LA CREATION DU COSTUME DE PUISSANCE

Chapitre VI : Visions

An 15K9, 10 juillet, 7H39.

    Le calme matinal régnait sur la cité chozo, encore endormie et baignant dans une torpeur brumeuse. En effet, cette matinée s'annonçait fraîche, malgré la saison. Charaz avait donc revêtu un épais manteau pour sortir. Il traversa les ruelles en longeant les murs tel une ombre, pour ne pas réveiller les autres habitants, et surtout pour ne pas se faire voir. Charaz ne fut aperçu que par deux ou trois oiseaux volant entre les maisons à la recherche de quelques miettes.
    La porte du laboratoire s'ouvrit comme chaque matin, pour laisser entrer Charaz. Tout le monde le salua, comme d'habitude, mais sans autres mots. Depuis le drame de la semaine passée, la tristesse avait noirci les pensées de chacun, et l'ambiance joviale avait malheureusement disparu. Le deuil d'Aharon n'était pas fini, il allait encore durer plusieurs semaines, car un soldat de son rang méritait d'imposantes et glorieuses funérailles. Le choc fut terrible pour toute la cité, quand les survivants de l'expédition parvinrent enfin à rejoindre leur ville tant aimée. Cette excursion mortelle allait rester dans toutes les mémoires pour très longtemps.
    Du côté de Vart, la situation s'améliorait. Son bras cassé se rétablissait lentement mais correctement. Et Ahroc, soumis à un lourd traitement, retrouvait peu à peu une vue normale, même si celle-ci ne redeviendrait jamais totalement comme avant. De toute façon, aucune autre aventure de ce genre n'était prévue, car tous les éléments necessaires à la construction de l'Armure avaient été rassemblés. De plus, Bov ne voulait plus courir le risque de perdre à nouveau certains de ses citoyens.
    Dès que Charaz entra dans le laboratoire, il alla voir Choz, qui était là depuis une dizaine de minutes :
    - Bonjour Choz... commença Charaz.
    - Bonjour, répondit Choz d'une voix monotone.
    - Alors, comment avancent les travaux, pour l'instant ?
    - Normalement, sans problème particulier. Le canon est pratiquement prêt, il n'y a que la pile plasma à calibrer, mais quelqu'un s'en charge en ce moment même. Les réglages du Costume Varia ont été effectués, ceux du Costume de Gravité devraient prendre fin dans environ deux jours, peut-être moins.
    - Si je me souviens bien, nous allons commencer les réglages des viseurs aujourd'hui, n'est-ce pas ?
    - C'est cela. Et d'ailleurs, le travail a bien commencé, puisque l'équipe de nuit a été très productive hier. Le viseur de combat, le plus important sans doute, est presque opérationnel. Nous avons inclus un projecteur holographique au-dessus de la visière, dans le casque. Ainsi, les informations collectées dans le monde extérieur par les différents capteurs sensoriels sont transmises en temps réel dans le casque et apparaissent sur la visière. On y retrouve par exemple, le rayon utilisé en ce moment, ou encore l'état du costume ou le stock de missiles. Tiens, au fait, les missiles sont fin prêts, on pense que l'Armure pourra en contenir 250 en tout, mais ce n'est pas encore sûr...
    - Bien, mais pour en revenir au viseur, pourrions-nous lui ajouter un radar, afin de détecter les obstacles plus facilement ? Et pourquoi pas une sorte de carte, en relief, par exemple, également projetée sur la visière, pour effecteur un repérage des lieux plus facile ?
    - Oui, mais cela prendra un certain temps...
    - Peu importe, il ne faut rien négliger... Et pour le réticule de visée, où en sommes-nous ?
    - Tout est prêt ! Grâce aux capteurs sensoriels dont je te parlais tout à l'heure, l'ordinateur de bord repère les corps chauds ou en mouvement par exemple. Puis le projecteur holographique cercle la cible sur la visière, et la suit en cas de déplacement.
    - Très bien. Il faudra attendre les tests, toutefois, pour crier victoire ! Et pour les autres viseurs ?
    - Eh bien... L'analyseur n'est pas commencé, mais son fonctionnement est à l'étude. On pense utiliser le même système de visée que pour le viseur de combat, mais conjointement avec un scanner, qui analyse certains éléments de la cible, pour les comparer avec la banque de données de l'ordinateur. Il en déduit alors si la cible est connue ou inconnue, et donne le maximum de renseignements à son sujet. Les informations les plus importantes sont archivées dans une sorte de dossier contenant tous les éléments essentiels à l'Elu. Mais tout ceci n'est encore qu'hypothétique...
    - En effet, et il faudra sans doute mettre à jour convenablement le disque dur de l'ordinateur, en recensant un maximum d'informations sur les êtres vivants de Tallon IV, mais également des autres planètes connues...
    - Un long travail en perspective... Plusieurs mois seront sans doute necessaires...
    - Il ne faut pas lésiner sur les moyens, tu le sais... Qu'importe le temps que cela prendra, il ne faut rien oublier... dit Charaz, confiant.
    - Tu as raison, et d'ailleurs, le recensement a commencé ce matin même, bien que l'ordinateur de bord ne soit pas achevé. Nous avons contacté toutes les autres communautées Chozo, ainsi que toutes les civilistazions galactiques connues, et nous leur avons ordonné de recenser les espèces vivant sur chacune de leurs planètes... Nous avons nous-mêmes entreprit la même opération ici, et maintenant, il faut attendre les données que nous enverront nos voisins cosmiques...
    - Bien. Je vois que tu te charges de tout cela... Je retourne à mon poste.
    Sur ce, Charaz quitta son collègue, pour rejoindre la piève qui lui était réservée dans les laboratoires. Là, il put continuer le travail qu'il avait entamé la veille. On lui avait apporté les éléments necessaires, mais les ingénieurs avaient jugé qu'une seule personne à la fois pouvait effectuer l'assemblage, et la personne la plus qualifiée dans ce domaine était Charaz. C'est donc lui qui avait la haute responsabilité de l'assemblage et de la mise au point du viseur à infrarouges, et, par la suite, du viseur à rayons X. Une très grosse tâche en perspective, mais qui ne l'effrayait pas du tout. Après avoir vu de ses yeux la mâchoire d'un Sheegoth prêt à le dévorer, plus rien n'était susceptible de l'effrayer.
    Le viseur infrarouge était prêt à être assemblé, car tous les éléments avaient été fabriqués en Charaz avait déjà commencé à y travailler la veille. Le fonctionnement était assez simple. Le viseur utilise les rayons infrarouges présents partout où il y a un rayonnement solaire. Plus précisement, il ne les utilise pas, mais les reproduit. Une unité spécialisée reproduit donc ce rayonnement, et balaye toute la zone devant le casque. Cette unité est placée sur la gauche de la visière. Les rayons émis décomposent alors les corps chauds, faisant apparaitre sur la visière une image thermographique, où les points à haute température sont représentés en rouge, alors que les zones froides apparaissent bleu. Les températures intermédiaires sont représentées par des couleurs dégradées.
    Charaz commença donc son laborieux travail. Il possédait le casque mis au point par les ouvriers, et devait adapter ce nouvel élément à ce casque déjà très chargé en composants électroniques. Il repéra d'abord la place où il connecterait l'unité génératrice sur le casque. Bien qu'il savait qu'il devait la placer sur la gauche du casque, il ne voyait pas encore comment. Entre les tuyaux emmenant l'oxygène, les multiples capteurs et les innombrables fils, la place restante était minuscule. Tant bien que mal, il parvint à placer l'unité en écartant quelques circuits, bien que la pièce nouvelle ne mesurait que 8 cm de long et 3 cm de large. Après l'avoir placée et fixée, il relia l'unité à la visière par quelques fils électriques, et ainsi, normalement, l'image thermographique apparaitrait sur le viseur. Normalement... Car quand Charaz mit le casque pour procéder au test, après l'avoir relié à des générateurs externes, comme quand il avait testé le canon, il eut la regretable surprise de constater que le procédé ne marchait pas, puisque la visière restait désepérement transparente, sans aucune trace d'image thermique.
    Il passa ainsi les trois heures qui suivirent à corriger les dysfonctionnements divers dont souffrait le casque : problèmes de polarités, de surcharges électriques, de connexions... Enfin, après avoir passé sa matinée dans sa petite pièce de laboratoire, sans aucune visite, Charaz enfila le casque, sans conviction, pour un dernier essai, avant d'aller prendre un repas bien mérité. Actionnant sur la gauche du casque le viseur thermique, il eut la surprise de voir apparaitre son bras droit en rouge, ressortant du reste du laboratoire, devenu de couleur bleu. Aussi incroyable que cela pouvait paraitre, il avait enfin réussi à régler le viseur à infrarouges. Il allait donc pouvoir s'accorder une pause, avant de commencer l'assemblage du viseur radioscopique.
    Vers 14 heures, après avoir déjeuné avec tous ses collègues, Charaz dû retourner dasn son atelier atitré, toujours seul dans son travail. En effet, deux ouvriers sur un seul casque se seraient probablement gênés, alors qu'un seul peut travailler à son aise. Il était passé auparavant sur le chantier principal afin de récupérer les dernières pièces qui lui étaient necessaires à l'assemblage du viseur. Il avait obtenu une pleine boîte de composants électroniques, des fils et des circuits imprimés, et aussi une seconde unité génératrice. Celle-ci, contrairement à la précédente, produisait donc des rayons X, necessaires au viseur radioscopique. Ces rayons pouvant traverser la plupart des matériaux de faible consistance, le viseur permettrait de déceler tous les détails cachés d'un lieu, tous les passages secrets, toutes les faiblesses d'un ennemi, et même, espérait-on, les phénomènes transdimensionnels. Ainsi, l'Elu, doté de toutes visions possibles, pourrait affronter tous les adversaires existants avec un avantage considérable.
    Mais Charaz n'en était pas encore à la phase de test, et il en était d'ailleurs très loin. Le travail était encore plus dur que pour le viseur infrarouge. Les éléments n'ayant pas été assemblés, Charaz s'était occupé de l'alimentation de l'unité génératrice. Mais pour la relier au reste du casque, le problème était toujours très dur. Plusieurs essais s'étaient soldés par des échecs cuisants.
    En milieu d'après-midi, Choz vint rendre visite à son ami :
    - Alors, comment avance ton travail ?
    - Lentement... dit Charaz, froidement.
    - Je vois... répondit Choz en voyant les outils et les câbles entassés sur la table. Je venais juste voir où tu en étais. Et j'en profite, parce que je viens d'avoir une idée, pour élaborer un tout nouveau viseur révolutionnaire.
    Charaz ne répondit rien, affairé sur le viseur radioscopique.
    - J'ai pensé que les sons pouvaient trahir la présence d'un ennemi. Il faudrait créer un viseur capable de les détecter, et aussi de les matérialiser, afin de repérer les adversaires juste par le son qu'ils émettent.
    - Ecoute, je n'ai ni le temps, ni la place dans le casque de créer un nouveau viseur. C'est une idée, mais moi, je ne m'en occuperai pas si elle est adoptée.
    Choz sentait que Charaz était tendu et qu'il était venu le voir à un mauvais moment. Il renonça à son projet et sortit en s'excusant pour le dérangement. Finalement, Choz rangea ses plans dans un endrot tenu secret, un lieu où s'empillait les idées ratées du laboratoire.
    De son côté, Charaz poursuivit son travail jusqu'au soir, vers 18 heures. Il était à bout de nerfs, mais avait quand même réussi à se concentrer pour effectuer un dernier essai. Après avoir calibré l'unité sur une nouvelle longueur d'onde, il mit le casque et actionna manuellement le viseur. A sa grande surprise, il vit la pièce devenir noire et blanche sur la visière. Il sentait qu'il avait sûrement réussi, mais il voulut vérifier par acquis de conscience. Penchant la tête, il regarda ses jambes, et vit avec stupeur son tibia et son péroné par transparence : le casque était fin prêt désormais.

Bidoman

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Fin du chapitre 6

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