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RIDLEY :
LES CHRONIQUES D'UNE OMBRE
CYCLE 2

CYCLE/2 – PROLOGUE : Nog Rad.

   
    Au commencement, seule la Nuit régnait sur l’univers. Puis, lasse de cette solitude, la Nuit enfanta les Trois Grands Créateurs. Ceux-ci, en retour, désirèrent offrir à la nuit un présent digne de sa grandeur : ils s’attelèrent alors à la genèse d’une Planète, qu’ils construisirent en neuf nuits. Ainsi naquit Thalon Premo, le Premier Monde. Au terme de la dixième nuit, les Trois Grands Créateurs, épuisés, s’endormirent dans leurs tombeaux-rêves. Afin de protéger leur œuvre des intempéries, ils mirent au monde Brinstar, le dieu des cieux, dont le regard surplombait les plaines de Thalon Premo avec bienveillance, et Norfair, le dieu de la terre, dont le souffle portait les flammes de la vie au-delà de l’horizon.
    Pendant les cent mille premières années, les deux frères collaborèrent à la perfection. Puis, un jour, un vent venu des profondeurs du Néant Extérieur balaya les sols de Thalon Premo et démolit le Monde que Brinstar et Norfair protégeaient. Le bruit du vent réveilla les Trois Grands Créateurs, qui s’attristèrent à la vue de leur chef-d’œuvre dévasté. Ils entreprirent donc de reconstruire le Monde en neuf autres nuits, et, à l’issue de la dixième nuit, ils s’endormirent, épuisés.
    Seulement, cette fois-ci, afin de prévenir les dangers venus du Néant Extérieur, ils enfantèrent une Troisième entité, Maridia, la déesse des eaux. Ils chargèrent Maridia de surveiller les créations de Brinstar et de Norfair, et de les protéger dès qu’une nouvelle catastrophe se produirait, en les engloutissant sous ses flots. Maridia accepta sa mission ; elle entretint donc Thalon Premo pendant les cent mille années suivantes, en compagnie de ses deux frères.
    Puis, un jour, une nouvelle bourrasque venue des profondeurs du Néant Extérieur secoua le Premier Monde. Brinstar et Norfair demandèrent à Maridia d’engloutir leurs créations ; cependant, les vents avaient déjà commencé à assécher les eaux de la déesse. Conscient qu’il n’y aurait pas assez d’eau pour protéger toute la création, Brinstar supplia sa sœur de protéger l’œuvre de Norfair. Conscient qu’il n’y aurait pas assez d’eau pour protéger toute la création, Norfair supplia sa sœur de protéger l’œuvre de Brinstar.
    Maridia prit sous ses eaux les plus belles œuvres de Brinstar et les plus belles œuvres de Norfair, et, alors que les vents ravageaient les restes de Thalon Premo, les trois dieux s’endormirent. Brinstar et Norfair se réveillèrent cent ans plus tard pour reconstruire le Premier Monde, mais Maridia, elle, resta prisonnière de son sommeil. Brinstar tenta de l’en délivrer en lui envoyant ses brises les plus douces et ses parfums les plus plaisants, mais rien n’y fit. Norfair tenta de l’en délivrer en la réchauffant de ses flammes et en lui offrant les diamants les plus bruts, mais rien n’y fit.
    Alors, les deux dieux frères entrèrent peu à peu dans la folie et rejetèrent la faute l’un sur l’autre. Ils se déclarèrent la guerre, jaloux de Maridia et de l’héritage qui les attendait sous ses eaux. Brinstar donna naissance au peuple de l’Air, dont la sagesse n’avait d’égal que l’Orgueil ; Norfair donna naissance au peuple des Roches, dont le courage n’avait d’égale que l’Avarice. Les fils de Brinstar fabriquèrent d’immenses oiseaux de métal dont les excréments empoisonnaient le sol ; les fils de Norfair fabriquèrent des montagnes artificielles, dont les roches perçaient jusqu’aux nuages ; les fils de Brinstar levèrent des vents maudissant la descendance de leur ennemis ; les fils de Norfair rentrèrent au plus profond de leurs corps pour changer leur nature et détruire leurs ennemis. Ils luttèrent pendant des siècles et des siècles, réveillant volcans et séismes, et défigurèrent Thalon Premo au fil des guerres.
    Puis, un jour, les fils de Brinstar et de Norfair s’aperçurent que leurs combats avaient tué Maridia dans son sommeil. Brinstar et Norfair étaient morts de vieillesse, et même les Trois Grands Créateurs s’étaient effacés dans l’oubli. Incapables de reconstruire Thalon Premo, ils créèrent d’immenses vaisseaux pour partir loin de leur monde natal et explorer le Néant Extérieur. Avant de quitter la planète, ils scellèrent Maridia au cœur de la tombe-berceau*, espérant la voir ressusciter un jour. Les fils de Brinstar se mirent tous ensemble en quête de leur nouveau Paradis, leur terre promise, Thalon Zera. Les fils de Norfair se séparèrent et s’installèrent sur les mondes les plus hostiles, changeant leurs corps et leurs esprits pour survivre. Plus jamais un seul fils de Brinstar ne croisa un fils de Norfair.
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   *NDT : Tourian dans le texte ; Touerran signifiant Tombe et Rian signifiant berceau. Il s’agit d’une supposition faite par l’auteur vis-à-vis de ce qui ressemble à un mot-valise Chozo.
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   #Extrait de ‘Comprendre le Canon des Dieux de Zebes’, Kreyechiss Diamond Hand

    S’il m’était possible de décrire Sheol en trois mots, j’emploierais sans hésiter les termes ‘anarchie’, ‘mosaïque’ et ‘neutralité’. La représentation parfaite du chaos. Située dans le système Hinnom, pile entre le périmètre couvert par la Fédération Galactique et celui régi par le Consortium des Systèmes Alliés, la planète Sheol avait longtemps été la péninsule que les deux entités partageaient sans pouvoir se l’approprier respectivement. Au commencement de cette époque de guerre froide, nombreuses furent les guerres civiles sur la surface de la planète ; sous l’impulsion des deux superpuissances galactiques, les conflits locaux avaient redoublé d’intensité, jusqu’à ce qu’un cessez-le-feu soit déclaré.
   Avec le temps, la Fédération et le Consortium s’étaient désintéressés de Sheol : la petite planète n’offrait qu’un maigre avantage stratégique et ne valait clairement la peine ni d’engager une guerre ouverte ni d’instiller de nouvelles tensions dans la région. En quatre-vingt ans, Sheol s’était perdue dans l’oubli. Les rares agents qui y étaient restés, privés de directives, avaient fini par intégrer la faune locale. Ils avaient rejoint alors les nombreux gangs ou cartels qui régissaient à présent les commerces locaux.
   Dans la culture populaire, le nom de Sheol inspirait la terreur des honnêtes gens. Une terre d’anarchie, soumise à la loi du plus fort, imprégnée de crasse et de sang, et située pile poil sur une bombe prête à exploser, ce n’était clairement pas l’endroit idéal pour passer ses vacances. Et pourtant, isolée de toute juridiction Fédérale ou du Consortium, la petite planète rouge demeurait un lieu privilégié pour les chasseurs de prime dans mon genre. Chacune de ses quarante-deux zones était dirigée selon des lois distinctes, établies par un ‘baron’ de la pègre locale. Tous avaient leurs propres intérêts à défendre, mais au gré des alliances et des accords de vassalité, beaucoup s’étaient ligués contre un ennemi précis. Peut-être que ce qui effrayait tant le contribuable, c’était l’absence de gouvernement planétaire…
   La voix du pilote résonna dans mon communicateur, me tirant de mes pensées :
   « Mesdames et messieurs, il est exactement dix-sept heures de l’après-midi, et nous survolons l’astro-plateforme de la zone 21-A33 ; il fait 30°C et vous êtes sur le point d’atterrir sur Sheol, bienvenue en enfer. »
   La remarque m’arracha un sourire. Je rattachai mes cheveux en queue de cheval et ouvris le sas de la navette ; l’air chaud me parvint en une bouffée brutale, répandant au sein de la navette une violente odeur d’épices (et d’urine ?). Mon manteau claquait au gré du vent, tandis que nous nous rapprochions de la plateforme d’atterrissage. Je passai une dernière fois mon matériel en revue. Holopad, ok. Injections d’anabolisants, ok. Sabre à énergie, ok. Mes deux fidèles 10mm plasma, ok. Et… Tiens ? Je me retournai vers mon partenaire :
   « Ghor, appelai-je, où est-ce que t’as foutu mon convertisseur de crédits ? »
   Assis au fond de l’appareil, enveloppé dans un long manteau de cuir, un chapeau rapiécé couvrant son visage, le grand homme leva la main et m’indiqua d’un geste vague le pack de réserves à ma droite. Je m’en saisis, puis lui tournai le dos et ajoutai d’un ton faussement vexé :
   « Ca doit faire trois heures que t’es vautré comme ça, tu pourrais te bouger un peu, tu ne crois pas ? »
   Je l’entendis glousser en se redressant. Le vaisseau stationnait à présent à deux mètres de la plateforme. Je fis un signe à mon partenaire et sautai la première. Ghor me suivit immédiatement. Nous laissâmes la petite navette repartir en orbite autour de Sheol jusqu’à nouvel ordre. Je me tournai vers le Norionnien. Du haut de ses deux mètres trente, avec sa silhouette filiforme, Ghor ressemblait à un fantôme. Son teint bleuâtre, beaucoup plus pâle que celui de ses compatriotes, contrastait hautement avec ses yeux d’un jaune presque orangé. Malgré ces quelques détails, tout le reste de sa physionomie restait celle d’un habitant de Norion lambda. Les mandibules félines, les jambes et bras squelettiques, ainsi que cette curieuse membrane qui recouvrait son abdomen, laissant apparaître un réseau de vaisseaux sanguins, que les Norionniens aimaient laisser à l’air libre sous leurs vêtements pour une raison qui m’échappait.
   Ghor se tourna vers moi et me fit signe de lui donner le pack de réserves. Je m’exécutai. Il l’accrocha à son flanc gauche et demanda :
   « Qu’est-ce qu’on a comme infos ?
   - On sait que la dernière fois que Ridley a été aperçu, c’était il y a six mois dans les alentours de Sheol, répondis-je. Nos informateurs nous ont indiqué qu’un certain Nog Rad pourrait nous fournir plus de tuyaux. En clair, on trouve Nog Rad, on trouve Ridley.
   - Et ils sont fiables, ces indics ?
   - Ils font avec ce qu’ils ont sous la main, expliquai-je, mais oui, ils sont fiables.
   - Et tu sais par où commencer ?
   - Nog Rad est une sorte de bouffon du roi par ici. Le leader local, Jeremy El Lobo, l’a engagé pour x ou y raison, et en échange de ses services, il lui fournit de bonnes grosses doses de Zured.
   - Du Zured, s’étonna Ghor ? On va devoir soutirer ces infos à un camé ?
   - C’est probable, mais une ou deux injections d’anabolisants devraient lui rendre un peu de lucidité. »
   Ghor soupira. Il n’appréciait pas travailler dans ces conditions, et je le comprenais un peu. Mais malgré son indubitable talent, ce chasseur était un idéaliste. Se servir d’un toxicomane pour accomplir une mission ne faisait pas partie de ses méthodes. Seulement, c’était la seule piste que nous avions. La raison pour laquelle j’avais fait appel à lui était simple : Sheol abritait les hackers et les informaticiens les plus recherchés du système, voire de toute la région. Tous des mercenaires ou d’ex-militaires de la Fédération ou du Consortium, des réfugiés paranoïaques extrêmement doués qui avaient profité de leur exil pour se faire de l’argent en vendant leurs systèmes de sécurité. Avoir un pirate informatique dans son propre camp m’avait semblé être une bonne idée, et Ghor excellait dans ce domaine. Et pour cause : il faisait partie d’un mouvement philosophique appelé la Cyberpathie, une sorte d’animisme auto dérisoire pour mordus de technologies numériques. « De tous les dîners mondains auxquels j’ai participé dans ma vie, m’avait-il dit un jour, aucun n’a jamais valu une soirée pizza passée à déphaser un transpondeur sub-ionique. » Car oui, Ghor était aussi doté d’un sens de l’humour particulier.
   Nous descendîmes de la plateforme après avoir montré nos ‘passeports’ à la garde locale (deux cent crédits, même Fédéraux, ne sont jamais de trop), et nous commençâmes à déambuler au gré des rues, chacun de notre côté, à la recherche d’indices. Ghor s’attardait sur une rue peuplée de petits commerçants, tandis que, de mon côté, je fis un tour sur une place de la ville A33. La plupart des passants étaient Humains et Julothiens ; je croisai quelques Norionniens, ainsi qu’un trio de Pirates de l’Espace affairés sur une machine à moitié en panne. Oh, et quelqu’un me suivait. Le ciel jaunâtre s’assombrissait alors que le soir tombait, l’heure des agressions à main armée approchait dangereusement. Je parvins à dénicher une impasse relativement sombre et m’y engouffrai, talonnée par la personne qui me filait. J’entendis cette dernière pousser un sifflement. Du haut d’un toit, son compère, un humanoïde masqué, sauta à pieds joints devant moi, une lame dans chaque main. Il ne faisait pas bon d’être seule en ces temps-là. Je souris et pris une inspiration. La sensation familière de la pétrification du continuum espace-temps me parcourut le corps, comme si de mes entrailles jaillissait une gigantesque stalagmite de glace, alors que l’air ondulait brièvement. Dans une aire de quelques mètres autour de moi, la réalité s’était arrêtée, mais au-delà de cette bulle, la vie continuait. Il me fallait faire vite. Je saisis mon sabre à énergie, le fis mouliner sur le côté et l’activai. La lame pénétra dans le corps de l’adversaire me faisant face comme dans du beurre, découpant avec facilité ses deux jambes, puis ses deux bras. Je rengainai mon épée et me retournai vers l’autre brigand, un humain d’une quarantaine d’années lui aussi pétrifié, puis sorti mon pistolet et le braquai sur son front. D’un battement de cœur, je rendis au continuum sa liberté.
   Le type masqué poussa un hurlement lorsqu’un jet de sang jaillit de ses plaies, avant que ses quatre membres, libérés de l’emprise de mon pouvoir, ne s’effondrent comme des jouets de chair. Il tomba sur ses genoux sectionnés et tenta de se réceptionner sur ses avant-bras, sans succès. Mon sourire s’élargit lorsque l’humain se rendit compte que je m’étais débarrassé de son complice en un clignement d’œil. Il laissa tomber sa propre arme.
   « Je cherche Nog Rad, dis-je simplement. »
   Il ne me répondit pas. J’appuyai sur la détente sans relâcher la pression pour faire passer le message : je n’avais qu’à déplier mon doigt pour lui brûler la cervelle.
   « Nog Rad, répétai-je en articulant. 
   - Temple, bégaya-t-il… Temple… Horn… »
   Je détendis mon doigt doucement, désarmant le tir, et contournai mon agresseur en lui glissant un ‘merci’ dans le creux de l’oreille. A peine l’avais-je dépassé que je le sentis se retourner vers moi. Je fis basculer mon corps en avant et, d’un coup de pied, le privai du couteau qui venait de sortir de sa manche. Celui-ci voleta et se ficha dans sa gorge.
   Bon, tant pis.
   « Ghor, appelai-je à travers mon communicateur, le nom Temple Horn te dit quelque chose ?
   - Ouaip, l’entendis-je dire, la boite privée d’El Lobo. Le niveau de sécurité y est terriblement élevé. Pourquoi donc ?
   - Il se peut que Nog Rad s’y trouve.
   - Bon, très bien. Je te rejoins devant la boite.
   - Un night-club détenu par un baron de la pègre, commentai-je. Les bons vieux clichés ne meurent jamais. »

   Je plaquai ma capuche sur mon crane et quittai la rue, laissant les deux corps à leur triste sort. Le ciel étoilé recouvrait désormais la cité.

   « C’est grand hein ?
   - Ouaip, répondis-je.
   - J’ai du mal à croire qu’on l’ait pas remarqué plus tôt.
   - Ouaip, moi aussi.
   - Du coup on rentre ?
   - Ouaip. »
   Le bâtiment qui nous faisait face dépassait de vingt bons mètres tous les autres édifices de la ville. Son architecture biscornue jurait atrocement avec les maisons aux alentours, mêlant arabesques et parois cyber-citadines. Devant la porte, deux gardes dotés d’yeux artificiels, probablement reliés aux systèmes de sécurité du Temple Horn, surveillaient les lieux. Je hochai la tête en direction de Ghor, qui eut un léger sourire. Il avança vers les deux hommes et les salua, touchant du bout de ses longs doigts le bord de son chapeau rapiécé. Il resta ainsi devant eux pendant dix secondes, puis se retourna et me fit un signe. Les deux hommes restèrent de marbre alors qu’il passait la porte du club. Dans un petit rire, je le suivis. Il lui avait suffit d’attirer l’attention des gardes pour, par je ne sais quel tour de passe-passe, pirater leurs yeux cybernétiques. Ils ne nous avaient tout simplement pas vus entrer. Nous nous trouvions à présent dans l’antichambre du night-club. Aux portes du hall tambourinaient les ondes sonores de la musique.
   « Et maintenant, demandai-je ?
   - Maintenant, on a le choix, répondit le hacker. On pénètre dans le hall par la force, mais dans ce cas ledit Nog Rad, tout toxico qu’il soit, va certainement se carapater. Ou bien on infiltre l’arrière-boutique, mais c’est là qu’El Lobo se rend habituellement, on aura un surplus de gardes à cet endroit, et peu de chance pour qu’ils soient tous cybernétisés.
   - Il y a une autre alternative ?
   - Oui, dit-il en souriant, je peux pirater leur base de données pour nous obtenir un passe chacun.
   - Faites donc, monsieur le pirate, ironisai-je.
   - Yoho. »
   Ghor s’adossa à un mur et retroussa sa manche, pour laisser apparaître un holopad attaché à un bracelet. Impressionnant, il devait en avoir une bonne demi-douzaine dissimulée un peu partout ! Il tapota rapidement sur le clavier holographique, puis, toujours sur sa tâche, reprit la parole :
   « Tu as connu Ridley, non ?
   - Qu’est-ce qui te fait dire ça, demandai-je ?
   - Une rumeur dans l’organisation. »
   Je soupirai. Des souvenirs douloureux remontaient.
   « Oui, je l’ai connu. C’était un… Ami. »
   Ghor leva la tête vers moi, et, devant mon regard interrogatif, me pressa :
   « Raconte.
   - Il y a presque deux ans, je lui ai donné un coup de main sur une de ses missions, mais ça a fini par foirer.
   - Tu veux dire le fameux sauvetage de la fille du Président ?
   - Exact, dis-je. Il a été blessé gravement, comme tu le sais. Et puis il est resté comme ça pendant quelques mois. Au début, j’ai tenté de l’aider, mais semblait avoir décroché. Comme s’il avait commencé à vivre dans un autre monde.
   - Syndrome de stress post-traumatique, décréta mon compagnon d’un ton scolastique.
   - Puis, continuai-je, un jour, il a juste… Disparu. Il a détruit tous ses appareils de communication, son ordinateur personnel, ses holopads, et il est allé jusqu’à se faire retirer les implants de communication internes par chirurgie. Je le sais, j’ai interrogé le docteur qui avait pratiqué l’opération. Il a quitté sa maison, coupé tous les ponts et n’a donné d’indice à personne. A ce moment-là, j’ai accusé le coup, parce que mine de rien, je…
   - Tu avais peur pour lui ?
   - Oui.
   - Et qui pointe le bout de son museau après un an et demi de recherches intensives, s’exclama Ghor avec entrain ? »
   Je souris.
   « Dis, Lalamya... »
   La soudaine gravité de sa voix me prit au dépourvu. Je lui jetai un regard pour l’inciter à continuer.
   « Si t’avais appris qu’il se cachait sur Sheol, si Blue Moon existait encore… Si Wesker ne t’avait pas chargée de retrouver Ridley… »
   J’anticipai la question et répondis :
   « Non. Je n’aurais jamais eu le courage de venir le chercher ici. De le tirer d’un enfer pour l’emmener vers un autre. 
   - Mais les ordres sont les ordres, hein ? »
   L’ironie de la situation me frappa et j’eus malgré moi un léger rire.
   « Lorsque je l’ai connu, dis-je comme pour moi-même, c’était un gosse. Je ne sais pas si je pourrais encore le regarder dans les yeux. »
   Souriant subitement, Ghor me tendit un morceau de carton fraîchement imprimé.
   « Y a qu’une façon de le savoir. »
   Je saisis l’invitation qu’il me présentait et nous pénétrâmes dans le hall du Temple Horn.

   Les chœurs et les basses résonnaient, serpentant sur le sol pour remonter le long de nos échines, tandis que les batteries à vent infusaient à l’ensemble du morceau un rythme endiablé, presque guerrier. Sous les vibrations de la musique, les corps ondulaient, déchaînés par le mélange de phéromones, d’alcool et d’autres substances moins légales qui circulaient dans l’immense hall. Ghor et moi décidâmes de ne pas nous éloigner l’un de l’autre. Nous commençâmes à piocher quelques informations à droite et à gauche. A la simple mention du nom de Nog Rad, la plupart des gens secouaient la tête, refusant d’en dire plus. Certains d’entre eux m’apprirent que le fameux Nog ne dormait jamais au même endroit, qu’il était tour à tour une sorte de curiosité, un fou, ou bien un agent secret de la Fédération. Mais personne ne pu m’indiquer à quoi il ressemblait ni où le débusquer. Aucun indice pour remonter jusqu’à lui, pas la moindre piste, ni témoin, ni connaissance. Lasse, je m’attablai au bar et montrai une boisson du doigt au droïde serveur. Celui-ci me l’apporta docilement, empochant la pièce que je lui avais remise. Mon compagnon me désigna un groupe de trois humains assis dans un coin autour d’une table sur laquelle dansait une plantureuse Julothienne.
   « Une des entraîneuses d’El Lobo, me dit-il. »
   Instantanément, je saisis son plan. S’il était impossible de dénicher des infos, autant demander au grand patron lui-même.
   Je me levai, lui laissant mon manteau, et me dirigeai vers la table. Le regard de l’un des trois hommes se reporta sur moi, un regard lubrique que l’ébriété avait rendu vitreux. Je me posai contre le mur adjacent à la table et lançai un coup d’œil entendu à la Julothienne, qui me rendit mon sourire. J’allais prendre la parole lorsque je sentis un contact froid sur le haut de ma cuisse. Le type ne s’était pas contenté de me dévorer du regard, il voulait manifestement aller plus loin. D’une certaine façon de parler, je satisfis ses désirs. Mon pied virevolta dans sa figure. Il s’écroula sur la table, inconscient. Tout avait été très rapide et seuls les deux autres clients s’étaient rendu compte de quelque chose. Je leur adressai un sourire prédateur qui les fit détaler. La danseuse me regardait à présent, intriguée. Je lui glissai un billet dans la botte pour qu’elle continue à se trémousser, ce qu’elle fit. Je laissai passer une minute, puis je lui adressai un signe : elle aurait le droit à un petit bonus si elle me suivait. Je jetai un œil vers Ghor qui, dans son coin, s’affairait à leurrer les innombrables nano-caméras de sécurité dispersées dans le Temple Horn. L’oiselle descendit de son perchoir et je l’entraînai dans une cabine privée. Au creux de la pénombre intime, elle chuchota, en gloussant :
   « Et maintenant ? »
   Je la saisis par la taille et plongeai mon regard dans le sien. Son sourire se figea en même temps que le continuum spatio-temporel alors que mon cœur cessait de battre. Je fouillai ses vêtement et réussis à mettre la main sur ce qui semblait être un passe. Je le dissimulai dans mon propre corsage et laissai le temps reprendre son cours.
   « Et maintenant ? » répéta-t-elle, de toute évidence émoustillée.
   Je lui glissai dans le creux de l’oreille :
   « Maintenant… Je veux juste savoir deux ou trois petites choses. Tu accepterais de me les dire, pas vrai ? »
   Et, ce faisant, je fis passer un autre billet dans sa main. Son sourire s’élargit.

   El Lobo s’amusait avec sa suite dans l’arrière-salle de la boite, dont la baie vitrée donnait sur le hall. Evidemment, une série d’hologrammes, de fausses portes et d’autres artifices en dissimulaient l’entrée véritable. Même avec le passe que j’avais subtilisé, atteindre le baron me serait difficile. Un autre billet, et la danseuse m’indiqua le chemin à emprunter. Je posai l’index sur mes lèvres, indiquant que cela resterait entre nous, et arrêtai le temps une nouvelle fois pour disparaître de la cabine. J’imaginai sa réaction en gloussant lorsqu’elle me verrait m’évaporer devant elle. Un signe de tête en direction de Ghor, et nous nous dirigeâmes vers la porte dérobée camouflée en mur dont m’avait parlé l’entraîneuse. Nous nous retrouvâmes dans un étroit corridor. A chaque bifurcation, Ghor s’assurait de bien contourner la surveillance. Enfin, nous parvînmes à la dernière ligne droite qui nous séparait d’El Lobo. Deux gardes en armure protégeaient l’escalier menant à l’arrière-salle. Il me suffit de régler l’intensité de vibration de mon sabre et de me glisser rapidement entre eux pour les assommer.
   Nous montâmes à l’étage supérieur et nous retrouvâmes devant un sas. Je m’apprêtai à m’y engouffrer, lorsque je sentis la main de mon compagnon me retenir brusquement. Il secoua négativement la tête et me montra l’un de ses holopads : sur l’hologramme de ce qui semblait être une sorte de détecteur électromagnétique, plusieurs formes semblaient attendre derrière la porte que nous étions sur le point de traverser. Ils savaient que nous venions. Arrêter le temps une nouvelle fois en si peu de temps était hors de question : mon cœur ne pourrait le supporter. Avant que nous n’ayons pu élaborer un plan d’action, le sas s’ouvrit brutalement devant au moins cinq gardes armés, et les haut-parleurs muraux s’activèrent. Une voix grave et un peu éraillée résonna :
   « Vous pouvez entrer, mes hommes ne vous feront aucun mal. »
   Le regard suspicieux, Ghor me fit un signe de la tête.
   « En revanche, reprit la voix, je vais devoir vous demander de leur remettre bien gentiment vos armes. Toutes vos armes. »
   Nous nous exécutâmes à contrecœur et suivîmes les hommes de main. Pendant que nous marchions, notre interlocuteur continua à nous parler :
   « Vous êtes plutôt doués comme intrus, mais malheureusement pour vous, je tiens à ma propre sécurité. Je dois avouer que jamais personne n’avait réussi à aller si loin sans mon autorisation. Vous excuserez donc l’excès de précaution dont je fais preuve. »
   Nous arrivâmes enfin dans l’arrière-salle. La porte s’ouvrit sur une petite chambre au milieu de laquelle, sur un magnifique fauteuil anti-gravité, le propriétaire des lieux trônait, entouré par une cohorte de femelles de tous horizons. Jeremy El Lobo était un Julothien entre deux âges, au visage carré volontairement mal rasé et à la chevelure tirant sur le bleu foncé. Une cicatrice longeait sa joue gauche, descendant jusqu’au bas de son menton. Si une tenue d’apparat typiquement Julothienne recouvrait la majeure partie de son corps, sa carrure laissait deviner qu’il s’entretenait beaucoup. Malgré une position détendue, il semblait être sur un qui-vive constant, prêt à bondir de son perchoir à la moindre menace. Au premier coup d’œil, je compris à qui nous avions affaire. Il m’était déjà arrivé de croiser des hommes comme lui par le passé, et je lui reconnus la même prestance. El Lobo avait été un agent secret durant les débuts de la guerre froide. Très certainement un agent du Consortium, au vu des implants rétiniens caractéristiques qu’il arborait. Il avait du avoir été capturé longtemps auparavant et abandonné par sa hiérarchie, soucieuse de ne plus se mouiller sur Sheol. De son être émanait l’aura du survivant qui avait bâti son petit royaume pierre par pierre, ainsi que l’amertume du soldat laissé-pour-compte.
   Il nous sourit courtoisement et claqua des doigts : un petit robot cylindrique fit son entrée derrière lui, plusieurs bouteilles d’alcool dans le plateau qu’il portait à bouts de bras. Nous refusâmes. Poliment, évidemment. L’hôte des lieux, toujours très calme, se servit lui-même un verre, et, après avoir longuement dégusté sa boisson, nous invita à discuter :
   « Je doute, dit-il en faisant de courtes pauses comme s’il cherchait ses mots, je doute, hmmm, que deux, hmmm… Agents ? Agents… de la Fédération se donnent autant de mal pour, hmmm, pénétrer dans mes quartiers personnels pour attenter à ma modeste personne, ce serait une pure perte de temps, n’est-ce pas ? Que me vaut l’honneur de vous recevoir en ces lieux ? Serait-ce un objet en ma possession que vous convoiteriez ? Hmmm, ou bien une personne sous ma protection qui vous aurait causé du tort ? Parlez, je vous en prie… »
   Je sus qu’il n’y avait aucun danger. Le loup ne se sentait pas menacé, il ne montrerait donc pas ses crocs. Je fis un pas en avant et répondis :
   « Nous travaillons pour une organisation qui souhaite conserver l’anonymat. Afin de remplir notre mission, nous avons besoin de certaines informations.
   - Oh, fit El Lobo, et quelles sont-elles ?
   - Un dénommé Nog Rad les détient, dis-je. »
   Silence. A la mention du nom, une escort J’layer eut un petit gloussement, une autre écarquilla les yeux, et le sourire d’El Lobo s’agrandit considérablement.
   « Et je suppose, continua-t-il, hmmm, que vous veniez me, hmmm, demander gentiment la permission de me, hmmm, l’emprunter ? »
   Je soupirai et m’apprêtai à répondre, mais il me devança, cette fois-ci beaucoup plus sérieux :
   « Ce cher Nog Rad est mon seul fournisseur dans un business qui commence à fleurir et qui rapporte gros. Il me donne ce que je cherche, et en échange, il reçoit tout le Zured dont il a besoin.
   - Les écailles de sirènes d’astéroïdes, déclara Ghor. C’est bien cela ? »
   Je me retournai vers lui, intriguée.
   « Les sirènes d’astéroïdes sont la plus grosse arnaque du système Hinnom, expliqua-t-il sans quitter El Lobo des yeux. Ce sont des créatures fictives qui ont longtemps été accusées de mener les vaisseaux cargos dans des ceintures d’astéroïdes. Des squelettes de sirènes ont été fabriqués de toutes pièces et exposés en vitrine, leurs os ont été transformés en poudre pour satisfaire telle ou telle superstition…
   - Et aujourd’hui, termina El Lobo, triomphant, c’est au tour des écailles de sirènes d’être vendues à bons prix en tant qu’aphrodisiaque de premier choix. Les chefs de gangs et les bourgeois en quête de médecine alternative tiennent à entretenir leurs performances. Je suis le seul, pour le moment, à détenir le monopole de cette petite mine d’or. Dans peu de temps, les autres barons feront des pieds et des mains pour que je daigne partager mes revenus. »
   Malin comme plan de carrière. Je repris la parole :
   « Nous voulons seulement mettre le grappin sur quelques informations. Nous promettons de ne pas toucher à un seul cheveu de Nog Rad. »
   Ghor se tourna brusquement vers moi. Je me mordis la lèvre, et lui jetai un regard sévère, sachant très bien ce qu’il avait en tête. Qu’est-ce qu’il croyait ? Que nous allions neutraliser notre indic’ juste pour protéger les petites gens d’un charlatan ? Non, l’enjeu était beaucoup trop important.
   « Et comment puis-je vous faire confiance, demanda doucement El Lobo ? Si je vous indique l’endroit où mon petit Nog Rad se terre, comment pourrai-je avoir la certitude que vous n’irez pas le soustraire à ma surveillance ?
   - Monsieur, dit un des mercenaires qui nous avaient escortés, permettez-moi de les y accompagner avec mes hommes. »
   El Lobo réfléchit une seconde, puis se remit à sourire :
   « Entendu. Jauris. Monsieur, Madame, au plaisir. »
   Il agita sa coupe dans notre direction et fit pivoter son fauteuil, signe que l’entretient était terminé. Nous récupérâmes nos armes puis nous hâtâmes à la suite du dénommé Jauris et de ses trois sous-fifres. Juste avant de quitter le nightclub, nous fûmes rattrapés par la J’layer qui avait tenu compagnie à son patron. Elle nous tendit un petit sachet opaque.
   « Un petit cadeau de Jeremy, dit-elle d’une voix cristalline, pour vous persuader de garder son petit secret… Secret.
   - Qu’est-ce que c’est, demandai-je ?
   - Une écaille de sirène, dit-elle avant de se retourner. Si vous la coupez en deux vous pourrez revendre au moins cinq cent crédits chaque moitié. »
   Nous quittâmes les lieux.

   De toutes les drogues qui circulaient au sein de la galaxie, le Zured détenait une place de choix parmi les pires. Hautement addictive, puissamment hallucinogène et facile à produire en masse, cette nouvelle substance s’était propagée en seulement quelques décennies, redéfinissant tout un pan de l’économie parallèle que constituait le trafic de stupéfiants. Cette came, présentée sous forme d’un liquide pourpre, avait atteint toutes les couches de la société et il n’était pas rare d’apprendre que tel ou tel bureaucrate avait été surpris en train de s’en injecter ou d’en revendre. Le Zured était une belle saloperie. Pas étonnant que le fameux Nog Rad en exige une certaine quantité en échange des écailles de sirènes. Le gars devait être complètement accro. J’espérais ne pas lui tomber dessus en plein bad trip…
   Nous continuâmes à marcher dans les rues de la cité.
   « Nog Rad change d’endroit tous les mois, commenta Jauris sur le ton de la conversation. Y a que le patron et moi qui sachions où il crèche. Pourtant, c’est difficile de le rater, ce tordu-là.
   - Tordu, demandai-je ? En quoi est-ce qu’il…
   - Vous comprendrez lorsque vous le verrez. L’est pas normal ce type. 
   - Vous pensez qu’il sera en mesure de répondre à nos questions ?
   - S’il est pas en plein bad, peut-être. Il se prend de sacrées doses, en tout cas, j’suis étonné qu’il soit pas déjà crevé. »
   Je fronçai les sourcils.
   « On est bientôt arrivés, demanda Ghor ?
   - Oui, il dort dans un squat qu’on lui a aménagé, au dernier étage d’un immeuble sur la rue Otomaska, c’est à quelques pas d’ici. »
   Piquée par la curiosité, je vidai dans ma main le petit sachet que m’avait remis l’escort-girl tout en suivant le groupe. Je me demandai bien à quoi pouvait ressembler ce petit ersatz de légende urbaine. Le groupe avança pour se retrouver dans une petite rue étroite. Une coquille de la taille d’un œuf tomba au creux de ma paume. Je fixai l’écaille de sirène un instant, un losange brun agrémenté d’une arête sur le dessus, parsemé de reflets roux.
   « Eh, où est passé Esteban, dit soudain l’un des hommes de Jauris ? »
   Nous regardâmes autour de nous. Le troisième sous-fifre avait en effet disparu.
   Minute… Un losange agrémenté d’une arête sur le dessus. Des reflets roux sur du brun. Je connaissais ces écailles.
   « Il était là il y a une minute, pesta Jauris. 
   - Il est parti lorsque vous avez révélé l’emplacement de Nog Rad, dit Ghor d’une voix soudain devenue rauque. »
   Merde.
   Un cliquetis se fit entendre dans la ruelle. Le cliquetis d’une arme. Par réflexe, je me jetai sur Ghor et le plaquai au sol, alors qu’une décharge d’énergie passait juste au dessus de nos têtes. Jauris fut mortellement touché et s’effondra. Ses deux hommes dégainèrent et se mirent à tirer à l’aveuglette dans la pénombre. Le premier fut perforé par un tir à l’abdomen, et le second du nous rejoindre à couvert, mon compagnon et moi.
   «  FAIT CHIER, hurla-t-il, ESTEBAN NOUS A VENDU ! »
   Il y avait plus d’un agresseur, c’était certain. Je pressai le mercenaire survivant de nous indiquer la rue Otomaska, ce qu’il fit avant d’être fauché par une balle perdue. Nous nous déplaçâmes, toujours à couvert, alors que les projectiles pleuvaient, pour finalement atteindre le pied de l’immeuble en ruines où se trouvait notre cible. Je m’y engouffrai, suivi de près par Ghor, et nous déboulâmes dans la cage d’escalier… Pour nous retrouver face à face avec trois individus armés.
   Pause.
   Chacun d’entre eux portait une armure para-énergie rouge-orangée. Leurs casques renflés ne laissaient rien paraître de leurs visages et de leurs binoculaires de vision augmentée brillaient une lueur d’un jaune vif. Ils portaient tous une arme automatique de calibre 12 à cartouches plasma ainsi qu’un pack de survie. Cet étalage d’équipement ne pouvait signifier qu’une chose : nous avions à faire à une escouade tactique du Consortium.
   Je brandis mon sabre et déviai un premier projectile, puis abattis son pommeau sur la tête du premier, l’assommant au passage, avant de le replacer horizontalement devant moi pour découper une deuxième décharge d’énergie. Le troisième soldat m’aligna dans son viseur, mais reçut de la part de Ghor un déluge de balles en plein dans la poitrine de son armure, ce qui, sans le tuer, le projeta dans l’escalier et le mit k.o. pour le compte. Le dernier homme nous fit face un instant, puis fit demi-tour et alla se mettre à couvert. Ghor et moi en profitâmes pour monter les marches quatre-à-quatre en direction du sommet. Pourquoi le Consortium tenait-il à mettre la main sur Nog Rad ? Etait-ce un déserteur, ou un criminel recherché, réfugié sur Sheol pour leur échapper ? Ou avaient-ils l’intention de s’en servir comme monnaie d’échange pour obtenir quelque chose d’El Lobo ?
   A moins que…
   « LALAMYA ! »
   Esteban avait surgi devant nous. Je me plaquai à un mur juste à temps pour éviter un coup de feu, puis ripostai. Mon sabre déchira l’air, ainsi que l’armure de mon assaillant, et lui sectionna le poignet. Je l’achevai d’un coup de pied qui l’envoya dévaler les marches pour s’écraser tout en bas de l’escalier. Nous parvînmes enfin à rejoindre le dernier étage. Il faisait extrêmement sombre ; Ghor dispersa des particules photoémettrices autour de nous. Du fond des couloirs insalubres, une odeur nauséabonde nous frappa de plein fouet.
   « Beuark, m’exclamai-je…
   - On dirait que quelqu’un a bouffé la moitié d’un animal mort et qu’il s’est soulagé sur son cadavre, pesta mon compagnon.
   - Merci, Ghor. »
   Un bruit métallique retentit. Sur nos gardes, nous avançâmes dans les ténèbres. Le long des murs, d’innombrables graffitis se mêlaient à des éclaboussures de sang, parsemés de trous laissant voir l’extérieur du bâtiment. Quelques pixors couinaient au dessus de nos têtes, mais nous les ignorâmes. Un autre bruit se fit entendre, un éclat de verre brisé cette fois-ci. Je hochai la tête en direction de mon ami et activai mon sabre à énergie.
   « Nog, appela Ghor ?
   - Nog Rad, ajoutai-je ? Êtes-vous là ? »
   Quelque chose roula sous mon pied. Une seringue.
   « Nog Rad, répéta mon coéquipier, nous sommes venus en amis, nous voulons vous poser quelques questions. »
   Un bruit feutré se fit entendre. Une respiration haletante et rauque, qui se faisait plus intense alors que nous nous rapprochions. Je commençai à me rendre compte que plus nous progressions, plus nous foulions de détritus, parmi lesquels un nombre croissant d’écailles brunâtres affreusement semblables à celle que nous avait offert El Lobo.
   Nous pénétrâmes dans une pièce plus large. Sur ordre de Ghor, les particules photoémettrices se dispersèrent, diffusant leur lueur à travers la pièce, et révélant…
   « Lalamya, murmura mon ami…
   - Oui, dis-je, je le vois. »
   En face de nous, une gigantesque masse difforme gisait. Nous avions devant nos yeux ébahis un gigantesque alien reptilien réduit à l’état de loque par les successives injections de drogue dont témoignaient les tubes vides brisés au sol. Son ventre se gonflait et se dégonflait irrégulièrement au rythme d’inspirations et d’expirations maladives. La créature saignait. Son corps, autrefois couvert d’écailles, était à présent parsemé de trous sanguinolents et d’éraflures. Ses yeux jaunes dénués de toute vie regardaient dans notre direction mais ne nous voyaient pas. Allongé sur le flanc, celui que nous identifiâmes comme Nog Rad brandissait dans sa main un pistolet à injections dont la fiole était remplie de Zured. Il l’amena doucement jusqu’à son cou et, d’un mouvement sec, s’administra la dose du poison. Nous contemplâmes le tube de verre se vider à l’intérieur de son corps. Je m’avançai, ignorant le geste de dissuasion de Ghor. J’allais esquisser un geste vers la créature, mais, brusquement, celle-ci s’affaissa, secouée de spasmes d’une violence inouïe. Les soubresauts de son corps firent trembler la salle, et de sa bouche, un flot d’écume et de bile se mit à couler. Ses yeux s’écarquillèrent et ses pupilles se fixèrent sur moi.
   « Hahhhhhhhh…. Haaahhhhhhh… 
   - Ghor ! Appelle le vaisseau, vite ! Il fait une overdose !
   - Je…
   - MAGNE-TOI ! Il faut le rapatrier d’urgence ! »
   Je me précipitai vers l’alien et sortis précipitamment ma seringue d’anabolisants de mon pack. Je remplaçai son contenu par un puissant sédatif et plantai l’aiguille entre deux écailles. Le bras de la créature me percuta et m’envoya glisser à quelques mètres. Je me réceptionnai sur mes deux pieds et retournai auprès de lui. Peu à peu, les mouvements de Nog Rad se firent plus lents, ses globes oculaires décélérèrent et sa respiration reprit un rythme normal. Depuis l’extérieur de l’immeuble, le ronronnement du moteur de notre navette se fit entendre.
   « Ahhhrrrrr… Ahhhrrrr…. Dahhhrrr…
   - Lalam’ ! Ils sont prêts à le récupérer ! »
   Je me tournai vers Ghor et levai mon pouce, puis m’approchai du blessé et tentai de le calmer.
   « Chhhhhhhtt, tout va bien, Ridley, je suis là. »
   Dans son délire, le Prédactyle sembla m’entendre. Il finit par se détendre, puis s’endormit.
   « Je suis là. »

Keliaran

RIDLEY :
LES CHRONIQUES D'UNE OMBRE
CYCLE 2
Fin du chapitre 0

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Un remake de Metroid Prime, enfin ! Vous en pensez quoi ?

Je prends direct ! Toute mon enfance en HD !

Je n'étais pas né à l'époque, quelle aubaine de pouvoir enfin le faire !

Très peu pour moi, j'attendais la trilogie d'un coup...

Bof, je l'ai déjà trop fait, je passe...

J'ai tout claqué dans les remakes HD de Crash Bandicoot :(


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