   - Par quel maléfice avez-vous été tiré d’entre les morts ? Balbutia Mamen dont le cou était serré par les mains effrayantes de Vadar.
   - La Renestencia n’est pas un maléfice ! Répondit-il en jetant O’ri à terre avec une facilité déconcertante.
   L’ancien Capitana Majore fulminait davantage en marchant vers son adversaire au sol, Mamen commençait à ramper lorsque J’hen bloqua son mouvement en écrasant les plaques arrières protégeant le mollet, compressant le muscle.
   - Il y a longtemps que j’attendais votre venue ici, O’ri, mais Ezharion n’avait pas trouvé le bon moment. Votre trahison servira l’exemple.
   Vadar déplia sa lame cinétique et la plaça au-dessus de la nuque du Tercero dont le visage demeurait imperceptible, enfonçait dans la poussière. Il psalmodiait, probablement conscient de ce qui allait lui arriver, mais tous les autres, moi y compris, étions totalement déroutés.
   - Choisissez, Tercero Mamen O’ri, la mort ou l’exil, déclara Vadar J’hen.
   O’ri se retourna lentement en prenant soin de ne pas entrer en contact avec la lame de J’hen qui demeurait dans une immobilité parfaite. Le Tercero découvrait son visage, la terreur et la honte agissaient comme des cicatrices profondes qui se révélaient au grand jour sous un soleil de plomb.
   En choisissant la mort, Mamen O’ri reconnaissait les faits, et avouait son crime, sa trahison et sa lâcheté. Pourquoi avoir tenté d’assassiner Vadar J’hen ? Eux seuls le savaient. Mais choisir l’exil aurait été bien pire pour sa dignité et son honneur, déjà largement bafoués.
   - Attendez, Vadar, j’aimerai comprendre ce qui se passe ici, intervenais-je enfin.
   - Les choses vont vites Hygwë. En un instant, la peur, la colère, la vengeance et l’ambition, viennent corrompre l’âme des plus faibles qui voient en l’émergence des « Dieux Dragons » des maîtres plus forts. Ce poison se répand vite, extrêmement vite, et personne n’en est immunisé. C’est une lutte de pouvoir, et certains légionnaires Myrmidons sont déjà soumis. Cette corruption sera endiguée ici.
   Il se retourna vers moi, ses yeux gris et sévères plongeaient en moi comme des aiguilles, avant de lever son regard vers le flanc du volcan, noirci par la présence d’autres légionnaires dont j’ignorais jusqu’alors l’existence.
   - Prométhéens !
   En même temps que le volcan se mit à gronder, les pas lourds de l’armée légendaire des Prométhéens s’ajoutaient à l’ambiance sonore aux allures de fin du Monde.
   Les Prométhéens sont une branche encore plus perfectionnée de la race des Pirates. Incorruptibles, impartiaux, ils incarnaient la Guerre et la Mort, cette sous-espèce s’est peu à peu endormie dans les profondeurs des massifs volcaniques du Continentae Myrmidonum, au même moment où nos ancêtres Myrmidons sont partis. Mais parmi eux, certains Prométhéens étaient restés, et je me doutais que Vadar J’hen en faisait partie, depuis toujours.

   Leurs armures avait la couleur de la lave refroidie, noire avec des teintes étranges qui tiraient vers le rouge ardent, un métal unique qui n’existait que sur l’île, le myrmatium, dont la solidité allait de paire avec sa capacité à absorber l’énergie des chocs sans se rompre. Leurs immenses lances, elles aussi noires, ajoutaient à leur majesté.
   Vadar J’hen rengaina sa lame, laissant O’ri se relever lentement, Peregrim s’agita, intimant discrètement ses légionnaires de se mettre en formation de combat.
   Nous étions environ deux cents quatre-vingt, les Prométhéens étaient presque deux fois plus nombreux, à l’instant où Vadar J’hen se tourna vers moi, je compris ses intentions.
   - Il faut que chaque légionnaire ait le courage équivalent à celui d’une armée. Parmi vous, il n’y a plus de courage, il n’y a qu’un sentiment pervers, une motivation secrète… Prométhéens ! Endiguez la corruption !

   J’étais tétanisé, mes légionnaires me regardaient dans l’expectative d’un ordre quelconque, mais ma gorge restait serré.
   - Myrmidons, bouclier ! Ordonna finalement Peregrim.
   Nous restions sur la défensive, il ne souhaitait visiblement pas abattre de Prométhéens, ni se laisser tuer… Mais notre défense fut compromise de l’intérieur, par les légionnaires corrompus.
   Une guerre fratricide venait de s’amorcer.

DHX

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Partie 1 : La mission Prométhée
Fin du chapitre 10

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